• La graphologie ne révèle jamais la personnalité.

               J'ai connu un jeune à qui on avait refusé un poste à partir d’une analyse graphologique de sa lettre de motivation, qui devait être « écrite à la main ». Je trouve cela scandaleux.
               C’est une énorme absurdité car toutes les études sérieuses faites par des chercheurs, ont montré que l’analyse graphologique n’avait aucune valeur prédictive et qu’elle était d’une inefficacité totale au plan de l’analyse de la personnalité d’un individu.
               J’ai eu la responsabilité d’établissements d’une grosse entreprise et donc entre autres, de la gestion de ses personnels. Des personnes qualifiées s’occupaient des embauches. On demandait un CV avec une lettre de motivation, puis on organisait un entretien entre le chef du service demandeur et le candidat, mais j’ai toujours interdit toute analyse graphologique.
      
               L’écriture est caractérisée à la fois par une relative stabilité individuelle et des variations d’une personne à l’autre. il est donc intéressant de chercher à en décrire les caractéristiques, quelles qu'en soient les applications.
               Lorsqu'on cherche à décrire les caractéristiques scripturales d'un texte, les experts s'accordent sur des critères d'analyse objectifs, par exemple, l'écriture est inclinée, les lettres sont mal formées ou formées d’une certaine façon, il n'y a pas de barres aux t ….   
               Ces critères sont utilisés pour reconnaître une écriture et les experts qualifiés dans ce domaine, peuvent avec une certaine probabilité dire si deux textes écrits sont de la même personne, à condition qu’ils n’aient pas été écrits à des époques différentes et que la personne n’ai pas subi un traumatisme avant d’écrire l’un deux.
                Mais c’est un tout autre problème que de vouloir à partir de ces critères en déduire des données psychologiques.  

               La façon dont les experts graphologiques ont cherché à analyser ces variations et, surtout, les corrélats qui ont été proposés en termes d’aptitudes psychologiques sous-jacentes, sont peu précis, ambigus, reposant sur des critères différents qui mélangent leur influence (par exemple vitesse de l’écriture, pression de la main, direction, forme, continuité, ordonnance de l’écriture), et déduits, le plus souvent de critères subjectifs, ne faisant par ailleurs référence à aucune de théorie de la personnalité.
               En fait les graphologues que consultent les entreprises ont en main, non pas un simple spécimen d’écriture, mais un CV et une lettre de motivation, et , avec l’habitude, ils peuvent déduire certains éléments de ces documents, car le contenu d’un texte écrit par l’individu sur lui même, donne des indications sur certaines de ses aspirations ou de ses activités. Les graphologues font alors des déductioins que pourraient faire tout bon psychologue, mais avec, comme lui, des risques d’erreurs car il n’a fait passer aucun test et il n’a pas discuté avec la personne.
               C’est comme si je déduisais la personnalité de mes correspondant(e)s à partir des mails qu’ils ou elles m’adressent ; c’est fort risqué ! 

             La graphologie continue à séduire pour les mêmes raisons qui font le succès des horoscopes. Beaucoup les lisent, certains prétendent ne pas y croire, mais chacun est persuadé que le texte qu'il lit s'applique tout à fait à son cas personnel.   En fait, il ne s'applique pas à une personne en particulier, mais à tous ceux qui le lisent.   C’est « l’effet Barnum » que j'ai décrit hier.

           Selon une loi française votée en 1992, tout candidat à un poste dans une entreprise doit être soumis à des méthodes « pertinentes au regard de la finalité poursuivie ».   A mon avis l’examen de l’écriture n’est pas conforme à la loi et devrait être interdit, comme l’utilisation de la date de naissance, par des moyens aussi peu fiables que l’horoscope ou la numérologie.
              

            
              

     

     

     

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  • Le Ramadan et la nouvelle lune.

                C'est aujourd'hui le premier jour du mois du Ramadan qui est un rite fondamental de l'Islam.
                Durant ce mois, les musulmans pratiquent le jeûne chaque jour, entre le lever et le coucher du soleil. Ils se lèvent avant l’aube afin de prendre un repas, et se privent ensuite de nourriture et de boisson jusqu’à la quatrième prière de la journée, qui commence lorsque le disque solaire a totalement disparu de l'horizon, et qu'il n'y a plus aucune lueur rouge.
               Mais le ramadan est plus qu'un jeûne et une époque de prière.  Outre l'interdiction de manger ou de boire, il est interdit durant le mois de ramadan, de proférer des insultes, d'avoir des comportements contraires à la morale publique et aux rapports du couple - un mari qui insulterait sa femme - de fumer, de mâcher du chewing-gum. Il ne faut pas s'adonner à la danse ou à la musique dans un espace public ou dans une voiture. Il faut porter des habits convenables.
              En temps de canicule, les autorités religieuses peuvent émettre des fatwas -des avis religieux- pour demander à des gens qui travaillent dans des conditions difficiles de boire. De plus, il est dit dans le Coran que les gens qui voyagent, sont autorisés à manger et à boire.

              Je connais plusieurs personnes de religion musulmane et en discutant avec eux, j'ai toujours été étonné quant à la façon dont était déterminé, jusqu'à présent, le premier jour du ramadan.
             Les dates du ramadan sont fixées selon le calendrier lunaire islamique, qui est basé sur les phases de la lune. Le mois du ramadan - comme tous les autres mois - débute dans ce calendrier avec l'apparition de la nouvelle Lune.
             Pour fixer cette date, des autorités religieuses ou des comités spécifiques du Conseil français du culte musulman (CFCM) se réunissaient à la la Grande mosquée de Paris, pour observer le ciel, lors de "la nuit du doute".  Si le croissant de Lune est visible dans ciel à l'oeil nu, alors le ramadan commence le lendemain. Dans le cas contraire, il commence le jour suivant.

            Évidemment on peut aussi déterminer l'apparition de la nouvelle lune de façon scientifique par des calculs astronomiques, basés sur des logiciels modernes et fiables.
           Il semble cette année que le CFCM aurait modifié sa position et qu'il considère que la bonne méthode pour fixer la date du ramadan est bien la méthode astronomique. Un communiqué du CFCM du 14 février indique de manière définitive que le ramadan 2024 débute le lundi 11 mars.

             La Grande Mosquée de Paris continue d'organiser une nuit du doute pour observer à l'oeil nu l'apparition de la Lune. Mais désormais, cette observation n'est plus décisionnelle , mais représente  une forme de tradition, de coutume, et fait office de confirmation. La Grande Mosquée précise que "la commission religieuse prendra en considération en premier lieu l'observation visuelle de la nouvelle lune sans exclure les résultats des calculs astronomiques".

             Le nom ramadan a été donné au neuvième mois dans le monde arabe bien avant l'arrivée de l’islam. Le mot lui-même est dérivé des anciennes langues sémites et désigne l'extrême chaleur de l’été.
             Selon la tradition, l’archange Gabriel est apparu au prophète Mahomet lors de la 27e nuit du mois de Ramadan pour lui révéler le Coran. appelée la « Nuit du destin ». Afin de célébrer cet événement, le jeûne a été instauré durant ce mois sacré, en 624.
            Evidemment, à cette époque, pas de logiciel de calcul, et il fallait bien observer le ciel pour déterminer l'arrivée de la nouvelle lune.

             En fait l'observation faite la nuit du doute est la fin de la phase "nouvelle lune" et l'apparition du premier croissant.
             On appelle phases de la lune les parties de l'astre, vues de la Terre et éclairées par les soleil.
             Du fait de la rotation de la Lune, c’est toujours la même partie de sa surface qui est observable depuis la Terre : la face visible, mais, la portion de la face visible éclairée par le Soleil varie.

               La Lune est visible uniquement grâce à la lumière du Soleil qu’elle réfléchit : au cours du cycle de la lune, nous voyons sa face illuminée sous différents angles.
               Les phases lunaires observées depuis la Terre sont dues aux positions relatives du Soleil, de la Terre et de la Lune. La Lune est pleine quand le Soleil et la Lune se trouvent de part et d’autre de la Terre : elle apparaît comme un disque lumineux.
              Lorsque la Lune tourne autour de la Terre, la surface visible (illuminée par le Soleil) diminue (lune décroissante) jusqu’à ce qu’elle disparaisse totalement. quand le soleil et la lune sont tous les deux alignés du même côté de la Terre. (nouvelle lune).
              Le schéma ci-dessous explici-te des diverses phases de la lune.

    Le Ramadan

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  •            J’essaierai aujourd’hui de répondre aux questions posées sur la mémoire et les comportements de personnes ayant subi de grands chocs traumatiques, tels les militaires qui sont passés près de la mort en opérations, ou les témoins des attentats, comme ceux des tours américaines ou du Bataclan.
            Toutefois je ne suis pas neurologue. J’ai simplement lu quelques articles à ce sujet, du fait que c’est un domaine très particulier, complexe et encore mal connu. Je ne pourrais donc en donner qu’un aperçu.

             Il existe beaucoup de causes de souvenirs traumatisants.
             Certains sont peu graves et très passager, comme lorsque l’on a « une peur bleue », que vous avez failli renverser quelqu’un au volant de votre voiture ou être vous même écrasé(e). Mais tout s’est bien terminé et vous oublierez assez vite ce mauvais souvenir, et si vous le remémorez, cela ne vous remettra pas en transes.
               D’autres souvenirs sont au contraire très traumatisants lorsqu’il en résulte une souffrance infligée pendant des années, comme un enfant maltraité ou une femme battue.
               Le souvenir qui persiste en mémoire peut être à l’origine de troubles psychiques importants, même si le sévice a disparu.
               Et il y a l’événement brutal, ultra taumatisant, où, en général, on craint pour sa vie ou son intégrité et où ce qui arrive nous dépasse, où l’on ne comprend pas la situation. Ce n’est pas un événement qui dure longtemps, il n’est pas répétitif, mais son intensité est telle, que l’émotion qui l’accompagne peut nous faire « péter les plombs ».

              Comment réagissent les personnes ? Très différemment.
              Les études notamment sur les rescapés des attentats du Bataclan, ont montré que certains, sur le moment, ont gardé leur sang froid, ont aidé les autres à fuir ou se cacher et on est étonné d’un tel calme. Mais le traumatisme est quand même là et c’est ensuite, une fois l’action passée et le danger écarté, que l’on se rend compte de l’horreur des faits. Le souvenir de l’horreur poursuivra même ces personnes.
               D‘autres personnes seront affolées et chercheront à fuir ou à se terrer, mais de façon instinctive, presque sans réfléchir. Elles seront en général très traumatisée par ce qu’elles ont subi, poursuivies pendant des mois par l’horreur de la scène. Certaines arriveront à peu à peu à moins y penser, d’autres devront être aidées psychologiquement pour tenir le coup. Manifestement leur volonté était dépassée par les événements.
               Enfin certaines personnes auront l’air sidérées par la situation, et auront l’air de ne pas en souffrir sur le moment. Elles ne s’en souviendront en général pas tout de suite après l’événement, mais le souvenir finira par revenir, rapportant alors la souffrance qu’elles n’ont pas ressenti sur le moment.
              Comment expliquer ces situations.?

               Rappelez vous ce que j’ai expliqué dans les articles sur nos sensations. Sur le thalamus, et les centres amygdaliens (articles  du 24/08/2018, 3/4/2021 et 22/10/2022).


              En l'absence de stress intense,ens le cortex préfrontal, chef d’orchestre du cerveau, régule l'activité de zones situées dans les profondeurs du cerveau : le striatum, impliqué dans les habitudes, la motivation et les impulsions, I’hypothalamus qui gère nos organes de vie, des besoins fondamentaux comme la faim, la soif ou l'activité sexuelle, et les centres amygdaliens, où naissent les émotions fortes, notamment la peur et la colère.
              Voir le schéma ci-dessous :

     Comportement suite à un accident, un attentat, un traumatisme important et subit


             Le cortex préfrontal régule aussi la réponse au stress, notamment la production de deux neurotransmetteurs, la noradrénaline et la dopamine par les neurones du tronc cérébral. En quantité modérée, ces deux neurotransmetteurs renforcent les connexions avec le cortex préfrontal et donc son action de contrôle.
              Les centres amygdaliens, impliqués dans toutes les émotions, et à l'origine notamment de l'impression de peur, de danger, de crainte, veillent sur notre survie, et reçoivent directement les sensations brutes visuelles et de l'ouïe, transmises directement par le thalamus en quelques millisecondes.
              Les mêmes sensations sont ensuite transmises aux centres d’interprétation sensitive, puis retournent au thalamus qui les transmet au cortex préfrontal, lequel consulte la mémoire via l’hippocampe, puis, lorsqu'il a cerné l'événement, reprend contact avec les centres amygdaliens, mais au bout de plusieurs dixièmes de seconde.
             Mais, si les centres amygdaliens ont jugé au départ la situation comme inquiétante, ils vont réagir immédiatement de façon inconsciente en agissant sur la formation réticulée du tronc cérébral qui va faire libérer par les glandes surrenales de l’adrénaline et de la noradrénaline.
             L'adrénaline va augmenter la fréquence et la contraction du coeur, augmenter la pression artérielle, entraîner une vasoconstriction des vaisseaux, augmenter la fréquence respiratoire et donc augmenter l'apport d'oxygène aux niveaux des organes, et faire également libérer du glucose pour permettre un effort éventuel.
             Ces centres vont également déclencher, par le relais de l’hypothalamus et de l’hypophyse, la sécrétion de cortisol par les glande surrénales : l’hormone du stress.
             Enfin les centres amygdaliens vont agir sur le striatum pour augmenter la motivation et sur le noyau accumbens qui libèrera de la dopamine dans le circuit de récompense.
             Si le stress n’est pas important, le cortex préfrontal lorsqu’il prendra contact avec les centres amygdaliens, les calmera; ils cesseront leur action et il gardera le contrôle de la situation.

             Dans le cas d’une situation brutale et stressante au niveau du traumatisme, chez les individus calmes et peu émotifs, dont le cortex préfrontal a un fort contrôle sur les centres amygdaliens, ils arriveront sur le moment à réfléchir et à enrayer l’action des centres amygdalien, mais utiliseront la mobilisation qu’ils ont faite, pour essayer de maitriser au mieux la situation, en aidant les autres.
             Mais une fois l’action passée, le cortex préfrontal, fatigué, va diminuer son action et les centres amygdaliens vont reprendre le dessus; réactiver le souvenir traumatisant, et réactiver le stress.

              Chez les individus qui affolés vont fuir ou se terrer de façon instinctive, le cortex préfrontal a été dépassé par l’intensité des événements, d’autant plus que, dans le cas d’un attentat, il ne comprend pas la situation dont il n’a pas d’exemple vécu en mémoire. Les centres amygdaliens ont alors le champ libre et ce sont eux qui dictent le comportement aux individus.
            Cette action va durer longtemps et les neurotransmetteurs sécrétés vont profondément renforcer le souvenir dans la mémoire à long terme, et ce souvenir va se réactiver en permanence et réactiver les réactions des centres amygdaliens, faisant revivre la scène à la victime.
              Certains arriveront peu à peu à faire reprendre le contrôle à leur cortex préfrontal, d’autres devront être aidés pour y arriver, voire être traités par des médicaments.

     Comportement suite à un accident, un attentat, un traumatisme important et subit

             Quelle explication donner pour ceux qui ont l’impression d’être totalement ansthésiés et de ne pas souffrir de la situation?
              Des personnes émotives et dont les centres amygdaliens sont très actifs peuvent faire, sous le coup de l’émotion énorme et de la situation incompréhensible une « espèce d’overdose » d’adrénaline et de cortisol », du fait que les centres amygdaliens sont emballés, le cortex préfrontal anihilé, et que l’acion risque de ne pas s’arrêter. L’excès d’adrénaline devient toxique pour le cœur et le système vasculaire, et le cortisol risque de provoquer une hyperglycémie,

              Il y a alors un risque vital pour l’organisme et l’hypothalamus, garant du fonctionne-ment de notre corps et notre vie, va prendre des mesures d’urgence désespérées en faisant sécréter par l’hypophyse des endorphines, et il agit sur les récepteurs du glutamate (neurotransmetteur qui active les réactions nerveuses), pour les empêcher de fonctionner.
              Cela provoque comme l’effet d’un disjoncteur et « éteint » les centres amygdaliens : malgré le traumatisme qui se poursuit, l'état de stress s'apaise, le système nerveux sympathique n’est plus stimulé, et il n'y a plus de souffrance psychique ; les endorphines provoquent une analgésie, et il n'y a plus de souffrance physique !
              Les stimuli traumatiques vont continuer d'arriver via le thalamus aux centres sensoriels, où ils vont être traités mais sans impression émotionnelle, sans souffrance psychologique, sans souffrance physique. La victime va avoir l’impression d'être spectatrice de ce qui lui arrive, de façon dépersonnalisée. Les psychiatres appellent cela un « phé-nomène de dissociation ».
             Les centres amygdaliens étant déconnectés de l’hippocampe, celui ci ne recevra pas les adresses neuronales du souvenir et la personne ne se souviendra pas, le plus souvent, des scènes vécues ces quelques instants; mais ces centres pourront, par la suite, transmettre au cortex préfrontal des sensations, des pensées, des émotions, iiées aux événements traumatisants, mais sans repères de temps ni d'espace, et donc incompréhensibles. La personne peut souffrir psychologiquement, avoir des troubles cognitifs et devoir être assistée médicalement.
              Et un stimulus particulier rappelant l’événement peut à nouveau remettre en action les centres amygdaliens, qui vont transmettre alors à l’hippocampe l’adresse du souvenir, qui va, tout à coup, revenir en mémoire de la personne, et recréer un nouveau traumatisme, si le cortex préfrontal n’arrive pas à reprendre le dessus.   

           J’ai essyé de répondre à vos questions, à partir des lectures que j’avais faites sur les conséquences psychologiques des attentats et sur les traumatismes des combattants à la suite d’opérations militaires dans lesquelles ils ont échappé à la mort, alors que leurs camarades avaient succombé. J'espère que, malgré le caractère pénible du sujet et la difficulté de faire un exposé simple, cela aura répondu à vos attentes.   

     

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  • Nos sensations et les mots se mélangent dans notre mémoire.

              A la suite des articles que j’ai faits mi-février sur la mémoire, pour répondre à la demande d’une correspondante, j’ai reçu d’autre mails qui me posent plusieurs questions et je vais essayer de regrouper les réponses dans deux articles.

              Vous aviez été intrigués parce que j’avais dit, à propos de chat GPT, qu’il ne comprenait pas la signification des mots qu’il utilisait, car il n’avait auxune sensation et les mots sont issus des sensations. Je voudrais compléter cet article par un aperçu de l’organisation de la mémoire des mots.

              De grands progrès ont été faits depuis 10 ans dans la connaissance de la mémoire et notamment plusieurs articles de la revue « Nature » faisaient le point sur l’implantation relative des images et plus généralement des perceptions et des mots.
              Ces progrès ont été d’abord ceux de l’IRMf (imagerie par résonance magnétique fonctionnelle) pour étudier le système visuel humain. L’IRMf permet de mesurer des variations du flux sanguin et de l’activité électrique dans le cerveau, et on l’utilise souvent pour déterminer les régions du cortex rйagissant à différents stimuli.
              On arrive à segmenter les données en enregistrements pour des volumes de tissu cérébral minuscules, de la taille d’un pois et appelés « voxels » (un voxel étant l’équivalent d’un pixel, mais en trois dimensions).
             Les chercheurs ont ainsi fait une carte des activités des centres d’interprétation des signaux visuels et notamment des zones  (le « Quoi » dont j’ai déjà parlé), où sont stockés les images de centaines d’objet et des lieux qu’elles représentent ( le « Où »).

             D’autres chercheurs (notamment Jack Gallant et Alexandre Huht), ont appliqué les mêmes méthodes aux centres sémantiques qui stockent les mots (le centre de Geschwind dont j’ai déjà parlé).
             Ils ont confirmé que les neurones associés aux mots qui représentaient les mêmes types d’objets (par exemple les outils, les animaux, les ustensiles de cuisine….) étaient voisins et regroupés par petits centres.
             Comme certains patients volontaires étaient communs à ces études, ils ont pu comparer les deux cartes visuelle et sémantique et ils ont trouvé que les images et les mots qui représentaient une catégorie d’objets, étaient voisines, mais avec un léger décalage dans l’espace.
              Les zones sémantiques formaient une sorte de ruban autour des zones visuelles du « Quoi » et du « Où ». Le partie voisine des centres d’interprétation de la vue répondait exclusivement aux images, puis venait une zone où les images et les mots étaient représentés, jusqu’à ce que, à la frontière de la région, seuls les mots provoquent une activité corticale. Une étude statistique a montré que le passage se faisait progressivement et que l’on pouvait calculer un gradient de passage des images aux mots. (cf. figure ci-dessous).
              Ce schéma d’organisation a été retrouvé chez tous les patients objets des études.

    Nos sensations et les mots se mélangent dans notre mémoire.

              Dans tout cerveau, il existe donc une frontière mêlant les représentations visuelles et sémantiques de chaque objet, lieu, concept, entre deux zones où sont représentées d’un coté les images (près des centres d’interprétation visuelle) et d’autre part les mots (de l’autre coté de la frontière).

             Ce n’est pas tellement étonnant car, comme je l’vais écrit dans l’article concernant ChatGPT, les mots sont acquis par l’enfant à partir de sensations de nos cinq sens, notamment des images de la vision. Et même les concepts abstraits dérivent de représentations s’appuyant sur des sensations concrètes.
             La partie sémantique du cerveau se construit donc progressivement à partir des parties représentant les sensations.

            En 2013, Christopher Baldassano, neuroscientifique de l’université de Columbia, a découvert que si la zone des images était liée aux centres d’interprétation visuelle, la zone sémantique était surtout liée aux réseaux de la mémoire.
             Il semblerait donc que perception et mémoire soient aussi profondément enchevêtrées.
             Nous avons souvent l’impression d’avoir des représentations visuelles des choses, des événements vécus, mais nous savons aussi que, lorsque nous imaginons quelque chose ou que nous nous en souvenons, c’est différent de ce que nous voyons et de ce que nous avons vu réellement.
              Ce que nous voyons dans notre esprit serait une réinterprétation d’une scène ou d’un objet dont nous nous souvenons, reposant sur son contenu sémantique, plutôt qu’une reproduction exacte de la chose.
             Pour vérifier ces hypothèses, les chercheurs travaillent maintenant avec des personnes qui semblent incapables de faire apparaître des images mentales, un déficit neurologique rare.

             Nos souvenirs se sémantiseraient donc tout au cours de notre vie.
             Effectivement nos souvenirs récents sont épisodiques c’est à dire datés dans le temps. Au fur et à mesure qu’on s’en éloigne, ce datage disparait et on ne se souvient alors que d’un schéma général, avec quelques éléments vivaces correspondant en général à des moments émotionnels.

              La mémoire serait organisée à partir des souvenirs des sens, passage au sémantique et la mémoire épisodique (les souvenirs) se nourissant ensuite des souvenirs sémantiques.
              Mais de plus intervient la mémoire collective des événements partagés avec d’autres individus, qui peut modifier nos souvenirs en mélangeant des situations qui nous ont frappés surtout émotionnellement.
               Interviennent aussi nos lectures qui ajoutent des souvenirs sémantiques, sans image réelle, mais éventuellement avec des images intérieures imaginées, et les souvenirs peuvent assembler souvenirs réels et ceux de lectures.

             Cette organisation nous permet aussi de comprendre pourquoi on n'a aucun souvenir de notre vie avant trois ans (pas encore un langage sémantique suffisant) ou même avant une dizaine d'années, (passage au sémantique encore faible) et que ces souvenirs sont souvent reconstitués : photos, récits de la famille, mélange de souvenirs de dates différentes, disparition ou reconstruction différent des détails....

             Demain j’essaierai de répondre aux questions posées sur la mémoire et les comportements de personnes ayant subi de grands chocs traumatiques, tels les militaires qui sont passés près de la mort, en opérations, ou les témoins des attentats, comme ceux des tours américaines ou du Bataclan.

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  • Quand notre cerveau joue à ChatGPT, mais plus intelligemment que lui.

               Chaque région du cerveau, qu’elle serve principalement à la perception ou à l’action, peut fonctionner selon deux modes : soit en interaction directe avec l’environnement, l’activité de ses neurones étant alors contrainte par ce dernier, soit sans lien avec le monde extérieur, sur la base d’une activité neuronale autonome et donc libre;
             Cette dernière situation intervient lorsque l’on dort, et on peut l’observer chez des animaux de laboratoire, en particulier chez les cellules qui suivent les orientations de la tête lorsque celle-ci bouge. Lorsque une souris se déplace dans un labyrinthe, ces neurones s’activent en fonction des mouvements de la tête qu’ils suivent. Mais lorsque la souris dort (et peut être qu’elle rêve être dans le labyrinthe ?); ces neurones s’activent aussi, et pas dans n’importe quel ordre. Ils reproduisent des séquences possibles dans le réel, bien qu’ils ne soient pas contraints par celui-ci.
             Les neurones des centres en cause ont  en mémoire un jeu de séquences programmées, qui correspondent à des perceptions ou des situations réelles, acquis par l’apprentissage de l’expérience de la vie, et qu’ils utilisent au mieux, lorsqu’ils ne sont pas contraints par cet environnement.

              Un phénomène analogue intervient lorsque le cerveau se trouve dans une situations intermédiaire où toutes les informations extérieures ne lui sont pas transmises.
             C’est le cas par exemple, lorsque vous saisissez une bribe de conversation entre deux personnes et non la phrase entière. Dans ce cas, le réseau de neurones va réagir en créant une phrase réaliste qui s’embоîte au mieux avec les bribes d’informations perçues : il complète ces fragments du mieux qu’il peut afin de deviner ce qui a été dit.
             Parfois il se trompe quand nous prenons par exemple une branche dans l’herbe, pour un serpent.
             Notre cervelet calcule ainsi, comme chatGPT les phrases les plus probables, au moyen de probabilités, mais notre cerveau au moins comprend le sens des mots qu’il utilise, ce qui n'est pas le cas de ChatGPT.

              Cette capacité et importante, car c’est un système d’anticipation, qui établit des prolongements possibles de la réalité, à partir de ce que nous avons observé.
             Ce système de prédiction permet d’envisager différents scénarios, et de prédire quelles seront leurs conséquences, sans avoir à les réaliser réellement, juste en les simulant mentalement.
            C'est ainsi que nous prenons beaucoup de nos décisions, soit que nous n'ayons pas le temps de réfléchir, soit que la décision n'étant pas fondamentale, nous cherchons à économiser de l'énergie, notre cerveau consommant environ 20% de celle dissipée par notre corps.

            Il est important que les parents comme les enseignants stimulent cette faculté chez l’enfant en les amenant à essayer de prévoir l’avenir ou les conséquences d’une situation, et de corriger ensuite les erreurs, afin de forger son mode de fonctionnement autonome. Toutefois les modes autonome et contraint ne peuvent fonctionner en même temps et il faut donc laisser le temps aux deux modes d’agir à tour de rôle, sur un sujet donné. Il faut aussi laisser les enfants faire leurs propres expériences.

     

     

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