• Comportement suite à un accident, un attentat, un traumatisme important et subit

               J’essaierai aujourd’hui de répondre aux questions posées sur la mémoire et les comportements de personnes ayant subi de grands chocs traumatiques, tels les militaires qui sont passés près de la mort en opérations, ou les témoins des attentats, comme ceux des tours américaines ou du Bataclan.
            Toutefois je ne suis pas neurologue. J’ai simplement lu quelques articles à ce sujet, du fait que c’est un domaine très particulier, complexe et encore mal connu. Je ne pourrais donc en donner qu’un aperçu.

             Il existe beaucoup de causes de souvenirs traumatisants.
             Certains sont peu graves et très passager, comme lorsque l’on a « une peur bleue », que vous avez failli renverser quelqu’un au volant de votre voiture ou être vous même écrasé(e). Mais tout s’est bien terminé et vous oublierez assez vite ce mauvais souvenir, et si vous le remémorez, cela ne vous remettra pas en transes.
               D’autres souvenirs sont au contraire très traumatisants lorsqu’il en résulte une souffrance infligée pendant des années, comme un enfant maltraité ou une femme battue.
               Le souvenir qui persiste en mémoire peut être à l’origine de troubles psychiques importants, même si le sévice a disparu.
               Et il y a l’événement brutal, ultra taumatisant, où, en général, on craint pour sa vie ou son intégrité et où ce qui arrive nous dépasse, où l’on ne comprend pas la situation. Ce n’est pas un événement qui dure longtemps, il n’est pas répétitif, mais son intensité est telle, que l’émotion qui l’accompagne peut nous faire « péter les plombs ».

              Comment réagissent les personnes ? Très différemment.
              Les études notamment sur les rescapés des attentats du Bataclan, ont montré que certains, sur le moment, ont gardé leur sang froid, ont aidé les autres à fuir ou se cacher et on est étonné d’un tel calme. Mais le traumatisme est quand même là et c’est ensuite, une fois l’action passée et le danger écarté, que l’on se rend compte de l’horreur des faits. Le souvenir de l’horreur poursuivra même ces personnes.
               D‘autres personnes seront affolées et chercheront à fuir ou à se terrer, mais de façon instinctive, presque sans réfléchir. Elles seront en général très traumatisée par ce qu’elles ont subi, poursuivies pendant des mois par l’horreur de la scène. Certaines arriveront à peu à peu à moins y penser, d’autres devront être aidées psychologiquement pour tenir le coup. Manifestement leur volonté était dépassée par les événements.
               Enfin certaines personnes auront l’air sidérées par la situation, et auront l’air de ne pas en souffrir sur le moment. Elles ne s’en souviendront en général pas tout de suite après l’événement, mais le souvenir finira par revenir, rapportant alors la souffrance qu’elles n’ont pas ressenti sur le moment.
              Comment expliquer ces situations.?

               Rappelez vous ce que j’ai expliqué dans les articles sur nos sensations. Sur le thalamus, et les centres amygdaliens (articles  du 24/08/2018, 3/4/2021 et 22/10/2022).


              En l'absence de stress intense,ens le cortex préfrontal, chef d’orchestre du cerveau, régule l'activité de zones situées dans les profondeurs du cerveau : le striatum, impliqué dans les habitudes, la motivation et les impulsions, I’hypothalamus qui gère nos organes de vie, des besoins fondamentaux comme la faim, la soif ou l'activité sexuelle, et les centres amygdaliens, où naissent les émotions fortes, notamment la peur et la colère.
              Voir le schéma ci-dessous :

     Comportement suite à un accident, un attentat, un traumatisme important et subit


             Le cortex préfrontal régule aussi la réponse au stress, notamment la production de deux neurotransmetteurs, la noradrénaline et la dopamine par les neurones du tronc cérébral. En quantité modérée, ces deux neurotransmetteurs renforcent les connexions avec le cortex préfrontal et donc son action de contrôle.
              Les centres amygdaliens, impliqués dans toutes les émotions, et à l'origine notamment de l'impression de peur, de danger, de crainte, veillent sur notre survie, et reçoivent directement les sensations brutes visuelles et de l'ouïe, transmises directement par le thalamus en quelques millisecondes.
              Les mêmes sensations sont ensuite transmises aux centres d’interprétation sensitive, puis retournent au thalamus qui les transmet au cortex préfrontal, lequel consulte la mémoire via l’hippocampe, puis, lorsqu'il a cerné l'événement, reprend contact avec les centres amygdaliens, mais au bout de plusieurs dixièmes de seconde.
             Mais, si les centres amygdaliens ont jugé au départ la situation comme inquiétante, ils vont réagir immédiatement de façon inconsciente en agissant sur la formation réticulée du tronc cérébral qui va faire libérer par les glandes surrenales de l’adrénaline et de la noradrénaline.
             L'adrénaline va augmenter la fréquence et la contraction du coeur, augmenter la pression artérielle, entraîner une vasoconstriction des vaisseaux, augmenter la fréquence respiratoire et donc augmenter l'apport d'oxygène aux niveaux des organes, et faire également libérer du glucose pour permettre un effort éventuel.
             Ces centres vont également déclencher, par le relais de l’hypothalamus et de l’hypophyse, la sécrétion de cortisol par les glande surrénales : l’hormone du stress.
             Enfin les centres amygdaliens vont agir sur le striatum pour augmenter la motivation et sur le noyau accumbens qui libèrera de la dopamine dans le circuit de récompense.
             Si le stress n’est pas important, le cortex préfrontal lorsqu’il prendra contact avec les centres amygdaliens, les calmera; ils cesseront leur action et il gardera le contrôle de la situation.

             Dans le cas d’une situation brutale et stressante au niveau du traumatisme, chez les individus calmes et peu émotifs, dont le cortex préfrontal a un fort contrôle sur les centres amygdaliens, ils arriveront sur le moment à réfléchir et à enrayer l’action des centres amygdalien, mais utiliseront la mobilisation qu’ils ont faite, pour essayer de maitriser au mieux la situation, en aidant les autres.
             Mais une fois l’action passée, le cortex préfrontal, fatigué, va diminuer son action et les centres amygdaliens vont reprendre le dessus; réactiver le souvenir traumatisant, et réactiver le stress.

              Chez les individus qui affolés vont fuir ou se terrer de façon instinctive, le cortex préfrontal a été dépassé par l’intensité des événements, d’autant plus que, dans le cas d’un attentat, il ne comprend pas la situation dont il n’a pas d’exemple vécu en mémoire. Les centres amygdaliens ont alors le champ libre et ce sont eux qui dictent le comportement aux individus.
            Cette action va durer longtemps et les neurotransmetteurs sécrétés vont profondément renforcer le souvenir dans la mémoire à long terme, et ce souvenir va se réactiver en permanence et réactiver les réactions des centres amygdaliens, faisant revivre la scène à la victime.
              Certains arriveront peu à peu à faire reprendre le contrôle à leur cortex préfrontal, d’autres devront être aidés pour y arriver, voire être traités par des médicaments.

     Comportement suite à un accident, un attentat, un traumatisme important et subit

             Quelle explication donner pour ceux qui ont l’impression d’être totalement ansthésiés et de ne pas souffrir de la situation?
              Des personnes émotives et dont les centres amygdaliens sont très actifs peuvent faire, sous le coup de l’émotion énorme et de la situation incompréhensible une « espèce d’overdose » d’adrénaline et de cortisol », du fait que les centres amygdaliens sont emballés, le cortex préfrontal anihilé, et que l’acion risque de ne pas s’arrêter. L’excès d’adrénaline devient toxique pour le cœur et le système vasculaire, et le cortisol risque de provoquer une hyperglycémie,

              Il y a alors un risque vital pour l’organisme et l’hypothalamus, garant du fonctionne-ment de notre corps et notre vie, va prendre des mesures d’urgence désespérées en faisant sécréter par l’hypophyse des endorphines, et il agit sur les récepteurs du glutamate (neurotransmetteur qui active les réactions nerveuses), pour les empêcher de fonctionner.
              Cela provoque comme l’effet d’un disjoncteur et « éteint » les centres amygdaliens : malgré le traumatisme qui se poursuit, l'état de stress s'apaise, le système nerveux sympathique n’est plus stimulé, et il n'y a plus de souffrance psychique ; les endorphines provoquent une analgésie, et il n'y a plus de souffrance physique !
              Les stimuli traumatiques vont continuer d'arriver via le thalamus aux centres sensoriels, où ils vont être traités mais sans impression émotionnelle, sans souffrance psychologique, sans souffrance physique. La victime va avoir l’impression d'être spectatrice de ce qui lui arrive, de façon dépersonnalisée. Les psychiatres appellent cela un « phé-nomène de dissociation ».
             Les centres amygdaliens étant déconnectés de l’hippocampe, celui ci ne recevra pas les adresses neuronales du souvenir et la personne ne se souviendra pas, le plus souvent, des scènes vécues ces quelques instants; mais ces centres pourront, par la suite, transmettre au cortex préfrontal des sensations, des pensées, des émotions, iiées aux événements traumatisants, mais sans repères de temps ni d'espace, et donc incompréhensibles. La personne peut souffrir psychologiquement, avoir des troubles cognitifs et devoir être assistée médicalement.
              Et un stimulus particulier rappelant l’événement peut à nouveau remettre en action les centres amygdaliens, qui vont transmettre alors à l’hippocampe l’adresse du souvenir, qui va, tout à coup, revenir en mémoire de la personne, et recréer un nouveau traumatisme, si le cortex préfrontal n’arrive pas à reprendre le dessus.   

           J’ai essyé de répondre à vos questions, à partir des lectures que j’avais faites sur les conséquences psychologiques des attentats et sur les traumatismes des combattants à la suite d’opérations militaires dans lesquelles ils ont échappé à la mort, alors que leurs camarades avaient succombé. J'espère que, malgré le caractère pénible du sujet et la difficulté de faire un exposé simple, cela aura répondu à vos attentes.   

     

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