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Je vous ai décrit, hier, le mécanisme de modification de l’ADN de virus par les bactéries, afin de se vacciner, en utilisant un ARN guide content une séquence caractéristique de l’ADN viral, qui retrouvera cette séquence sur le virus infectant, et d’une enzyme CAS, capable de couper cette séquence en un endroit très précis.
Lorsqu’il s’agissait de couper en laboratoire l’ADN de cellules en expérimentation, que pouvait on faire?
Bien avant que, en 1944, l'on connaisse l'ADN en tant que support génétique, et que l'on puisse déterminer un génome, l'homme a fait des croisements d'animaux et de plantes, et a ainsi modifié l'ADN, car c'est le seul moyen de modifier durablement un organisme.
Les scientifiques avaient aussi montré que les rayonnements ionisants, des produits chimiques ou des virus pouvaient entraîner des mutations génétiques, mais on ne pouvait les orienter et elles semblaient se faire « au hasard ».
La première modification volontaire ciblée du génome d'une cellule animale a été faite en1985, en échangeant deux séquences très proches, l'une de l'ADN de la cellule, par une autre introduite dans la cellule.
En 1988 Mario Capecchi et son équipe, mettent au point une méthode permettant de cibler et de modifier un gène dans une cellule animale, ce qui lui vaudra le prix Nobel en 2007. En 1994, des biologistes de l'Institut Pasteur montrent que la réparation naturelle d'un gène accidentellement coupé est facilitée si on pratique une coupure avec une enzyme de levure.
Les chercheurs ont alors essayé de fabriquer des protéines qui reconnaissent de façon spécifique une séquence particulière d'ADN, et de les coupler à des enzymes qui coupent la séquence au bon endroit désiré. Ces composants étaient très difficiles et longs à fabriquer
En 2010, l'université du Minnesota a utilisé une enzyme fabriquée par une bactérie, qui reconnaissait certaines séquences d'ADN, et en la combinant a une protéine capable de couper le brin. Cette méthode était beaucoup plus simple mais encore laborieuse.
L'utilisation des enzymes CAS des bactéries et des ARN guides va considérablement faciliter les modifications d’ADN et les rendre très rapides au niveau de la synthèse des produits nécessaires.
Il faut fabriquer un petit ARN, composé de l'ARN « tract" et de l'ARN issu de la séquence d'ADN que l'on veut sectionner, et on le couple avec l'enzyme CAS (voir les explications de mon article d'hier). L'introduction de plusieurs petits ARN dans la cellule permet même de réaliser plusieurs coupures simultanées.
Le schéma ci dessous tiré de l'article de la revue "Pour la science", montre le processus :
Depuis cette avancée technologique en 2013, les études de modifications génétiques en laboratoire de cellules animales et végétales se sont multipliées. Car grâce à cette technique CAS, il est possible de couper avec précision n'importe quelle séquence de l'ADN de n'importe quelle cellule et d'y introduire des séquences autres (entre les brins coupés ou à la place d'une séquence ôtée entre deux coupures).
De plus les chercheurs ont modifié les protéines CAS pour l'inhiber dans certaines conditions, ou au contraire l'activer, par exemple en présence de lumière ou de certains produits chimiques. ARN guides et la protéine CAS peuvent aussi maintenant être éliminés naturellement par la cellule, une fois la mutation réalisée.
De telles mutations provoquées ouvrent des horizons nouveaux en thérapeutique, surtout en ce qui concerne les maladies génétiques, car on peut espérer trouver un moyen de modifier les anomalies génétique à leur origine. Deux grands problèmes toutefois : il y a en général une multitude de gènes responsables de la maladie et il faudrait les modifier presque tous; il faut par ailleurs introduire la mutation dans un très grand nombre de cellules.
Mais on peut aussi espérer réparer des cellules souches in vivo, voire réparer un organe défectueux quand la dégénérescence de l’organe est dû à une mutation.
On pourra peut être trouver des solutions durables contre le diabète ou l’excès de cholestérol, ou bloquer l’infection de certains virus. Enfin l’étude de modifications génétiques de plantes et de leurs conséquence sera grandement facilitée.
C’est donc bien une grande avancée que ces progrès, bien peu décrits par les médias.
On peut penser aussi à pratiquer des modifications sur le génome d’embryons humains pour éviter des enfants anormaux, ce qui serait un grand progrès.
Mais évidemment, comme toute avancée scientifique, cela pose des problèmes d’éthique car une découverte peut être mal utilisée, et notamment pour des recherches de nature eugénistes..
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Les journalistes nous abreuvent continuellement à la télé, à la radio et dans les journaux, de tous les conflits, attentats et surtout accidents et crimes ou rixes diverses.
Mais lorsque se prépare en silence une énorme évolution, il n’y en a pas un pour en parler, car cela n’a rien de sensationnel et n’est pas fait pour les voyeurs.
Depuis dix ans le génome de centaine d'espèces animales a été décrypté.
De nombreuses études ont été lancées pour essayer de trouver des thérapeutiques de maladies diverses
Mais pour cela il fallait pouvoir inclure des séquences où en enlever dans l'ADN des animaux en expérience, et de telles opérations prenaient des mois., car les méthodes étaient très complexes.
Il y a dix ans, un outil a été mis au point par des chercheurs, simple et rapide, qui permet de couper l’ADN aux endroits désirés, et c'est une révolution dans la génétique. Je vais essayer de vous l’expliquer en deux articles.
SI vous soulez plus de détail vous pouvez vous référer sur internetaux revues « La Recherche » de janvier 2015, et « Pour la Science » d’octobre 2016, qui publie un article du professeur Emmanuelle Charpentier, qui dirige un département du centre de recherche sur les infections à Braunschweig en Allemagne, qui a reçu récemment un prix pour les recherches qu’elle effectue dans ce domaine.
Pour comprendre la méthode mise au point, il faut d'abord que je vous explique comment les bactéries se protègent contre des virus, par une sorte de vaccination. Ce système de protection a été baptisé CRIPS-CAS9 et il est schématisée ci-dessous.
Pour se défendre la bactérie a une mémoire et constitue une banque de données des ADN ou ARN des menaces auxquelles elle peut être exposée.
Lorsqu'une bactérie est en contact avec un virus, elle va isoler des séquences de l'ADN ou l'ARN viral, en les repérant grâce à de petites séquences spécifiques appelées PAM,et va les insérer dans son génome, grâce à des enzymes appellées CAS qui permettent la découpe de cette séquence, dont les gènes sont insérées également dans le génome. De plus, pour être efficaces, ces gènes ont besoin d'une autre séquence du génome, un petit ARN spécifique nommé par les chercheurs « Tract ».
La banque de données CRIPS des bactéries est donc composée de suites des trois petites séquences Tract, CAS et l’extrait d’ADN du virus rencontré, et elle regroupe donc le signalement de nombreux virus, qui sont ensuite transmis par réplication, aux descendants de la bactérie, constituant ainsi une sorte de vaccin.
Cet extrait complémentaire du virus est ce qui permettra ensuite à la bactérie de le reconnaître.
Comment ces séquences sont elles ensuite utilisées ?
Quand se produit une infection virale de la bactérie, chaque séquence CAS est alertée, ainsi que la zone adjacente du génome. Une enzyme CAS est alors produite ainsi qu’un petit ARN composé d’une séquence tract et du morceau du génome du virus stocké dans la mémoire génétique CRIPS de la bactérie.
Ainsi sont formés autant de petit ARN de reconnaissance que la bactérie a stocké de séquences virales dans son génome.
Ces ARN vont aller à la rencontre du virus infectant, et si celui ci était connu de la bactérie, l’ARN Tract spécifique du génome de ce virus va le reconnaître.
Lorsqu’il est reconnu, l’enzyme CAS va le couper en un endroit précis, l’empêchant ainsi de se reproduire. La bactérie est ainsi sauvée de l’infection.
Ce mécanisme est voisin de celui des vaccins humains qui produisent des anticorps, capables de reconnaître le microbe infectant et ensuite de le faire détruire par les lymphocytes.
C’est assez extraordinaire de voir ainsi les bactéries s’immuniser contre les virus quand évidemment elles n’y ont pas succombé à la première infection, et transmettre ainsi cette immunité à leurs descendants.
Mais les chercheurs qui ont mis en lumière ce mécanisme , ont réalisé que cette enzyme CAS avec son dispositif ARN de reconnaissance d’une séquence d’ARN ou d’ADN constituait un remarquable outil pour couper la chaîne en un endroit précis et donc pouvoir ensuite la modifier ;
C’est évidement une source de manipulations génétiques, mais aussi un très grand espoir de possibilités de soins pour les maladies d’origine génétique, contre lesquelles nous sommes actuellement très démunis.
C’est ce que j’essaierai de vous expliquer dans l’article de demain.
Nota : Sans doute vous demandez vous ce que veut dire
CRISPR; je n’ai pas voulu vous ennuyer avec cela, mais pour les curieux c’est « Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats » (Courtes répétitions palindromiques groupées et régulièrement espacées); il s’agit de ces répétitions dans le génome de la bactérie qui sont à l’origine du mécanisme de vaccination).
CAS veut dire « Crispr associated protein » (protéine associée à Crispr). C’est une enzyme spécialisée pour couper l'ADN avec deux zones de coupe actives, une pour chaque brin de la double hélice.
PAM signifie « Protospacer adjacent motif » (motif de reconnaissance adjacente); il est très court : quelques bases.
Vous pouvez trouver aussi pas mal de doc sur Google, mais elle est souvent un peu indigeste et la plupart en anglais.
Commentaire du schéma :
1 - La bactérie est infectée par un virus elle découpe une séquence ciblée, qui lui est indiquée par un repère : la séquence PAM.
2 - Si elle réchappe à l’infection, elle a incorporé dans son génome cette séquence, suivie de deux gènes : le premier est celui d’une protéine CAS et le second celui d’un ARN guide TRACR
3 - Une nouvelle infection du virus se produit.
4 - Le gène CAS s’exprime et génère l’enzyme CAS. Le gène de TRACR libère un ARN Tracr, qui se lie à la séquence ciblée du virus.
5 - Grâce à cet assemblage, ce guide reconnait le virus et localise sa séquence PAML suivie du morceau d’ADN à sectionner.
6 - La protéine CAS a coupé l’ADN du virus en un point précis et il ne peut plus se reproduire.
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J’ai la chance de ne pas avoir eu d’infarctus, mais je connais plusieurs personnes de mon âge qui en ont eu, et qui heureusement, se sont rétablies.
Lorsqu’il est bénin, il passe presque inaperçu surtout chez une femme : mal au niveau du cœur, à gauche et douleur et crampe au bras gauche.
Dans les cas graves c’est une douleur thoracique oppressante et violente qui irradie jusque dans le bras, le dos ou la mâchoire.
Dans le premier cas, il faut consulter le plus vite possible , dans le second cas, il faut aller aux urgences ou appeler les pompiers.
La douleur thoracique représente la manifestation typique de l'infarctus du myocarde. Elle peut survenir dans la poitrine, la mâchoire, l'épaule, le bras, le cou ou le dos. Elle apparaît brutalement et ne disparaît pas au repos. La douleur peut se prolonger quelques minutes ou quelques heures. Elle provoque la sensation de recevoir un poids ou une barre dans la poitrine et peut ressembler à un pincement ou une forte pression. Son intensité varie d'un degré minime à une violente douleur.
Beaucoup de patients présentant des douleurs thoraciques, consultent les urgences (cela représente 5% des motifs de consultation, et tous n’ont pas un infarctus. Le problème est de faire un diagnostic sûr le plus vite possible, d’une part pour soigner le malade, mais aussi pour désengorger le service des urgences.
Le médecin effectue un électrocardiogramme et depuis une dizaine années, souvent deux à trois dosages de « troponine" à plusieurs heures d'intervalle avant de donner le diagnostic définitif.
Qu’est ce que la troponine ?
C’est une molécule très complexe, composée de protéines. Vous avez ci dessus un schéma de sa formule chimique.
Si vous allez voir sur un article que j’avais fait hier, vous avez pu voir que la troponine est incorporée dans les fibres musculaires et qu’elle joue un double rôle : d’une part elle favorise l’action des ions calcium dont la libération commande une contraction ou une extension, et d’autre part elle sert de régulation au mécanisme de contraction/extension, en favorisant le glissement des fibres d’actine dans les fibres de myosine, ou en le bloquant un peu comme un crochet.
On en trouve notamment dans le cœur. Son taux normal dans le sang est proche de zéro, car elle reste liée aux fibres musculaires, mais lorsqu’il y a problème, son taux augmente.
Dans certaines maladies de cœur stables, son taux peut être très bas, mais un taux élevé associé aux symptômes ci dessus est considéré comme une preuve d’infarctus.
Ce dosage est donc important pour le diagnostic, le pronostic et le suivi thérapeutique des syndromes coronariens aigus, qui désignent l’ensemble des troubles survenant lorsqu’une des artères qui alimentent le cœur (les artères coronaires), se bouche en totalité ou en partie. L’infarctus du myocarde en fait partie.
Aujourd'hui il semble qu'un seul test est significatif.Le dosage s’effectue grâce à un simple prélèvement sanguin. La technique de dosage repose sur des anticorps qui reconnaissent les formes cardiaques des différentes troponines.
En l'absence de problème cardiaque, la concentration de troponine dans le sang est très faible. Elle doit être inférieure à 0,6 μg/l (microgrammes ou millièmes de grammes par litre).
Toute élévation du taux de troponine dans la circulation sanuine est le signe d'une lésion du myocarde, le muscle cardiaque. Suite à un infarctus ou à une baisse de l’approvisionnement sanguin du cœur, des cellules cardiaques se nécrosent et meurent, libérant des troponines. Celles-ci sont détectables dans le sang 2 à 4 heures après le début de la souffrance myocardique.L'élévation de la troponine dans le sang peut aussi se voir en cas :
- d’embolie pulmonaire,
- de myocardite (inflammation du myocarde),
- d’insuffisance cardiaque chronique,
- d’insuffisance rénale terminale
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J’avais l'intention de faire un article qui pourrait vous intéresser sur la prévention des infarctus.
Mais pour que vous puissiez comprendre mon article qui sera fait demain, il faut d’abord que je vous parle du fonctionnement des muscles et de la troponine.En simplifiant beaucoup, on peut décrire la fibre musculaire comme des fibres élémentaires de quelques cm de long, constituées de colonnettes d’environ 1 micron de large (un millième de mm), et dont la structure est formées de longs filaments enchevêtrées de « myosine » et « d’actine ».
L’actine et la myosine sont de très grosses protéines, de plusieurs centaines d’acides aminés, qui sont présentes dans le corps humain et peuvent polymériser en longs filaments.
Les filaments élémentaires, constitués principalement d’actine, mais aussi d’autres protéines, ont l"allure du schéma ci dessous, et sont polarisés comme des aimants, les molécules ayant des orientations privilégiées. l
Les grosses molécules marron représentent l’actine. Autour d’elles s’enroule un filament de tropomyosine qui rend le filament plus rigide, et les petits crochets verts sont de la troponine
Les filaments élémentaires de myosine ont une structure plus complexe, (schéma ci dessous). Plusieurs centaines s’assemblent décalés les uns par rapport aux autres, en filaments plus épais, liés entre eux par leurs queues. Les « têtes « dépassent du filament (en bleu sur le second schéma) et elles se lient aux molécules sur les fibres d’actine.
A l’état de repos, les fibres d’actines et de myosines sont donc liées entre elles.
Lorsqu’arrive un influx nerveux de commande sur le muscle, celui ci va libérer dans les fentes des synapses un neurotransmetteur l’acétylcholine. Ce neurotransmetteur va agir en se fixant sur des récepteurs spécifiques et en libérant des ions calcium Ca++, la concentration de ces ions étant multipliée par un facteur 1000.
Ces ions calcium vont dépolariser les fibres d’actine et par ailleurs favoriser des transformations chimiques d’une autre molécule (l’adénosine triphosphate ou ATP), qui va d’une part fournir de l’énergie et d’autre part favoriser la rupture des liaisons actine-myosine.
Les filaments d’actine, initialement liés à ceux de myosine, peuvent alors glisser dans un sens ou dans l’autre, permettant une contraction ou un étirement des fibres. (voir schéma ci dessous).
La contraction se résume à un mécanisme de crémaillère : la tête de la myosine fait saillie autour des extrémités des filaments épais. Quand les cellules musculaires sont stimulées par le système nerveux, les têtes de myosine s'accrochent à des zones de liaison situées sur l'actine, permettant ainsi au glissement de s'amorcer. Chaque myosine s'attache puis se détache plusieurs fois au moment de la contraction (mécanisme de la crémaillère). Ce mécanisme se déroule simultanément dans l'ensemble des myofibrilles produisant ainsi le raccourcissement.
En outre la troponine va jouer un double rôle : d’une part elle favorise l’action des ions calcium, et d’autre part, elle sert de régulation au mécanisme de contraction/extension, en favorisant le glissement ou en le bloquant un peu comme un crochet.
Tout ce mécanisme se passe en quelques centièmes de seconde.
Mais il faut pouvoir arrêter la contraction ou l’étirement des fibres musculaires, et donc neutraliser l’action du neurotransmetteur (l’acétylcholine), après qu’il ait agi.
Pour cela il existe une enzyme au niveau des synapses musculaire, (qui s’appelle la cholinestérase) et qui va détruire l’acétylcholine en la transformant en choline et en acide acétique. Le neurotransmetteur sera ensuite resynthétisé, loin de la synapse et stocké dans des vésicules, prêt à être à nouveau utilisé.
Si cette enzyme n’existait pas, l’action de l‘acétylcholine se prolongerait et notre muscle serait tétanisé.
Ayant dit quelques mots de la troponine, je pourrai vous parler demain du diagnostic d’un infarctus.
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