• http://lancien.cowblog.fr/images/Images2/640x350mainhandlebartest.jpg

        Hier je vous parlais de la mémoire et de l’oubli.

        Souvent j'entends des personnes dire qu’elles voudraient avoir une meilleure mémoire et me demandent ce que je pense d’exercices qu’on leur a recommandés. Malheureusement beaucoup de ceux qu’elles me citent de leur apporteront pas grand chose, si ce n’est du travail pour très peu de résultat.
        Ces exercices, en effet, ne tiennent pas compte de la façon dont le cerveau mémorise, car on ne peut pas obtenir d'amélioration de Ia mémorisation au sens large, par des exercices spécifiques.
        En effet, la mémoire se compose de modules plus ou moins interconnectés : des modules sensori-moteurs comportant les mémoires sensorielles et motrices (pour mémoriser une couleur, un son), des modules symboliques qui fabriquent les mots (c'est ce qu'on nomme la mémoire lexicale) et les images (mémoire imagée), et enfin Ie niveau le plus abstrait, conceptuel, constitué de la mémoire du sens des mots, de nos connaissances, ou mémoire sémantique.
        Et il y a bien sûr la mémoire des souvenirs de la vie, appelée "épisodique".
       Enfin le cervelet est à l'origine de la mémorisation des automatismes de notre vie courante : marcher, lire, écrire, conduire un véhicule ou faire du vélo, taper sur un clavier, utiliser notre ordinateur, notre téléphone ou nos appareils ménagers .....
        La relative imperméabilité de ces modules permet d'expliquer le peu de résultats des méthodes trop spécifiques qui ne font travailler que l’un d’entre eux.

        Première catégorie d’exercices inutiles : s’exercer à mémoriser des images.
        D’abord, les mémoires visuelles, souvent utilisées dans les jeux ou programmes de stimulation, sont en réalité très diverses, par exemple une mémoire iconique, ortho-
    graphique, visuelle, imagée, visuo-spatiale, des visages, et probablement y en a-t-il d’autres encore (pictogrammes, idéogrammes…).
        Et si vous vous entraînez sur des formes visuelles (mémoire visuelle des formes), vous ne serez pas meilleur pour apprendre des poésies ou des noms propres (mémoire lexicale). Et vous aurez tout au plus une meilleure mémoire des formes, mais pas de celle des couleurs ou des visages.

        Autres exercices inutiles : retenir des syllabes sans signification. Cela ne vous aidera pas à retenir des textes.
        Des études ont été faites en entraînant pendant deux semaines un groupe de sujets à retenir des suites de syllabes sans signification, tandis qu’un groupe témoin ne faisait aucun entraînement. Puis on leur a demandé de mémoriser des phrases en prose et en poésie, ou de nouveaux mots, ainsi que certaines phrases en latin.
        Aucune amélioration n’a été constatée à la suite des exercices, et la mémorisation du latin était même moins bonne.
        Seule la mémorisation des suites de mots sans signification était meilleure chez ceux ayant subi l’entraînement correspondant.
        Sachant, par d’autres expériences, que pour apprendre des syllabes sans signification, il faut utiliser des stratégies d’organisation (rattacher une syllabe à un mot connu, par exemple), on peut supposer que l'entraînement a permis aux étudiants d'élaborer des stratégies pour les formes visuelles sans signification (notamment, les rattacher à des images, des dessins ou des mots familiers).
        On constate aussi chez tous ceux qui tentent une telle mémorisation, une amélioration des scores rapide en début d’entraînement, que l’on constate aussi quand on joue à un jeu vidéo :  le résultat est souvent désastreux sur une épreuve, car on n'a pas
    compris ce qu'il fallait faire. En revanche, dès le deuxième ou le troisième essai, les progrès sont considérables.
        C'est aussi un manque de familiarisation avec I’environnement complet. En effet, jouer avec n'importe quel jeu permet de savoir comment démarrer le jeu, d'acquérir une dextérité dans le maniement de la souris ou des touches de jeu. Apprendre à se servir de la console est en soi un exercice de mémoire, et c'est aussi dans cet exercice que le sujet progresse.

        La mémoire dans toutes ses formes contribue beaucoup à l’intelligence et celle ci ne s’éduque pas avec des jeux simplistes : on n'éduque pas l'intelligence avec un gadget.
        Les petits exercices proposés par les consoles, ou il s'agit de faire quelques opérations de calcul mental, ou de relier des lettres à des numéros,sont supposés développer I'agilité mentale et améliorer les capacités de raisonnement.
        Les résultats sont, là encore, faibles : l’entraînement au raisonnement par des exercices simples, n’agit pas plus sur l’intelligence que sur la mémoire.
        Si l’on veut augmenter l’intelligence, ce ne peut être que par une longue éducation progressive comme celle de nos études. Il faut entraîner la mémoire pour mieux retenir, mémoriser de nombreuses données sous des formes très diverses et complémentaires, pour pouvoir s’y référer ensuite, il faut une bonne compréhension de la langue orale et écrite, c’est à dire du sens d’un texte, s’habituer à l’analyse et à la synthèse, assimiler la méthodologie que l’on apprend par les sciences et techniques et la philosophie, et apprendre le raisonnement objectif et rigoureux grâce aux mathématiques et aux sciences.
        Enfin il ne faut pas oublier qu’à coté de l’intelligence que l’on rattache au QI, existe aussi une intelligence sociale, qui nous permet d’écouter et de comprendre autrui et de discuter avec lui, de négocier et de convaincre, et d’avoir un certain charisme.

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  • http://lancien.cowblog.fr/images/Images2/ateliermemire.jpg    J’ai déjà fait plusieurs articles sur la mémoire, et j’avais bien distingué la mémoire à court terme, qui stocke des données pour un temps court, et dont la plupart sont inconscientes et la mémoire à long terme, qui conserve, par consolidation des données mémorisées à court terme. les souvenirs, ou ce que nous apprenons, 
        Cette consolidation se fait par renforcement, en particulier pendant notre sommeil,  des connexions entre les neurones, notamment des groupes représentant le souvenir et des neurones de l’hippocampe, chargés de retrouver les données mémorisées sur ordre du cortex préfrontal, chef d’orchestre du cerveau.
        Mais les mécanismes biochimiques de ces phénomènes ne sont pas encore parfaitement connus.

        Une avancée important a été faite en 2008 par  Mauro Costa-Mattioli, dans son laboratoire de l'Université de Houston auTexas : il a identifié un gène qui, en s'exprimant,  nous évite de mémoriser indifféremment tout ce qui nous arrive, mais permet de n’en garder que l’essentiel.
        Ce gène se nomme elf2-alpha, mais je l’appellerai seulement Elf. (rien à voir avec le pétrole !)
        Il fait en sorte que le cerveau ne fixe pas dans les circuits de mémoire à long terme, tous ces événements anodins qui font le quotidien de la vie, par exemple un numéro de téléphone, dont on se souvient quelques secondes ou l’emplacement où est garé votre voiture, pour quelques minutes, puis ces données sont oubliées, ou même des données dont nous n’avons pas conscience, comme ce que nous voyons en permanence et dont les images sont stockées quelques secondes.
         Ce mécanisme est précieux, car il permet de faire le tri entre ce qui est important et ce qui ne I'est pas.
         En bloquant l'action de ce gène chez des souris, Mauro Costa-Mattioli, a produit des animaux dotés d'une mémoire totale, permanente, presque photographique, qui mémorisent tout. Dans les tests de mémoire au labyrinthe, non seulement elles se rappellent mieux des détails de l'environnement où elles ont évolué, mais elles en gardent le souvenir à long terme, alors qu’il est effacé chez des souris normales.
       

         Sans doute peut on rêver d'une molécule que I'on pourrait ingérer, et qui inactiverait le gêne « elf », de telle sorte qu’on puisse se rappeler un cours après une simple lecture, ou bien les souvenirs d’un voyage.
         Mais si on abusait du recours à ce type de substance, non seulement le souvenir permanent  d'innombrables événements qui ne se reproduiront plus ou dont nous n'aurons plus l’usage, surchargerait la mémoire, mais l’absence de hiérarchie entre les souvenirs importants et anecdotiques empêcherait la perception du sens des événements et des priorités de l'existence. 
         Les personnes dont ce gène a une anomalie, ont certes une mémoire extraordinaire, mais ne savent pas différencier l'important du détail et souffrent de cet excès de mémorisation.

         L'acquisition même des données nécessite de rechercher des éléments communs et importants des souvenirs et d’oublier les détails ensuite. Une mémoire totale entrainerait une impossibilité de penser rationnellement, car nous ne saurions que faire de tous les souvenirs accumulés et qu'on ne pourrait trier.

        Mais par contre, en vieillissant, le nombre de neurones diminue dans tous les centres du cerveau : ils meurent et ne se reproduisent pas.
        Certains mécanismes biochimiques peuvent aggraver ce déclin, comme dans la maladie d'Alzheimer ( voir mon article du 2 mai 2019).
        Nos facultés mémorisation diminuent et ont des ratés.
        Pour la plupart des personnes, c'est l'hippocampe qui est moins performant et elles ont du mal à se rappeler certains souvenirs et surtout à en emmagasiner de nouveaux. Les souvenirs qui ont un support affectif perdurent davantage.
        En général les connaissances acquises et qu'on a souvent utilisées par exemple dans son métier ou dans la vie courante (musique, cuisine, bricolage...) s'oublient moins.
        On continue à comprendre ce qu'on vous dit et à parler. Mais parfois, quand j'écris un article, tout à coup, je ne trouve pas le mot précis à utiliser et il ne me revient que 30 secondes plus tard, et pourtant c'était un mot relativement banal.
        Je me rappelle le nom des personnes que j'ai connues, et les visages, mais j'ai du mal à faire la correspondance, pour ceux que je ne vois plus que rarement.
        Par contre il est rare que les mécanismes automatiques enregistrer par le cervelet s'oublient : marcher, faire du vélo, nager, taper sur un clavier, lire et écrire, utiliser les appareils ménagers, l'ordinateur ou le téléphone. Si on en perd en partie l'usage, c'est parce que la vue, les muscles, les divers sens  ne fonctionnent plus bien.
        La mémoire à court terme fonctionne aussi moins bien. Parfois je me demande pendant une vingtaine de secondes où j'ai laissé mon chariot dans le supermarché, pour aller chercher plus facilement des produits sur les comptoirs. Mais est ce un défaut de ma mémoire ou un manque d'attention ?

    Là ce n'est plus le gène, mais la gêne de l'oubli.


       

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  •             Je vous ai parlé à plusieurs reprises de l'hippocampe, en vous le présentant comme le "professeur de la mémoire" ou le centre d'aiguillage vers nos souvenirs. Mais je viens de lire un article de "Cerveau et Psycho" qui montre que ce centre a maintes autres fonctions.

                Le schéma ci-dessous représente les principals fonctions de l'hippocampe t sa localisation dans ce centre.
                 Sur ce schéma on a en particulier différencier les fonctions qui sont orientées vers l'individu lui même, de celles orientées vers la connaissance et la maîtrise de l'environnement extérieur.
                Les premières sont plutôt contrôlées dans la zone antérieure de l'hippocampe, alors que les secondes dépendent davantage de la zone postérieure.

    Les fonctions de l'hippocampe


    Les fonctions de l'hippocampe

                Bien entendu les fonctions liées à la mémoire restent primordiales et sont concernées par toutes les zones de l'hippocampe, car elles concernent à la fois les centreur la cognition et celles centrées sur le monde..
               Mais ce n'est pas le seul concerné par ces fonctions, il n'est que l'un des centres qui y coopèrent.

               Cette approche n'avait pas été faite jusqu'à présent car de très nombreuses études sur l'hippocampe avaient été faites, mais il n'y avait pas de synthèse de l'ensemble de ces études. Cela est possible maintenant en raison des énormes basses de données disponibles. L'analyse de ces bases de données permet d'émettre des hypothèses sur les fonction des diverses zones cérébrales, mais il faut ensuite vérifier ces hypothèses grâce notamment à l'imagerie cérébrale. Peu à peu la confrontation de ces bases de données et les expériences qui en résulteront permettront de mieux connaître le rôle des diverses zones du cerveau.

     

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  • Qu'il est beau notre passé lointain.

        Tout est souvent plus beau dans nos souvenirs du passé.
        J'entends souvent mes jeunes correspondant(e)s qui viennent de sortir de l'adolescence regretter leur tendre enfance "où on était heureux avec les parents".
        C'est vrai que l'enfant a moins de soucis et que le cercle familial est là pour le protéger, pour lui procurer la sécurité nécessaire à son développement.
    Il a besoin d'être aimé, de se distraire et de faire son apprentissage du quotidien.
        Alors quand il lui faut ensuite affronter les difficulté de la vie, assumer ses responsabilités, il regrette souvent cet âge d'or.

        Mais, c'est aussi cette note de regret que I'on entend souvent dans le discours des personnes âgées, dont certaines sont convaincues, que le passé était paré de toutes les vertus, alors que le présent ne représente qu'une lente décadence, les éloignant chaque jour davantage de l'âge d'or de leur jeunesse.
        Certes, le vieillissement lui-même explique une partie de ces regrets: la dégradation des forces vitales et parfois mentales fait naître une nostalgie de la jeunesse, laquelle est revécue à travers un prisme favorable. Mais un autre mécanisme cognitif a été identifié par les psychologues.

        Dans une expérience réalisée à l'Université Harvard, Elisabeth Kensinger et Daniel Schacter ont constaté que, chez les personnes âgées (entre 62 et 79 ans, dans cette étude), une zone cérébrale, inerte chez les plus jeunes, s'active lorsqu'elles doivent mémoriser des images agréables : le cortex préfrontal médian.
        Cette zone s'active lorsqu'on est mis en présence ou que l'on imagine un objet, une action ou un concept en rapport avec soi-même. Ces images mentales s'appuient sur des souvenirs positifs du passé : ainsi une personne âgée qui voit un met appétissant et veut le mémoriser, s'imagine en train de le manger, et quel bon goût il a.
        De plus les images négatives ne produisent pas cette évocation d'action personnelle, et ne risquent pas de raviver des souvenirs associés. Dès lors, le passé est ravivé seulement par des émotions positives.

        Ce mécanisme permet de comprendre la sélectivité de la mémoire..
        C'est au contact du présent que le passé se reconstruit en permanence : les motifs de satisfaction présents font resurgir des images positives du passé, lesquelles sont ainsi consolidées.
        A l'encontre, les expériences ou images désagréables survenant dans le présent ne provoquent pas ce rappel d'événements passés négatifs, parce que le cortex préfrontal médian ne s'active pas.

        Cela ne veut pas dire que nous oublions le passé et notamment les souvenirs très traumatisants restent gravés en nous.
    Mais le mal qu'ils nous font s'atténue et nous pouvons les évoquer avec moins de réticence.
        Souvent, en vieillissant, lorsque nous évoquons le souvenir d'être très chers, dont la mort nous a beaucoup atteints, nous évoquons surtout les bons moments que nous avons passé avec eux, et cela nous réconforte et nous fait un peu oublier quelle a été notre souffrance.

    Qu'il est beau notre passé lointain.

     

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  •      J'ai déjà fait deux articles à ce sujet les 18/07/2018 et 22/01/2020. Alors je vais reprendre ce sujet de façon différente.

    http://lancien.cowblog.fr/images/Cerveau1/images1.jpg    Nous avons tous peu de souvenirs de notre enfance, et nous avons même oublié la plupart des épisodes de notre vie. Mais certains d’entre eux restent gravés en notre mémoire  et nous constatons qu’ils correspondaient à des événements importants pour nous.
        La mémoire effectue une sorte de tri, conduisant à retenir les événements qui ont un sens dans notre parcours, et ce tri est, en grande partie, gouverné par l'émotion : les souvenirs agréables, ainsi que certains souvenirs plus traumatisants s'insèrent dans notre esprit parce qu'ils définissent une partie de notre existence : c'est un matériau imagé sur lequel notre esprit s'appuie pour construire Ie soi, ce que nous sommes, la façon dont nous nous voyons.

        Comment l'émotion stimule-t-elle ou atténue-t-elle les processus de mémorisation ?

        L'émotion influe sur le contenu du souvenir. Par rapport à des souvenirs d'événements neutres, les événements émotionnels (surtout les événements positifs) comportent davantage de détails sensoriels - (visuels, auditifs, olfactifs comme les vêtements, les coiffures, le parfum...) - , ceux liés au contexte (le lieu, la date) et même les paroles prononcées ainsi que les sentiments qui ont accompagné leur déroulement.
        Toutefois, il convient de préciser qu’il faut que l'événement positif soir lié à I'image de vous-même. Si vous vous souvenez d'une émotion positive liée à autrui, et qui n'apportait rien à votre personnalité, Ies détails ne seront pas plus nombreux que si vous n'aviez pas été ému.
        Des études menées notamment par Arnaud d’Argembeau dans les Universités de Liège et de Genève ont montré que ce phénomène se manifeste aussi pour l'anticipation d'événements à venir : on fait plus facilement appel à sa mémoire pour assembler les images d’un événement futur chargé d'une émotion positive et qui se rapporte à l’image de soi et avec plus de détails, que s'il s'agit d'un événement à connotation émotionnelle négative.ou d'imaginer des événements émotionnels futurs, concernant une autre personne.
        Nous ne sommes pas tous égaux face à la mémoire et à l'émotion. Les personnes qui  sont moins engagées émotionnellement et qui contrôlent leurs émotions se représentent mentalement les événements passés et futurs avec moins de détails sensoriels et contextuels.

        Nous avons vu dans l’article précédent que, lorsque nous vivons un événement, ce dernier entre d'abord en mémoire de façon provisoire (il est encodé), puis il est éventuellement consolidé, c'est-à-dire qu'il est stocké à moyen terme et ensuite consolidé à plus long terme., de sorte qu'il peut être rappelé ultérieurement, même si I'on n'y pense plus entre-temps. L'émotion agit sur l'étape de consolidation.
        A très court terme, les images émotionnelles ne sont pas mieux retenues que les images neutres, mais plus le temps passe, plus les images neutres sont oubliées, alors que les images émotionnelles restent en mémoire;
        Une conséquence assez particulière : nous mémorisons mieux des visages expressifs que des visages neutres, et nous mémorisons davantage des visages joyeux que des visages tristes ou en colère, du moins chez les personnes pour lesquelles c’est un signe positif vis à vis de leur propre image, alors que ce n’est pas vrai pour les anxieux sociaux, qui ont du mal à interpréter positivement tout signe d’autrui.
        Le problème de la consolidation à très long terme est plus difficile à expliquer. Certains chercheurs pensent que pour les souvenirs heureux,  nous y pensons de temps à autre.
        Il arrive qu'en se rappelant un événement marquant, surtout les premières fois, on se représente Ia scène avec son cortège d'émotions, de façon concrète en revoyant certains détails et en ayant l'impression de revire l'événement. Cette reconstitution ranime les souvenirs perceptifs de l'événement et cette “reviviscence” participe à la consolidation du souvenir, et relance le processus de consolidation, notamment pendant le sommeil profond.

        Pour les souvenirs traumatisants, le cerveau voudrait s’en débarrasser et les rappellerait pendant le sommeil, mais nos centres amygdaliens, qui contrôlent peur et stress, et qui se trouvent dans le circuit de Papez, dans lequel peuvent “tourner” nos émotions”, contribueraient à relancer alors ce souvenir et finalement le consolider autant qu’un événement heureux.. Mais dans ce cas un processus de défense pourrait intervenir, qui bloquerait l’information au niveau des centres de transmission vers le cortex frontal (thalamus, hippocampe, cortex temporal gauche), de telle sorte qu’elle ne pourrait être rappelée par le cortex frontal et resterait au niveau inconscient.
        Freud appelait cela un refoulement et lui donnait, à tort, une cause surtout sexuelle; les biologistes appellent cela un blocage, dû surtout au caractère traumatisant.

        Voyons maintenant comment évoluent nos souvenirs qui ont été consolidés.
        Ils sont sujets à une transformation et à l’oubli progressif.


        La plupart des jours de notre vie ne sont pas mémorisés comme souvenirs épisodiques ; en revanche, nous n'oublions pas ce qu'ils nous ont appris. Ainsi, les journées sur notre lieu de travail ne laisseront aucune trace dans notre mémoire épisodique, même si nous y apprenons des concepts, du savoir ou I'usage de certains savoir-faire.
        La mémoire épisodique ne s’intéresse qu’à ce qui concerne des moments importants de notre vie, pour notre moi.
       

        D’autre part, le processus de consolidation ne constitue pas un simple renforcement du souvenir, mais implique nécessairement sa modification. En effet, lorsque I'on se souvient d'un épisode, des mémoires perceptives sont réactivées, mais certaines le sont davantage que d'autres. Dès lors, le souvenir est “réécrit”
        L'événement est perçu dans une version où ces détails auront été rendus plus saillants. Les reviviscences conduisent à exagérer certains détails, et  de réécriture en réécriture, le souvenir finit par être un tableau dont vous aurez été l'artisan, souvent bien involontaire et inconscient, mais ce souvenir se sera éloigné de la réalité.

        Des facteurs externes contribuent à cette transformation.
        Nous avons des photographies de certains de nos souvenirs. Nous en parlons avec des personnes qui ont assisté à l’événement, mais qui le voient de leur point de vue. Ces images, ces faits, ces paroles se mélangent à ce que nous avons en mémoire. Certaines images appartenant à d’autres événements voisins peuvent se substituer aux images réelles.
        Nous vieillissons et notre mental, nos opinions évoluent, et nous voyons par exemple des événements de jeunesse avec un autre point de vue, et il est possible qu’alors nous les “réinscrivons” un peu différemment, surtout au plan des sentiments et émotions.
        J’ai même connu des personnes qui auraient voulu qu’un événement de leur vie soit encore plus heureux, plus parfait, plus complet. A force de se raconter cet événement mentalement, comme un souhait, elles ont fini par intégrer en partie ces souhaits dans leur souvenir comme s’ils étaient réels.
        A l’inverse d’autres personnes, par ressentiment, ont aussi intégré dans leur mémoire des fantasmes inexacts comme des faits qui aggravaient leur souffrance.

        Bref il ne faut pas croire, même si nous avons une bonne mémoire, que nos souvenirs autobiographiques soient rigoureusement vrais dans tous leurs détails. . Certaines parties ont été renforcées par rapport à d’autres, des morceaux ont été rajoutés par rapport à des documents externes se rapportant à l’événement, et plus grave, nous transformons les souvenirs, voire ajoutons des pans de souvenirs crées de toutes pièces.
        Bref nos souvenirs ressemblent à l’image que les paléontologues ont des dinosaures : le squelette est authentique, mais le chair que l’on met autour relève de constatations exactes, mais aussi d’extrapolations et de détails imaginés, voire des désirs et des souffrances qui nous habitent.


    http://lancien.cowblog.fr/images/Caricatures3/images-copie-4.jpghttp://lancien.cowblog.fr/images/Caricatures3/Unknown-copie-3.jpg

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