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        Plusieurs revues sérieuses ont dénoncé l’influence de l’usage d’Internet et plus particulièrement de Google sur notre mémoire.
        Mais j’ai déjà fait allusion dans plusieurs articles au fait que nous confions nos données aux moyens modernes tels qu’ordinateur, tablette, téléphone et que nous n’avions plus besoin de mémoriser de nombreuses données (notamment adresses et numéros de téléphone), et que, d’une part nous étions démunis en cas de panne de nos appareils mais que, surtout, nous n’exercions plus assez notre mémoire.

        Jusqu’à 1980, l’ordinateur n’existant pas chez les particuliers (j’ai été parmi les premiers à avoir en 1980 un microordinateur Apple2), et les données étaient stockées soit sur du papier (mais c’est laborieux à trouver, même avec des fiches bien classées) et dans la mémoire humaine, le cerveau étant, de ce point de vue, un outil remarquable, mais à condition de l’exercer.
        Malgré tout, le savoir est trop volumineux et l’habitude, pour ne pas surcharger les mémoires et mieux utiliser les moyens disponibles, était d’utiliser les divers cerveaux du groupe.
    On se répartissait les métiers et les données à retenir, et chacun faisait appel à celui qui avait données et compétences adéquates. Mais on essayait de conserver dans son propre cerveau les données les plus importantes, qui nous servaient le plus souvent.
        L’arrivée d’internet a complètement bouleversé la situation.

        En fait l’ordinateur a peu à peu remplacé les partenaires avec lesquels nous partagions des données. Nous pouvons trouver sur Google de nombreux renseignements et nous n’avons donc plus besoin d’autres personnes pour nous aider à les retenir et les restituer si besoin est.
        Mais nous avons aussi confié aux divers logiciels de l’ordinateur ou du téléphone, nos données personnelles (à part quelques unes qu’il vaut mieux garder à l’abri, comme les codes d’accès à certains sites bancaires ou autres), et nous ne les retenons plus. Je connais encore les numéros de téléphone de mes enfants car je les utilise souvent, mais je ne connais plus les autres numéros, alors qu’il y a 30 ans, j’en connaissais environ 200, qui me servaient dans ma vie personnelle et mon travail.
        Bien plus nous ne faisons plus d’effort pour les retenir. Des chercheurs ont fait une expérience de mémorisation de données apparaissant sur un écran, avec deux groupes de personnes; on avait dit au premier groupe que les données ne seraient pas mémorisées par l’ordinateur et au second qu’elles le seraient. Le second groupe s’est avéré beaucoup moins performant. La peur de perdre des données fait faire plus d’effort pour les mémoriser,  quand on ne peut pas compter sur la machine.
        Et recourir à internet est devenu un réflexe quand on ne sait pas ou on ne retrouve plus une notion, voire un mot. J’ai quatre dictionnaire chez moi et trois en Bretagne, et même si certains sont vieux, j’y avais recours plusieurs fois par jour il y a 30 ans. Maintenant, même si je ne fais qu’un mot croisé, ou si je veux vérifier l’orthographe d’un mot ou la conjugaison d’un verbe, je vais devant mon mac, et le dictionnaire ne me sert plus que rarement. Et chez mes derniers petits enfants, c’est pire : ils ne savent plus se servir d’un dictionnaire et mettent trois fois plus de temps que moi pour y trouver un mot.
        Nous allons peu à peu plus loin dans ce chemin, faisant confiance à l’ordinateur pour nous rappeler certaines données de notre vie, les données « épisodiques » et nous avons notre banque de donnée de photos numériques, voire notre journal intime, si ce n’est sur le net, au moins sur le disque dur.

        Ce changement a certains avantages : il est certain qu’internet emmagasine bien plus de données qu’un groupe de personnes, qu’on y a facilement accès, que l’ordinateur ou le smartphone sont toujours disponibles (ou presque),  et que les données sont mises à jour (ou datées) et qu’elles ne s’évanouissent pas dans l’oubli. Les souvenirs stockés sur la machine ne se transformeront pas, alors qu’à chaque réminiscence dans notre cerveau, nous réenregistrons un souvenir un peu différent de celui précédemment stocké.
        Donc sur le plan efficacité on peut s’attendre à un bilan plutôt positif.

        Certaines des conséquences sont inattendues. Des chercheurs ont fait répondre deux groupes de personnes, de formation scientifique, à des questions diverses difficiles, le premier groupe disposant d’internet et le second n’en disposant pas. Puis ils ont soumis les personnes à un questionnaire sur l’opinion qu’ils avaient d’eux mêmes.
        Le premier groupe avait mieux répondu aux questions scientifiques posées,ce qui est normal avec l’aide de Google et leur estime d’eux mêmes était très au dessus de celle des personnes du second groupe, alors que leurs réponse n’étaient que des copier-coller des données internet, tandis que le second groupe avait dû faire preuve de réflexion et d’effort de mémoire. Le premier groupe était fier d’un travail pourtant peu valorisant et ne demandant que peu de qualités.

        Cette influence de l’informatique est pernicieuse, car elle aboutit à une espèce de fusion virtuelle entre le cerveau des utilisateurs d’internet et Google, et finalement ces utilisateurs finissent par être persuadés d’en savoir plus que tout homme d’il y a 20 ans, alors qu’ils ont en fait de moins en moins de connaissances. 

        J’ai toutefois un avis un peu différent sur le sujet.
        J’ai toujours fait appel à des données extérieures, mais « papier », qui étaient des revues scientifiques et des données d’articles et de documentation trouvées en bibliothèque.
        Aujourd’hui je lis toujours un certain nombre de revues scientifiques, mais j’ai accès, sans me déplacer, à bien plus d’articles d’universités dans les domaines qui m’intéressent.  Par contre je fais énormément appel à internet pour d’une part vérifier des données diverses si je ne me les rappelle plus, et d’autre part pour stocker les adresses des articles consultés.
        C’est donc vrai que je fais moins appel à ma mémoire et surtout je ne suis plus obligé de prendre de nombreuses notes, de faire des photocopies, et de classer de façon méticuleuse mes articles papiers (puisqu'ils sont numérique avec des outils pour les retrouver).
        Par contre trouvant plus d’articles et certains n’ayant pas les mêmes conclusions, je suis obligé de réfléchir davantage pour comprendre ces données et de me poser des question sur la véracité et la qualité de ce que je consulte. Mon estime de moi n’a guère augmenté; j’ai simplement l’impression d’être plus performant parce que je dispose de meilleurs moyens, et du coup ma curiosité intellectuelle s’est plutôt accrue.
        Mais cet usage d’internet et de Google m’en montre les difficultés. si on veut trouver une information donnée un peu pointue, c’est difficile, car les moteurs de recherche ne sont guère performants, ne connaissant même pas la différence entre les commandes « et » et « ou ».  Il faudrait de meilleurs moteurs de recherche et surtout apprendre aux utilisateurs à s’en servir, pour trouver ce qu’ils souhaitent. Par ailleurs Google, lorsqu'il répond à une demande, donne en priorité les réponses les plus attendues ou celles qui lui rapportent le plus d'argent publicitaire.
        D’autre part n’importe qui peut mettre n’importe quoi sur internet, et donc la qualité de ce qu’on y trouve est discutable. Il faut du bon sens pour faire un premier filtre, puis rechercher plusieurs versions que l’on puisse comparer, pour estimer au mieux la valeur des éléments recueillis.

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    Mémoire : l'importance du langage

         J'ai lu dans la revue "Pour la Science" de juillet 2022, un article sur l'importance du langage dans la formation de nos souvenirs.
         Effectivement on présente souvent la mémoire comme une reproduction mentale des événements, des situations, des sensations et des émotions que nous avons vécues. Ce serait alors les mêmes groupes de neurones qui réciteraient nos souvenirs, notamment par le biais des neurones de concept dont j'ai parlé hier.
         Dans nos souvenir les représentations visuelles et images sont très importantes, et on peut observer le travail des centres d'interprétation à l'arrière de notre cerveau. Mais les chercheurs ont observé  au même moment une activité simultanée dans les centres du langage.
         Leurs observations les ont amenés à penser que nos souvenirs n'étaient pas une reconstitution à l'identique des images du passé, mais une reconstruction des événements basée sur des contenus sémantiques (donc sur le langage).
         Cela expliquerait des souvenirs erronés et il faudrait voir autrement le fait de se rappeler quelque chose.

         Des progrès importants ont été faits en matière d'imagerie par résonance magnétique fonction-nelle (IRMf) et il est possible d'analyser le fonctionnement de groupes de neurones dans de petits volumes que par analogie avec des pixels, on appelle des "voxels". mais ce sont des données complexes, qui résultent du traitement des signaux d'un appareil IRM par un ordinateur, qui fait des calculs statistiques compliqués.
         En demandant à des volontaires de regarder des images de diverses natures, pendant un examen en IRMf, les chercheurs ont réussi à reconnaitre, dans le cortex d'interprétation visuelle, des groupes de neurones relatifs à des personnes humaines particulières, des animaux, des objets, des lieux ..... Ces neurones faisaient partie des zones ultimes d'interprétation visuelle et notamment ce que j'ai appelé dans l'article d'hier le "quoi".
          A proximité de ces centres se trouve le centre de Geschwind, qui est le siège de la mémoire des mottes de leur signification, lequel est en relation avec le centre de Broca, lorsqu'on veut parler, ou le centre de Wernicke lorsqu'on veut comprendre autrui (ou une lecture).
          Les chercheurs ont appliqué aux mots du centre de Geschwind, les mêmes méthodes que pour les images de mots. Ils ont alors découvert que les groupes de neurones de ce centre représentant un mot étaient proches des neurones représentant les images relatives au même mot dans le système d'interprétation de la vision.
    Et même plus, si aux deux extrémités se trouvaient exclusivement des neurones représentant des mots ou des images, il y avait ensuite, entre les deux un mélange progressif de ces deux catégories.
          Ces neurones étant à l'origine de la mémoire linguistique et de la mémoire visuelle, cela veut dire que pour un même souvenir, il y a passage progressif des images aux mots  et donc une grande implication entre les deux.

          Ce n'est pas une chose nouvelle que de savoir que notre mémoire mélange dans un souvenir, les mots et les images. Si je me rappelle une scène de ma vie passée, j'en ai des images, mais en même temps une voix intérieure me décrit aussi la scène. Parfois mots et images coïncident, parfois il n'y a pas d'explications relative à une image, parfois il y a un récit sans vues.
          Nos souvenirs ne sont pas seulement des instantanés de scènes de notre passé, mais aussi des représentations sémantiques abstraites de ces scènes.
          Il est également connu  que lorsque la mémoire faiblit, et notamment dans la maladie d'Alzheimer, les souvenirs immédiats ne s'enregistrent plus, les souvenirs récents disparaissent plus vite que les souvenirs anciens. Et j'ai moi-même constaté que chez ces personnes, la mémoire sémantique est encore relativement conservée alors que la mémoire épisodique est fortement atteinte.
          Les médecins connaissent cependant des maladies où l'inverse se produit : la personne perd peu à peu l'usage du langage et on constate que c'est la mémoire du passé qui disparait alors plus vite que celle des faits plus proches ou immédiats.
          Le phénomène de l'oubli a également fait l'objet de nombreuses études. 
           On sait que si je n'ai rien fait d'extraordinaire hier, je m'en souviens parce qu'on est aujourd'hui, mais je ne m'en souviendrai presque plus dans quelques semaines et je serai incapable de me le rappeler dans quelques mois.
           Par contre on a maintes fois constaté qu'un événement important pour nous, qui a suscité émotion, voire traumatisme, reste beaucoup plus profondément gravé en mémoire.
           La mémoire a également un caractère collectif : on se rappelle mieux des événements qu'on a vécus ensemble.
           J'ai également rappelé, dans mes articles sur la mémoire, qu'un souvenir que l'on ne rappelle jamais en mémoire s'efface peu à peu, alors que si on se la rappelle souvent il persiste. Maispau à peu il se transforme, perd des informations, mais en rajoute dans la mesure où vous avez appris de nouvelles choses à son sujet (récits, photos, télé.....).
           Une autre notion connue quant à la mémoire lexicale est que nous retenons très mal des "mots" sans signification, et que nous retenons mieux une phrase qui utilise la signification du mot qu'une phrase qui nous parlerait par exemple de sa structure, spa client avec l'objet qu'il représente.
           Les phénomènes de rappel des souvenirs sont aussi très étudiés, et nous avons tous l'expérience de la vue d'un objet, une odeur, un goût, une chanson (c'est à dire des souvenirs perceptifs), ont appelé dans notre esprit une scène qui s'est décrite ensuite avec l'environnement et ses personnages et un exemple célèbre est celui de la madeleine de Proust. Et cette description, si elle comporte encore des images ou autres perceptions est surtout sémantique.
           Cet capacité sémantique a un autre aspect. Lorsqu'un événement ou une manifestation sensitive est incohérente, comme par exemple dans un rêve, elle risque de ne pas être mémorisée, parce qu'elle ne semble pas réelle, qu'elle n'est pas logique. Pour être mémorisée, le cortex préfrontal essaie de lui trouver une explication rationnelle et c'est ce raisonnement sémantique qui sera retenu en même temps que les sensations relatives à l'événement.

     

          

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           La mémoire est une fonction essentielle du cerveau. C'est le support de l'intelligence qui se réfère sans cesse à ce que nous connaissons, à ce que nous avons vu, à notre expérience. Sans mémoire nous ne pouvons plus raisonner et nous perdons notre autonomie.
            Pourtant la mémoire est l'un des élément encore mal connu, car c'est une fonction extrêmement complexe qui met en jeu presque tout le cerveau et donc de très nombreux centres et connexions, ainsi que de nombreux phénomènes chimiques.
               J’ai déjà fait divers articles sur notre mémoire et son fonctionnement, mais j'ai lu deux articles qui ont attiré mon attention sur des caractéristiques particulières dont on parle peu : les neurones de concept, et l'importance du langage dans nos souvenirs dont je parlerai demain.

               Rodrigo QuianQuiroga, qui dirige un groupe anglais de recherche en bio-ingénierie, Itshak Fried, professeur de neurochirurgie à l’université de Los Angeles, et Christof Koch, directeur scientifique de l’institut Allen de Seattle pour les sciences du cerveau avaient publié, il y a une dizaine d'années, une étude intéressante.
               Ces chercheurs ayant collaboré au traitement de personnes atteintes de graves épilepsie, incurables sans ablation de certaines zones du cerveau, de très fines électrodes ont été introduites dans leur cerveau, pour essayer de cerner les neurones qui subissaient des « courts circuits » et ainsi limiter les ablations toujours dommageables. Ces électrodes ont permis de repérer les fonctions de groupes de neurones beaucoup moins nombreux qu’on ne peut le faire en IRM, qui ne peut mesurer l’activité que de plusieurs millions de neurones, et donc de préciser le fonctionnement de certaines parties du cerveau.
               Ils ont découvert notamment que des groupes très restreints de neurones réagissaient chaque fois que l’on évoquait une personne donnée, soit par son nom, soit par son visage, soit par certaines caractéristiques très spécifiques. Et pour une autre personnes il s’agissait d’un autre groupe de neurones voisins.
               On peut donc penser qu’il suffit d’un petit nombre de neurones (quelques milliers ?) pour représenter en mémoire un « concept ».
               Un neurologue  Jerry Lettvin (1920-2011) avait déjà osé énoncer cette théorie, mais sans preuves autres que le fait qu’une minuscule ablation dans l’hippocampe avait uniquement enlevé à un malade, le souvenir de sa grand mère, et ses collègues avait tourné en dérision cette théorie, affublée alors du nom ironique de « l’hypothèse du neurone grand-mère ».

               Essayons de comprendre le phénomène à partir d’une perception d’une image par les yeux et de son interprétation par le cortex visuel à l’arrière de notre cerveau, partie occipitale au dessus du cervelet et de la nuque. 
               L’information captée par les rétines de nos yeux est d'abord transmise, via le nerf optique, au cortex visuel primaire, où chaque petite zone de l’image entraîne l'activation d'un neurone spécifique lié à un neurone de la rétine, un peu comme s'il s'agissait d’un pixel d'une image numérique d’un appareil photographique. L’information de chaque neurone se combine avec d’autres pour créer une image composite et complète. Si cette image se modifie légèrement, certains détails changent et l'activation du groupe de neurones correspondant est aussi modifiée et d’autres neurones d’une deuxième « aire secondaire » vont alors transformer ces modifications en informations de mouvement.

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               Ces aires secondaires et tertiaires vont analyser ainsi l’image : forme, contraste, couleur, .… et vont ensuite faire travailler deux centres « associatifs » que l’on nomme le « Où »et le « Quoi », qui vont réaliser et mémorise pour le premier, des cartes de lieux et de l’environnement, et pour le second, des images d’objets ou de personnes.
               Une autre aire est spécialisée dans le reconnaissance des visages, à coté de celle qui reconnait les lettres de l’écriture.
               Les informations sont ensuite transmises au cortex préfrontal, avec d’éventuelles informations ajoutées par l’hippocampe, comme un nom, une information verbale.
               C’est là où on peut essayer de comprendre ce qu’est cette notion de « concept ».
               C’est le fait que le même petit groupe de neurones réagisse à des stimuli corrélés, correspoodant à un même objet, une même personne, le constat d’une même action.
               Finalement, les neurones sont activés par Ie concept lui-même, quelle que soit la façon dont il est présenté; seul compte le fait que le stimulus lui soit lié.
               Plus le concept est abstait, donc moins dépendant d'une représentation particulière, moins le neurone a besoin d'information pour le coder, ce qui lui permet de devenir très sélectif.
               Des logiciels de simulation de fonctionnement de neurone ont permis ainsi de montrer que de petits groupes de neurones pouvaient distinguer une personne ou un objet, même présentés de diverses façons.

               Ceci ne fait que confirmer le fait que, si le système sensoriel est indispensable, pour percevoir l’environnement, l’hippocampe joue ensuite son rôle essentiel de « lexique et commutateur de la mémoire », en saisissant l'essentiel de situations particulières, et non en retenant une quantité de détails sans signification et en ne gardant en mémoire que les adresses de quelques points marquants de l’information. Ainsi, les neurones de concepts ont tendance à s'activer pour des éléments pertinents pour nous, tels ceux qui impliquent des individus ou des objets familiers, et on évite ainsi de gaspiller des ressources dans la fabrication de souvenirs inutiles.
               Mais les souvenirs ne sont pas des concepts isolés. Le stockage d’un événement complet en mémoire requiert des liens entre des concepts différents mais associés.
               Quand deux concepts sont liés, certains des neurones qui codent l'un tendent aussi à s'activer pour l'autre. Cette coactivation serait le mécanisme physiologique par lequel le cerveau encode les associations et permettrait la création des souvenirs dits épisodiques (des événements vécus) et l’association d’une idée à une autre.
               Une telle association a l’avantage d’être rapide, par rapport à une mémoire qui associerait pas à pas tous les éléments ayant un rapport entre eux et se rapportant à un objet. Là, on lie le concept restreint à un autre concept et celui ci peut appeler d’autres éléments seulement si c’est nécessaire. Cela permet de n’utiliser qu’un minimum de liens donc de neurones et de synapses.

        Les neurones de concepts pourraient constituer l'un des principaux fondements physiologiques des capacités cognitives humaines, reliant la perception à la mémoire et donnant une représentation abstraite d'une connaissance sémantique : les personnes les lieux les objets et tous les concepts qui sont importants pour nous.
        Ils constituent les éléments de construction de nos souvenirs personnels et permettent d'ignorer les innombrables détails sans importance et de dégager ce qui permet de fabriquer de nouvelles associations et de nouveaux souvenirs. Ils encoderaient donc l'essentiel de ce qu’est notre vie et notre expérience.

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  • J’ai fait d’assez nombreux articles sur la compréhension et la production du langage (voir notamment sur mon blog les articles des 23 et 25 septembre 2016), et d’autres sur la mémoire, (notamment 13, 14, 16 et 17 octobre 2020), mais je n’ai pas jusqu’à présent associé les deux comme l’a décrit un neurologue éminent, le docteur P Verstichel, du Centre hospitalier de Créteil, qui a écrit des livres très intéressants sur le fonctionnement du cerveau humain, en étudiant notamment le cas d’un malade A.M. qui avait des troubles du langage.

        Un bref rappel du rôle des centres du cerveau qui interviennent dans le langage, la lecture et l’écriture, et la parole :

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        Lorsque nous écoutons quelqu'un, l'oreille transmet les sons à l'aire auditive, qui les analyse et, lorsqu'il s'agit de mots (ou de sons apparentés), les signaux sont transmis à l'aire de Wernicke qui va reconnaître s'il s'agit de langage que l'on connait et le décrypter en partie. Elle se met en relation avec l'aire de Geschwind pour en comprendre la signification.
        L'aire de Geschwind est en quelque sorte la “mémoire des mots”. Elle est pour cela en relation avec de nombreux neurones du cerveau qui sont des relais de la mémoire. Elle sait appréhender les multiples propriétés d'un mot : son, aspect visuel, sa fonction, son nom, sa signification...etc. Elle aide ainsi le cerveau, et notamment l’hippocampe et le cortex préfrontal,  à classifier et à étiqueter les choses, une condition préalable pour former des concepts et une pensée abstraite.
            Lorsque nous lisons, ce n'est plus l'aire auditive qui intervient mais les aires visuelles,  situées à l'arrière du cerveau. Le mécanisme est ensuite analogue.
            Enfin lorsque nous voulons parler, c'est encore le centre de Wernicke qui élabore le message. Mais il ne sait pas le transmettre à nos lèvres. De même quand nous voulons écrire, il recherche les mots correspondant aux idées mais il ne sait pas commander nos doigts. En fait il ne sait même pas organiser les mots en phrases
            L'aire de Wernicke “comprend donc le langage” et rassemble en liaison avec l’aire de Geschwind, les mots de messages à partir des idées transmises par le cortex frontal.
        Pour parler, pour écrire, l'aire de Wernicke a besoin de l'aire de Broca.

            Celle ci va utiliser grammaire et la syntaxe et mettre les mots en phrases, puis elle va commander les muscles de la parole ou de l'écriture, par l'intermédiaire du cortex moteur primaire. Une personne dont l'aire de Broca est lésée, comprend le langage écrit et parlé, mais ne peut plus s'exprimer ou émet une suite de mots sans liens entre eux.
           Donc, l'aire de Broca “organise le langage et commande son expression orale ou écrite” par les cordes vocales ou la main, par l'intermédiaire de centres moteurs situés dans le cortex sur le dessus du crâne.

        En ce qui concerne la mémoire, il faut que nous rajoutions un centre qui va jouer un rôle pour assister Wernicke et Geschwind afin de conserver quelques instants le son des mots : c’est le gyrus supramarginal de l’hémisphère gauche; (voir schéma).
        Supposons qu’on vous donne au téléphone une adresse que vous voulez noter, et vous devez la garder en mémoire le temps de trouver votre calepin, votre téléphone ou votre ordinateur.  Cette opération va se décomposer en plusieurs étapes.
        Les sons du langage, activent d'abord I'aire auditive primaire et le centre secondaire d’interprétation, à droite comme à gauche (le centre auditif  interprète les son des deux oreilles).
        Le centre suppose qu'il s'agit de langage et les sons sont alors transmis à l'aire de Wernicke et reconnus comme des éléments linguistiques.
        Puis, de façon automatique, le gyrus supramarginal gauche s'active et maintient les sons entendus sous leur forme auditive pendant quelques secondes. Cette zone joue le rôle d'une boîte de stockage éphémère et n’a qu’une capacité limitée. Elle peut en effet contenir au maximum environ sept éléments monosyllabiques, pendant une durée maximale de deux ou trois secondes. Au terme de ces quelques secondes, les sons s’effacent.
        Comme vous mettrez plus de temps pour trouver votre calepin, le temps de vie élémentaire des mots dans le gyrus supramarginal n'est pas suffisant, et un autre système cérébral doit intervenir pour maintenir ces sons sous forme active en mémoire : c’est la mémoire tampon sémantique (il y a une autre mémoire tampon pour les images).
        Là c’est un processus volontaire et c’est le cortex préfrontal qui déclenche et contrôle l'opération, mettant en jeu les aires du langage, et notamment l'aire de Broca responsable de la programmation de l'articulation du langage. En pratique, nous nous mettons alors à répéter mentalement l’adresse entendue, ce qui permet de raviver en permanence les sons dans le gyrus supramarginal, prolongeant d'autant le temps de vie élémentaire des mots, assez longtemps pour noter l’adresse.
        Tout s’efface ensuite automatiquement.

        Le cas d'un patient que j'appellerai A.M. est intéressant car, suite à un accident vasculaire, son gyrus supramarginal était détruit.
        Si on lui faisait lire des mots sur des cartes différentes, lues une par une et cachées ensuite, en lui demandant de citer les deux mots qui par exemple rimaient, il ne pouvait le faire car il ne pouvait conserver le son des mots assez longtemps en mémoire.
        Par contre si on lui demandait de trouver les deux mots qui avaient une signification voisine, il savait le faire, car ce n’était pas les sons qu’il fallait retenir mais les sens des mots.  Intervenaient alors Wernicke, Geschwind, la mémoire tampon sémantique, et une région du cerveau qui intervient dans la mémoire sémantique dite « déclarative », qui classe toutes les notions que nous avons apprises de façon logique et reliées entre elles.
        L’opération était possible car la mémoire tampon sémantique peut enregistrer environ six à huit mots ou groupes de mots. Si l’on avait donné à AM une douzaine de cartes, l’opération n’aurait pas été possible, du moins simplement.

        On cite toutefois le cas de l’allemand Boris Konrad qui a mémorisé 255 mots aléatoires présentés pendant l5 minutes, et les a tous restitués sans erreur. Ce type d’exercice ne mobilise pas la mémoire à court terme, mais fait intervenir des stratégies mnémoniques complexes, associant par exemple les mots à des lieux ou des emplacements connus, plus généralement à des repères qui ont entre eux un lien qu’on a déjà mémorisé.

        Maintenant vous savez comment retebnir quelques secondes un numéro de téléphone lol
    .

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  • Notre cerveau et notre "moi".

            Notre mémoire travaille en permanence; elle enregistre dans la mémoire à court terme de nombreuses sensations, mais en détruit la majeure partie, parce qu'inutile. Mais elle fixe dans la mémoire à long terme des moments de la vie de tous les jours, qui s'assemblent en souvenirs.de notre vie. Ensuite, nous nous les remémorons plus ou moins au fil du temps, ils disparaissent dans l'oubli, ou se transforment, renforçant certains aspects, en effaçant d'autres. Pour cela de très nombreuses connexions entre neurones se modifient, se renforcent ou diminuent.
              Cette mémoire nous rappelle notre passé, enregistre le présent mais va aussi aider le cerveau à construire le futur.

              Parmi ces souvenirs de notre vie, il y  ceux qui nous concernent directement et ceux qui concernent les autres, ou l'environnement.
              Les neurobiologistes ont constaté que les souvenirs qui nous concernaient en propre, étaient  plus faciles à se remémorer, plus vivace et duraient plus longtemps avant l'oubli. Notre cerveau privilégie donc leur traitement.
              Les psychologues appellent cela "l'effet d'autoréférence" et ils ont étudié avec les neurobiologistes le mécanisme qui privilégie ainsi la connaissance de l'histoire de notre "moi", et par là même le sentiment de notre identité.
              Il semble que l'un des principaux acteurs de cette particularité soit le cortex préfrontal médian (voir schéma ci-dessous).

    Notre cerveau et notre "moi".

              La partie dorsale joue un rôle dans la distinction entre soi et les autres dans leurs relations et les événements communs; la partie ventrale contribue plus aux émotions positives ( hémisphère gauche) et négatives (droit), que nous vivons toujours comme des émotions personnelles.
              Les neurobiologistes ont comparé les comportements de personnes dont le cortex préfrontal médian était lésé, des personnes ayant d'autres régions lésées et des personnes en bonne santé; ils ont mesuré les effets d'autoréférence de chaque groupe.
              Ils ont vérifié que les personnes "normales" favorisaient effectivement leurs souvenirs concernant leur personne, que ce soit dans le passé, le présent ou dans le futur, les projections qu'ils faisaient de l'avenir.
              Le phénomène était presque identique pour les personnes qui présentaient des anomalies hors cortex préfrontal ventromédian. Les effets d'autoréférence étaient toutefois moins actifs dans les prévisions du moi futur.
              Par contre les personnes ayant des lésions du cortex préfrontal médian, et notamment du ventromédian, non seulement ne privilégiaient pas les souvenirs d'eux mêmes, mais elles étaient incapables de se remémorer quoi que ce soit en lien avec eux-mêmes, que ce soit dans le passé, le présent ou le futur, et avaient du mal à concevoir que d'autres aient une personnalité propre. Ne sachant plus trop comment se définir, les patients correspondants avaient tendance à inventer des choses sur eux-mêmes, et à se forger des souvenirs fictifs, qui ne sont pas des mensonges, car ils les croient vrais.
             Une autre particularité est apparue : chez les personnes normales, les effets d'autoréférence concernaient surtout le présent et le futur, et par contre, le cortex préfrontal médian ne s'activait guère plus pour des événements passés concernant eux mêmes, que pour ceux concernant d'autres personnes.
             On ne sait pas la raison de cette particularité; on pense que le passé ne peut se revivre, que l'on ne peut le réformer et qu'il ne nous satisfait pas pleinement, d'où un intérêt moindre.

           Toutefois si le cortex préfrontal ventromédian a un rôle essentiel dans la perception du "moi", il n'est pas le seul à permettre à la mémoire épisodique de former nos souvenirs.    
            L'hippocampe qui va coordonner les neurones participant à un même souvenir et les dater dans le temps, est un rouage essentiel  de l'enregistrement du passé et du présent.
    Mais il intervient aussi dans la présentation d'un futur hypothétique, car les personnes dont on perturbe artificiellement le fonctionnement de l'hippocampe, ne peuvent évoquer qu'un futur san détail, au pouvoir d'évocation réduit. Cela montre que l'imagination et la prévision du futur reposent sur la mémoire du présent, du passé ou de connaissances de notre mémoire explicite, apprises ou résultant de notre expérience de la vie.

            On voit donc que notre conscience du soi repose sur notre mémoire, controlée par l'hippocampe, et sur son exploration par le cortex préfrontal médian. Toutefois nous devons nous rappeler que la mémoire est répartie dans tout le cerveau et que de nombreux autres centres sont impliqués dans la formation de souvenirs et leur consolidation, comme tous les centres du cortex émotionnel et notamment les centres amygdaliens.

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