• Le gène (ou la gêne) de l'oubli.

    http://lancien.cowblog.fr/images/Images2/ateliermemire.jpg    J’ai déjà fait plusieurs articles sur la mémoire, et j’avais bien distingué la mémoire à court terme, qui stocke des données pour un temps court, et dont la plupart sont inconscientes et la mémoire à long terme, qui conserve, par consolidation des données mémorisées à court terme. les souvenirs, ou ce que nous apprenons, 
        Cette consolidation se fait par renforcement, en particulier pendant notre sommeil,  des connexions entre les neurones, notamment des groupes représentant le souvenir et des neurones de l’hippocampe, chargés de retrouver les données mémorisées sur ordre du cortex préfrontal, chef d’orchestre du cerveau.
        Mais les mécanismes biochimiques de ces phénomènes ne sont pas encore parfaitement connus.

        Une avancée important a été faite en 2008 par  Mauro Costa-Mattioli, dans son laboratoire de l'Université de Houston auTexas : il a identifié un gène qui, en s'exprimant,  nous évite de mémoriser indifféremment tout ce qui nous arrive, mais permet de n’en garder que l’essentiel.
        Ce gène se nomme elf2-alpha, mais je l’appellerai seulement Elf. (rien à voir avec le pétrole !)
        Il fait en sorte que le cerveau ne fixe pas dans les circuits de mémoire à long terme, tous ces événements anodins qui font le quotidien de la vie, par exemple un numéro de téléphone, dont on se souvient quelques secondes ou l’emplacement où est garé votre voiture, pour quelques minutes, puis ces données sont oubliées, ou même des données dont nous n’avons pas conscience, comme ce que nous voyons en permanence et dont les images sont stockées quelques secondes.
         Ce mécanisme est précieux, car il permet de faire le tri entre ce qui est important et ce qui ne I'est pas.
         En bloquant l'action de ce gène chez des souris, Mauro Costa-Mattioli, a produit des animaux dotés d'une mémoire totale, permanente, presque photographique, qui mémorisent tout. Dans les tests de mémoire au labyrinthe, non seulement elles se rappellent mieux des détails de l'environnement où elles ont évolué, mais elles en gardent le souvenir à long terme, alors qu’il est effacé chez des souris normales.
       

         Sans doute peut on rêver d'une molécule que I'on pourrait ingérer, et qui inactiverait le gêne « elf », de telle sorte qu’on puisse se rappeler un cours après une simple lecture, ou bien les souvenirs d’un voyage.
         Mais si on abusait du recours à ce type de substance, non seulement le souvenir permanent  d'innombrables événements qui ne se reproduiront plus ou dont nous n'aurons plus l’usage, surchargerait la mémoire, mais l’absence de hiérarchie entre les souvenirs importants et anecdotiques empêcherait la perception du sens des événements et des priorités de l'existence. 
         Les personnes dont ce gène a une anomalie, ont certes une mémoire extraordinaire, mais ne savent pas différencier l'important du détail et souffrent de cet excès de mémorisation.

         L'acquisition même des données nécessite de rechercher des éléments communs et importants des souvenirs et d’oublier les détails ensuite. Une mémoire totale entrainerait une impossibilité de penser rationnellement, car nous ne saurions que faire de tous les souvenirs accumulés et qu'on ne pourrait trier.

        Mais par contre, en vieillissant, le nombre de neurones diminue dans tous les centres du cerveau : ils meurent et ne se reproduisent pas.
        Certains mécanismes biochimiques peuvent aggraver ce déclin, comme dans la maladie d'Alzheimer ( voir mon article du 2 mai 2019).
        Nos facultés mémorisation diminuent et ont des ratés.
        Pour la plupart des personnes, c'est l'hippocampe qui est moins performant et elles ont du mal à se rappeler certains souvenirs et surtout à en emmagasiner de nouveaux. Les souvenirs qui ont un support affectif perdurent davantage.
        En général les connaissances acquises et qu'on a souvent utilisées par exemple dans son métier ou dans la vie courante (musique, cuisine, bricolage...) s'oublient moins.
        On continue à comprendre ce qu'on vous dit et à parler. Mais parfois, quand j'écris un article, tout à coup, je ne trouve pas le mot précis à utiliser et il ne me revient que 30 secondes plus tard, et pourtant c'était un mot relativement banal.
        Je me rappelle le nom des personnes que j'ai connues, et les visages, mais j'ai du mal à faire la correspondance, pour ceux que je ne vois plus que rarement.
        Par contre il est rare que les mécanismes automatiques enregistrer par le cervelet s'oublient : marcher, faire du vélo, nager, taper sur un clavier, lire et écrire, utiliser les appareils ménagers, l'ordinateur ou le téléphone. Si on en perd en partie l'usage, c'est parce que la vue, les muscles, les divers sens  ne fonctionnent plus bien.
        La mémoire à court terme fonctionne aussi moins bien. Parfois je me demande pendant une vingtaine de secondes où j'ai laissé mon chariot dans le supermarché, pour aller chercher plus facilement des produits sur les comptoirs. Mais est ce un défaut de ma mémoire ou un manque d'attention ?

    Là ce n'est plus le gène, mais la gêne de l'oubli.


       

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