• Souvenirs à court et à long terme

    Souvenirs à court et à long terme


                
    Je voudrais pouvoir répondre aux questions : 
                     - Peut on oublier un souvenir, notamment traumatisant ?

                     - Peut on rappeler un souvenir que l’on a oublié depuis des années.?
               Mais ce sont des question complexes et pour les comprendre, il faut avoir des notions sur la façon dont les souvenirs se consolident dans notre mémoire. Ce sera le sujet d’aujourd’hui.

              Je vous ai dit avant hier qu’un souvenir se créait par renforcement des synapses qui lient entre eux les neurones qui contiennent l’information le concernant. Cela se fait en deux temps.

              Nos sens nous apportent en permanence des informations. Par exemple en conduisant, vous surveillez la route, l’environnement les autres voitures et cela représente une vingtaine d’images par seconde, donc une quantité énorme à mémoriser. Et comme ces informations ne serviront plus à rien dans quelques secondes, elles sont mises dans une mémoire tampon, puis supprimées quelques secondes plus tard.
              Je gare ma voiture dans une rue. Je dois me rappeler où. Les synapses des neurones qui en mémorisent l’emplacement vont voir leurs connexions renforcées et liées à la question « où est ma voiture ? » J’ai stocké l’information à court terme.
               Quand je reviens je rappelle l’information, qui, une fois reparti, ne me sert plus. Les connexions vont peu à peu disparaître et le souvenir s’effacer.

              Mais si j’étais distrait quand j’ai garé ma voiture, je n’ai pas assez fait attention et le renforce-ment des connexions a été faible. En revenant je ne me rappellerai plus où est garée ma voiture et il me faudra chercher 5 minutes, jusqu’à ce qu’un image tout à coup réamorce le souvenir.
              La prochaine fois je serai stressé par la peur que cela recommence. Mon attention sera plus grande et l’émotion, le stress que je ressentirai fera que les connexions seront beaucoup plus fortes.

                Supposons maintenant que l’information soit importante. Elle sera d’abord stockée provi-soirement, comme précédemment  dans une mémoire à court terme.
                Mais, la nuit suivante, le cerveau va trier les événements importants et ceux qui ne le sont pas. Il ne renforcera pas ces derniers, mais il va (de façon inconsciente puisque nous dormons), rappeler plusieurs fois ceux qui lui paraissent importants, ce qui va renforcer les connexions suffisamment pour que leur mémorisation ait une longue durée.
               C'est la mémoire épisodique à long terme

                On peut démontrer cela sur des animaux. En produisant des décharges électriques analogues aux impulsions d’influx nerveux produites la nuit. Une décharge renforce la mémorisation du souvenir, et au bout de 4 à 5 décharges le souvenir est mémorisé pour très longtemps.
                On appelle ce phénomène la « potentialisation à long terme » qui intervient donc normalement dans les 24 heures.  
                 Toutefois si le souvenir est porteur d’une forte émotion, on constate que  cette potentia-lisation intervient plus rapidement et est encore renforcée par le sommeil. Le souvenir devient permanent et peut harceler la personne en revenant spontanément dans son esprit. C’est notamment le cas de personnes qui ont subi des traumatismes : accident, agression, attentat, suite de cataclysmes ou de guerre, décès d'un proche, rupture amoureuse …. 


    Comment a lieu physiquement cette potentialisation.?             
           Au plan macroscopique, on note un renforcement des connexions tel que le déclenchement de l’influx nerveux se fasse pour un seuil d’excitation plus bas. On peut avoir un stockage et une libération de neurotransmetteurs plus importants, et pour les potentialisations les plus fortes, la création, entre les neurones liés, de synapses supplémentaires.
           Au plan micriscopique et chimique c’est plus complexe.
           Les essais sur animaux ont montré que des gènes contrôlent le fonctionnement de la mémoire en provoquant la transcription de l’ADN des neurones en ARN, qui migre ensuite dans le cytoplasme du neurone pour y produire des protéines spécifiques, soit qui fixent les connexions synaptiques à court terme pour former des réseaux de souvenirs à long terme, soit qui ralentissent plus ou moins fortement la décroissance du renforcement des connexions qui se produit au cours du temps postérieur à la potentialisation.

    Pourquoi les souvenirs d’émotions ou traumatiques sont ils plus forts et durables.?
           Il semble que quatre phénomènes soient en cause, mais qui sont variables selon les individus.
                 - la quantité de neurotransmetteur délivrée lors de la potentialisation dans les synapses (et donc la stimulation) est plus forte et formation éventuelle de synapse supplémentaire.
                  -  les centres amygdaliens qui sont nerveusement très liés à l’hippocampe, sont très sensibles aux événements et émotions négatives, et ils renforcent encore plus les connexions que celui-ci a déjà renforcées.
                   - ces centres provoquent la sécrétion d’hormones du stress, qui favorisent l’expression des gènes précités et donc la potentialisation.
                  - les hormones du stress ralentissent la décroissance du renforcement des connexions qui intervient dans le temps, pouvant même l’annuler presque.

               Il faut noter que nous ne sommes pas sensibles de la même façon et des études américaines sur les conséquences posttraumatiques des scènes de guerre sur d’anciens soldats, ont montré que chez ceux qui étaient les plus touchés, ce mécanisme de décroissance et d’oubli progressif était         « enrayé ». Les personnes étaient alors incapables de diminuer et supprimer ces souvenirs, le cortex préfrontal perdait en partie son contrôle sur l’hippocampe et laissait ainsi la place aux centres amygdaliens pour empêcher l’oubli.
             Je parlerai demain de ces souvenirs post traumatique en répondant aux deux questions posées.

    Partager via Gmail

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :