• Nos souvenirs ressemblent aux dinosaures des archéologues.

    Nos souvenirs ressemblent aux dinosaures des archéologues.

        J’ai souvent dit dans mes articles que les souvenirs étaient faits de nombreuses perceptions ou idées, qui étaient chacune enregistrées dans un groupes de neurones et que l’association en un souvenir global résultait d’une connexion entre ces divers groupes de neurones, qui étaient faite au moment où l’on percevait le souvenir, confortée ensuite dans notre sommeil, puis renforcée chaque fois que l’on rappelait ce souvenir. Mais s’il restait sans rappel, la connexion s’affaiblissait et le souvenir risquait de passer dans l’oubli.
        Il arrive souvent à chacun d’entre nous de voir un visage et de ne plus se rappeler le nom de la personne, ou le lieu où on l’a rencontrée.C’est vrai à tout âge, mais c’est plus fréquent à mesure que l’on vieillit.
        Cela tient à ce que le visage, le lieu et le nom sont stockés dans des groupes de neurones différents, qu’à l’origine l’hippocampe a noué les adresses de ces groupes pour les mettre en relation, mais que comme nous n’avons pas vu cette personne pendant longtemps, ces connexions se sont affaiblies et l’hippocampe ne sait plus mettre ensemble ces trois adresses.

        Des chercheurs des université de Leicester, Los Angeles et Tel Aviv ont constaté ce phénomène de façon réaliste.
        Ils soignaient un malade épileptique qui avait par ailleurs des problèmes de mémoire dus à sa maladie et avaient, avec son accord, implanté des électrodes dans son cerveau à des fins thérapeu-tiques. Cela permet de percevoir l’activité de groupes de neurones beaucoup plus restreints qu’avec l’IRM.
        Le patient se rappelait avoir vu une personne dont on lui montrait la photo. Un groupe de neurone de la mémoire de stockage des visages, dans la zone des images des objets que nous appelons le « Quoi », était alors mis en activité.
        Mais il ne se rappelait pas où il l’avait rencontré. Quand on lui montrait des photos de divers lieux, les groupes de neurones où sont stockées les images des divers lieux ( ce que nous appelons le « où »), s’activaient un à un selon le lieu concerné.
        Mais aucune liaison ne se faisait entre les neurones du visage et ceux des lieux et le patient ne savait toujours pas où il avait rencontré cette personne.
        Les chercheurs lui ont montré alors une photo où le patient et la personne se trouvaient ensemble sous la tour Eiffel à Paris. Les neurones du visage et ceux de la tour Eiffel se sont alors activés en même temps lorsque le patient a vu la photo.
        Et par la suite, le patient s’il voyait le visage de la personne, savait à nouveau qu’il l’avait rencontré sous la tour Eiffel. La connexions entre groupes de neurones s’était renforcée pour un temps.

        Cette expérience est une bonne démonstration du mécanisme de nos souvenirs, mais elle en montre aussi la fragilité.
        Car en montrant la photo au patient les chercheurs ont rétabli la connexion entre les neurones du visage et ceux du lieu « tour Eiffel ». Mais si d’autres éléments ne sont pas rappelés à cette occasion, rien ne prouve que c’est là que le patient a rencontré la personne pour la première fois.
        Un événement fortuit, une photo, une parole, peuvent ainsi rétablir des connexions entre deux perceptions, mais la signification que nous lui apportons peut être totalement erronée, si elle ne s’appuie pas sur des élément de souvenir complémentaires.
        On peut même ainsi rajouter à un souvenir, des éléments qui n’en ont jamais fait partie.

        Je me rends compte par exemple, que j’ai aujourd’hui, peu de souvenirs de mon enfance avant 5 ans. Et certains de mes souvenirs sont faits de sensations que j’ai conservées en mémoire, et qui sont probablement originelles et probablement exactes, mais très incomplètes, et qu’à ces souvenirs réels, j’ai rajouté des éléments qui proviennent de photos qu’avaient prises mes parents, ou de récits qu’ils m’ont faits par la suite. J’y ai rajouté d’autres éléments provenant de mes émotions, de mes sentiments vis à vis des personnes présentes à l’événement.
        Tout cela forme un amalgame, qui a toute l’apparence de la vérité, mais dans lequel je ne sais pas très bien ce qui est réel, ce qui est subjectif, ou même ce qui se rapporte en fait à un autre événement.
         Je peux citer un exemple personnel : l'année de mes 6 ans, je suis allé, entre janvier et juillet, dans une école tout près de mon domicile, mais comme mes grands parents m'avaient appris à lire et  le calcul élémentaire, je suis entré directement en CE2. J'ai donc eu droit, à la fin de l'année à un "prix", un très beau livre de contes avec un mot de mon institutrice et de la directrice; j'en étais très fier et tenais beaucoup à ce livre.
        Bien sûr, devenu ado, je ne le lisais plus, mais, peu avant mon bac, je l'ai retrouvé et je l'ai remontré à ma mère en lui racontant que j'étais fier de l'avoir reçu, sur l''estrade, le jour de la distribution des prix, avec un baiser sur la joue de mon institutrice.
        Ma mère m'a regardé, étonnée : "Mais le jour de cette distribution, tu avais les oreillons, tu étais au lit et tu n'y es pas allé.!". Pourtant je me voyais encore sur cette estrade !
       Sans doute un regret et un désir refoulé !
       Même les souvenirs les plus solides , ceux qui sont enfouis dans notre inconscient lors d'un traumatisme, se transforment inconsciemment, et mêmes les images du traumatisme reviennent (ou si on les fait revenir) en mémoire, les détails en sont souvent transformés, erronés. Les psychologues ont souvent constaté cela sur les militaires qui ont gardé des traumatismes de leurs combats.

        Plus on vieillit, plus les souvenirs se transforment, se dégradent ou s’enrichissent, la personnalité et nos désirs peuvent influer sur eux, et malheureusement, chez les personnes atteintes de la maladie d’Alzeimer, qui est essentiellement une dégradation de l’hippocampe et de notre mémoire, avec évidemment des réactions sur le psychique et le comportement, on voit une transformation complète des souvenirs, qui sont parfois en apparence très complets et très précis, mais sont une transformation complète de la réalité, soit par mélange avec d’autres souvenirs, voire une invention complète, probablement fonction des désirs et préoccupations du malade.    

         Les neurologues ont un comparaison amusante pour cette trnasformation des souvenirs : ils disent qu’ils ressemblent aux dinosaures dont la représentation repose sur des vestiges réels trouvés, mais ensuite sur toute la construction faite autour par les archéologues

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