• Mémoire à court terme et compréhension du langage.

    J’ai fait d’assez nombreux articles sur la compréhension et la production du langage (voir notamment sur mon blog les articles des 23 et 25 septembre 2016), et d’autres sur la mémoire, (notamment 13, 14, 16 et 17 octobre 2020), mais je n’ai pas jusqu’à présent associé les deux comme l’a décrit un neurologue éminent, le docteur P Verstichel, du Centre hospitalier de Créteil, qui a écrit des livres très intéressants sur le fonctionnement du cerveau humain, en étudiant notamment le cas d’un malade A.M. qui avait des troubles du langage.

        Un bref rappel du rôle des centres du cerveau qui interviennent dans le langage, la lecture et l’écriture, et la parole :

    http://lancien.cowblog.fr/images/Cerveau2/langage-copie-1.jpg

        Lorsque nous écoutons quelqu'un, l'oreille transmet les sons à l'aire auditive, qui les analyse et, lorsqu'il s'agit de mots (ou de sons apparentés), les signaux sont transmis à l'aire de Wernicke qui va reconnaître s'il s'agit de langage que l'on connait et le décrypter en partie. Elle se met en relation avec l'aire de Geschwind pour en comprendre la signification.
        L'aire de Geschwind est en quelque sorte la “mémoire des mots”. Elle est pour cela en relation avec de nombreux neurones du cerveau qui sont des relais de la mémoire. Elle sait appréhender les multiples propriétés d'un mot : son, aspect visuel, sa fonction, son nom, sa signification...etc. Elle aide ainsi le cerveau, et notamment l’hippocampe et le cortex préfrontal,  à classifier et à étiqueter les choses, une condition préalable pour former des concepts et une pensée abstraite.
            Lorsque nous lisons, ce n'est plus l'aire auditive qui intervient mais les aires visuelles,  situées à l'arrière du cerveau. Le mécanisme est ensuite analogue.
            Enfin lorsque nous voulons parler, c'est encore le centre de Wernicke qui élabore le message. Mais il ne sait pas le transmettre à nos lèvres. De même quand nous voulons écrire, il recherche les mots correspondant aux idées mais il ne sait pas commander nos doigts. En fait il ne sait même pas organiser les mots en phrases
            L'aire de Wernicke “comprend donc le langage” et rassemble en liaison avec l’aire de Geschwind, les mots de messages à partir des idées transmises par le cortex frontal.
        Pour parler, pour écrire, l'aire de Wernicke a besoin de l'aire de Broca.

            Celle ci va utiliser grammaire et la syntaxe et mettre les mots en phrases, puis elle va commander les muscles de la parole ou de l'écriture, par l'intermédiaire du cortex moteur primaire. Une personne dont l'aire de Broca est lésée, comprend le langage écrit et parlé, mais ne peut plus s'exprimer ou émet une suite de mots sans liens entre eux.
           Donc, l'aire de Broca “organise le langage et commande son expression orale ou écrite” par les cordes vocales ou la main, par l'intermédiaire de centres moteurs situés dans le cortex sur le dessus du crâne.

        En ce qui concerne la mémoire, il faut que nous rajoutions un centre qui va jouer un rôle pour assister Wernicke et Geschwind afin de conserver quelques instants le son des mots : c’est le gyrus supramarginal de l’hémisphère gauche; (voir schéma).
        Supposons qu’on vous donne au téléphone une adresse que vous voulez noter, et vous devez la garder en mémoire le temps de trouver votre calepin, votre téléphone ou votre ordinateur.  Cette opération va se décomposer en plusieurs étapes.
        Les sons du langage, activent d'abord I'aire auditive primaire et le centre secondaire d’interprétation, à droite comme à gauche (le centre auditif  interprète les son des deux oreilles).
        Le centre suppose qu'il s'agit de langage et les sons sont alors transmis à l'aire de Wernicke et reconnus comme des éléments linguistiques.
        Puis, de façon automatique, le gyrus supramarginal gauche s'active et maintient les sons entendus sous leur forme auditive pendant quelques secondes. Cette zone joue le rôle d'une boîte de stockage éphémère et n’a qu’une capacité limitée. Elle peut en effet contenir au maximum environ sept éléments monosyllabiques, pendant une durée maximale de deux ou trois secondes. Au terme de ces quelques secondes, les sons s’effacent.
        Comme vous mettrez plus de temps pour trouver votre calepin, le temps de vie élémentaire des mots dans le gyrus supramarginal n'est pas suffisant, et un autre système cérébral doit intervenir pour maintenir ces sons sous forme active en mémoire : c’est la mémoire tampon sémantique (il y a une autre mémoire tampon pour les images).
        Là c’est un processus volontaire et c’est le cortex préfrontal qui déclenche et contrôle l'opération, mettant en jeu les aires du langage, et notamment l'aire de Broca responsable de la programmation de l'articulation du langage. En pratique, nous nous mettons alors à répéter mentalement l’adresse entendue, ce qui permet de raviver en permanence les sons dans le gyrus supramarginal, prolongeant d'autant le temps de vie élémentaire des mots, assez longtemps pour noter l’adresse.
        Tout s’efface ensuite automatiquement.

        Le cas d'un patient que j'appellerai A.M. est intéressant car, suite à un accident vasculaire, son gyrus supramarginal était détruit.
        Si on lui faisait lire des mots sur des cartes différentes, lues une par une et cachées ensuite, en lui demandant de citer les deux mots qui par exemple rimaient, il ne pouvait le faire car il ne pouvait conserver le son des mots assez longtemps en mémoire.
        Par contre si on lui demandait de trouver les deux mots qui avaient une signification voisine, il savait le faire, car ce n’était pas les sons qu’il fallait retenir mais les sens des mots.  Intervenaient alors Wernicke, Geschwind, la mémoire tampon sémantique, et une région du cerveau qui intervient dans la mémoire sémantique dite « déclarative », qui classe toutes les notions que nous avons apprises de façon logique et reliées entre elles.
        L’opération était possible car la mémoire tampon sémantique peut enregistrer environ six à huit mots ou groupes de mots. Si l’on avait donné à AM une douzaine de cartes, l’opération n’aurait pas été possible, du moins simplement.

        On cite toutefois le cas de l’allemand Boris Konrad qui a mémorisé 255 mots aléatoires présentés pendant l5 minutes, et les a tous restitués sans erreur. Ce type d’exercice ne mobilise pas la mémoire à court terme, mais fait intervenir des stratégies mnémoniques complexes, associant par exemple les mots à des lieux ou des emplacements connus, plus généralement à des repères qui ont entre eux un lien qu’on a déjà mémorisé.

        Maintenant vous savez comment retebnir quelques secondes un numéro de téléphone lol
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