• Levothyrox et thyroïde

     

    Levothyrox et thyroïde

         Je suis toujours étonné de voir les journalistes notamment télévisés, monter en épingle une information, au point d’affoler les populations, mais aussi du manque de communication et d’information en provenance des pouvoirs publics.
        Un exemple significatif est celui de la polémique actuelle autour d’un médicament, le Lévothyrox.
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        Mais avant de parler du Levothyrox, voyons ce qu’est la glande thyroïde.
        C’est une glande située à la bas du cou qui mesure environ 6cm X 6cm et pèse 30 grammes. Elle fabrique deux hormones : la thyroxine appelée T4 et la thyronine appelée T3.
        La thyroïde fabrique environ 80% de T4 et 20% de T3, mais une partie importante de la T4 se transforme en T3 au sein des cellules de l’organisme. Une partie de la T4 reste dans le sang et on l’appelle la T4 « libre », et c’est elle que l’on dose.
        L’hormone T4 est fabriquée à partir de l’iode que la thyroïde capte dans notre alimentation.
        La production de la T4 n’est pas spontanée : elle est activée par une « pré-hormone » produite par l’hypophyse et commandée par l’hypothalamus du cerveau central : la TSH ou tyréostimuline, qui stimule la thyroïde si le taux de T4 baisse et au contraire diminue sa production si le taux augmente trop dans le sang.
        On considère que le taux normal de TSh dans le sang doit être compris entre 0,27 et 4,20 µUI/ml et que le taux de T4 libre doit rester entre 1,0 et 1,6 ng/dl. Des analyses sanguines peuvent déceler des anomalies de ces taux.

        A quoi sert la thyroïde et ses hormones (l’hormone active est la T3).?
        La thyroïde est le gendarme de la régulation corporelle.
        Les hormones thyroïdiennes agissent sur un grand nombre de fonctions de l'organisme :
        Un excès d'hormones T3 et T4 provoque une élévation de la température, ce qui explique les sensations de soif, de sensibilité à la chaleur et la peau chaude et moite, ainsi que l’accélération de toutes les fonctions de l’organisme : accélération du rythme cardiaque, perturbation du transit, perte de poids malgré un moindre appétit, excitation et agressivité.

        A l'inverse, un manque d'hormones entraîne au contraire une baisse de la température, un ralentissement du rythme cardiaque, une prise de poids, trous de mémoire et signes de dépression, fatigue, insomnies, défaut de concentration.   
        Elle intervient également dans le métabolisme du calcium avec une autre hormone, la calcitonine.

        L’hypothyroïdie est une maladie très fréquente, surtout chez les femmes de plus de 50 ans : 1 à 3% de la population, 6 femmes pour un homme, avec pic de fréquence à 60 ans.
        Dans 80% des cas il s’agit d’une thyroïdite d’origine immune, les lymphocytes T s’attaquant à la thyroïde et la détruisant partiellement, cela étant dû à des facteurs génétiques et environnementaux. Dans la moitié de ces cas elle est lente et variable dans le temps, et dans l’autre moitié des cas elle est chronique (on l’appelle alors la maladie d’Hashimoto).
        10% des cas sont dus à des tumeurs et 10% à des causes diverses.
        La thyroïde ne produisant plus assez d’hormone T4, on donne aux patient une dose journalière complémentaire de T4.

        Le « lévothyrox » est le médicament le plus courant en France dont le principe actif est de la lévothyroxine, c’est à dire une forme de T4, prise sous forme de comprimé le matin.
        Le médicament est en général à prendre de façon définitive, mais la sensibilité des personnes est très différente selon les cas : âge, degré de la maladie, sensibilité hormonale, état général… La réponse peut être dans certains cas sensible à de faibles variation de posologie.
        Le dosage adapté à chaque patient est donc difficile à trouver.
        Par ailleurs la réponse à une variation de dose n’est pas immédiate : 4 à 6 semaines.

        Que s’est il passé avec le Lévothyrox cet été. ?
        C’est un médicament très répandu, 3 millions de français en prennent !
        Contrairement à ce que beaucoup pensent le changement de formule du Lévothyrox n’est pas une initiative du laboratoire MerCK pour gagner plus d’argent, mais une demande de l’Agence nationale de sécurité du médicament.
        L’ANSM avait constaté en mars 2012 que la dose de substance active du Levothyrox avait tendance à varier d’une boîte à l’autre ou au cours du temps. Elle a donc demandé à Merck de chager la formule pour plus de stabilité et donc de changer les « excipients », c’est-à-dire les autres substances que celle active, qui permettent de donner sa forme au médicament (comprimé, gélule, sirop), d’améliorer la conservation ou de modifier le goût.
        Par ailleurs, un des excipients, le lactose, pouvait entraîner des intolérances. Ce dernier a donc été remplacé par du mannitol, un édulcorant très répandu sans effet notoire à petite dose (bien qu’il puisse être laxatif à haute dose), et de l’acide citrique a été ajouté afin de stabiliser le médicament, ce produit étant très répandu dans l’alimentation (les citrons notamment).
        Mais tout changement de ces excipients risque, chez des personnes plus sensibles au plan biochimique, de modifier l’absorption du principe actif, ici la lévothyroxine, et donc de provoquer des effets secondaires d’autant plus que le dosage adapté est pointu.
        Le laboratoire avait fait des études d’effets du nouveau médicament, mais les études sur animaux ne sont pas complètement transposables à l’homme, et il avait informé les 100 000 professionnels de santé par un simple courrier le 27 février. Les pharmaciens étaient invités à terminer les stocks de l’ancienne formule pour ne pas faire coexister les deux types de boîtes. Il était recommandé aux médecins prescripteurs de « confirmer l’équilibre thérapeutique » par un suivi spécifique uniquement pour les personnes à risque.
        L’ANSM n’a pas fait d’information spécifique et a choisi la plus mauvaise période pour introduire le médicament, du fait des vacances d’été des patients comme des médecins.
        Environ 5% des personnes qui prennent du Lévothyrox ont ressenti des effets secondaires, certains assez graves. Le corps médical, mal informé, l’ANSM et Merck n’ont pas réagi rapidement et, les journaliste ayant abondamment abordé le problème (il fallait bien alerter les gens), tous les gens qui prenaient ce médicament et ne se sentaient pas parfaitement bien, même pour d’autres raisons, l’ont accusé de ces méfaits
        C’est devenu un scandale public.

        Cela aurait pu être évité.
        En Belgique, il n'y a eu ni crise ni scandale. C'est que, en amont, la communication a été assurée à tous les niveaux. Les médecins ont prévenu leurs patients. Ceux-ci ont reçu une lettre d'information très explicite, portant un avertissement en rouge et recommandant "un suivi attentif". Le laboratoire s'est préoccupé de les alerter directement : le packaging du médicament porte la mention "nouvelle formule", et la boîte contient un feuillet cartonné d’explications.
        En France, aucune mention claire sur la boîte de Levothyrox n'a été ajoutée. Pourquoi l'Agence du médicament, qui connaissait parfaitement l'exemple belge, ne l'a-t-elle pas suivi
       Sa directrice adjointe, interrogée dans cet extrait, ne semble pas voir l'intérêt de s'adresser directement au patient, préférant rejeter la faute sur les médecins et pharmaciens. (renseignements donnés à l’émission « Envoyé spécial » d’Elise Lucet)


        Que faire ?
        Revenir à l’ancienne formule n’est pas une solution, et la mise en place de boîtes anciennes ne peut être qu’un pis aller, pour résoudre provisoirement les cas les plus graves et délicats
        Il y a d’abord 95% des malades qui n’ont rien ressenti, et parmi ceux qui ont des « effets secondaires », il n’est pas sûr que cela soit dû à la nouvelle formule. Il faut faire une analyse sanguine de TSH et de T4. On constate chez tous les patients qui ont de « vrais » effets secondaires, une variation forte de la TSH (en général en baisse) et de la T4 (en général en hausse).
        Finalement, pour les personnes qui ont eu des perturbations, il faudra trouver un nouveau dosage adapté. Si cela n’est pas possible pour quelques unes, il faudra alors changer de médicament.
        En fait c’est maintenant aux médecins d’expliquer et d’agir, mais la responsabilité initiale semble bien être celle de l’ANSM.

     

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