• Les grandes marées du siècle

    Les grandes marées du siècle

              Aujourd'hui 21 mars 2023, c'est un jour de grande marée, et bien sûr la télévision régionale de Bretagne nous  a fait tout un plat du spectacle sur les côtes, mais son "coefficient" reste discret (111) et on nous rappelle bien sûr, la première marée du siècle, qui a eu lieu le 21 mars 2015 et dont le coefficient était de 119 (le maximum possible étant 120).
              Je me souviens : les journalistes en avaient parlé pendant 8 jours, décrivant le phénomène comme un. cataclysme, et ils nous avaient dit qu’on ne voit cela qu’une fois par siècle.
              C'est inexact car l'alignement des astres et de la Terre décuple la puissance des marées tous les 18 ans. La prochaine « marée du siècle » aura lieu le 3 mars 1933 et la suivante le 14 mars 2051 (je ne les verrai malheureusement pas).
               Cela me fait rire  et probablement cela amuse Bretons et marins, car on a rarement entendu proférer autant de bêtises, et par ailleurs cette publicité autour de ces fortes marées me fait penser à celle autour de Halloween : il faut attirer les touristes et cela a d’ailleurs très bien marché en 2015, ce qui est un bienfait pour l’économie bretonne.
               Je pense d’ailleurs que les touristes ont vu de belles choses, dans la mesure où ils ne connaissaient pas la Bretagne, et où ils allaient en vacances en Méditerranée, où il n’y a pratiquement pas de marées.
               Mais ce n’est pas une raison pour nous prendre pour des imbéciles, mais je n’ai pas trouvé un seul journaliste qui ait tant soit peu vérifié ce qu’on lui demandait de dire et qui ait un peu cherché à comprendre à quoi correspondait ces coefficients.

               D’abord, ce coefficient de marée très fort, est ce aussi extraordinaire.
               Il peut varier théoriquement entre 20 pour les marées les plus faibles et 120 pour les plus fortes. Les fortes valeurs sont elles fréquentes ?
                118/119 sont donc rares, mais on voit souvent en mars et en septembre aux équinoxes, des coefficients voisins comme le montre le tableau suivant relatif à la Bretagne :
                                  septembre 2023.   112.            mars 2023.    111
                                  septembre 2022.   105.            mars 2022.   103
                                  octobre 2021.         108             mars 2021.    112
                                  octobre 2020.        115              mars 2020.   108
                                  septembre 2019.    113.            mars 2019.    115
                Ces coefficients ne sont valables qu’en France et que sur la côte atlantique et la Manche, et ils ne sont qu’approximatifs.
              Alors le problème posé est de savoir si ce que l’on voit quand le coefficient est de 119 est très différent de ce que l’on voit quand il est de 112 ou 115.  Pour cela il faut comprendre ce qu’est ce coefficient et aucun journaliste n’a cherché à le faire en 2015.

                 Ce coefficient repose sur l’hypothèse que les marées existant à Brest sont approximativement représentatives de celles de toute cette côte. Egalement sur le fait qu’il existe une hauteur moyenne des mers, autour de laquelle oscillent les hauteurs de marées et qui peut servir de référence, au moins pendant un certain temps (la hauteur des mers s’élève lentement avec le changement climatique). On l’appelle « niveau moyen N». Il résulte de calculs astronomiques et d’autre part d’observations.
                Ce niveau moyen permet de définir une valeur zéro de référence pour la hauteur de la mer en un point donné.
                Par ailleurs, on appelle « marnage » M, la différence entre la hauteur à chaque marée, entre la hauteur de la haute mer Hm et la basse mer Hb. : M = Hm  -  Hb    d’où  Nm = (Hm +  Hb) / 2

                Le service Hydrographique (SHOM) a ensuite relevé pendant des années les caractéristiques des marées et les données suivantes à Brest  :
                        - la hauteur moyenne des mers est à Brest de 4,13 mètres;
                        - le marnage le plus haut constaté aux équinoxes est de 7,32 mètres;
                        - le marnage le plus bas constaté est de 1,22 mètres;
                        - le marnage moyen à l’équinoxe, (c’est la moyenne des plus hauts marnages), est de 6,10 mètres. On appelle « U Brest » : unité de hauteur propre à la localité de Brest, la moitié de cette différence soit 3,05 m. C'est une référence propre à Brest.

    Les grandes marées du siècle

     

                Chaque localité en bord de mer a une unité de hauteur qui lui est propre et qui dépend de la configuration de la côte, qui freine ou augmente la marée.
                Les lieux de plus grande unité de hauteur U sont Dieppe (4,5 m), Saint Malo (5,98 m) et Grandville (6,35 m) et donc des marnages moyens d’équinoxe doubles.

                 Par définition le coefficient C dont on nous bassine les valeurs, pour une date donnée, est le rapport entre la différence de hauteur entre la marée haute du jour Hm et la hauteur moyenne Nm, par rapport à l’unité de valeur propre à la localité où l’on se trouve : C = (Hm - Nm) / U  x 100
                Et, comme Nm = (Hm + Hb) / 2, on a   C  = ½ (Hm  -  Hb) /U X 100
        Donc pour un jour donné, en multipliant haut et bas la fraction par 2 :                

                                          auteur du marnage du jour
                      C = —————————————————————--------- X 100
                             hauteur du marnage moyen d’équinoxe du lieu

                La connaissance de C pour un jour donné permet de calculer la hauteur de marnage si on connait l’unité de hauteur du lieu, et la hauteur de la pleine mer Hm si on connaît la hauteur moyenne de la mer.
                Le SHOM a décidé d’attribuer la valeur 100 à la hauteur moyenne de la marée d’équinoxe et donc pour Brest 6,10 mètres
                Comme le maximum et le minimum des marnages à Brest sont de 7,32 et 1,22 mètres, le minimum de C est de 20 et le maximum de 120.

                 Pour savoir si 119, bien que marée du siècle, est extraordinaire par rapport à 115, que l’on voit souvent  on peut calculer pour Brest la différence de hauteur des pleines mers :     ∆Hm = ∆ (Nm + C/100.U) = (119-115)/100 X 3,05 = 0,04 X 3,05 mètres = 12 cm

                La différence de hauteur de marée haute à Brest entre des coefficients 115 et 119 est donc de 12 cm et entre 111 et 119 de 24 cm, et à Granville ce serait le double. C’est relativement très faible.
                En fait une mer houleuse à cause du vent, à fortiori une tempête auront bien plus d’influence sur la hauteur de marée si le vent pousse l’eau à la côte et sur l’aspect spectaculaire - et la dangerosité - des vagues.
               
    Alors la « marée du siècle », c’était un coup de pub, pour attirer les touristes - même si c’était beau à voir, mais j’ai vu bien plus impressionnant en Bretagne par tempête lors des grandes marées de coefficient moindre.


                                  

     

    Partager via Gmail

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :