J’ai lu un article de Fabienne Delfour, chercheuse au laboratoire d’éthologie expérimentale et comparée de l’université Paris 13, spécialiste des dauphins, sur les études qu’elle a fait pour mieux les connaître.
         J’ai trouvé cet article passionnant et je voudrais donc en extraire quelques données.

         Madame Delfour est associée au « Wild Dolphin Project », fondé par le Dr. Denise Herzing, qui a étudié les dauphins tachetés de l’Atlantique, aux Bahamas, et notamment la compréhension de leur comportement, de leur écologie, de leur histoire de vie et de leur acoustique. Grâce à des méthodes rigoureuses d'identification photographique  et de d’enregistrements sonores, et à une approche non interventionniste, les chercheurs ont pu développer une relation unique et respectueuse avec des dauphins tachetés vivant aux Bahamas, qu’ils reconnaissaient.
         En outre, madame Delfour est  responsable des programmes scientifiques au delphinarium du parc Astérix.
          Tous le ans depuis 1985 l’équipe du Wild Dolphin Project (WDP) passe une centaine de jours dans l’océan pour étudier ces dauphins tachetés et aussi les grands dauphins analogues à ceux du Parc Astérix. Les dauphins vivant parfois plus de quarante ans, certains côtoient l’équipe depuis le début de l’étude. et reconnaissent les chercheurs.
          Les chercheurs ont identifié plusieurs centaines d’individus à partir des marques corporelles telles que les cicatrices et l’agencement des taches colorées, et ils connaissent leur généalogie, grâce à des analyses d’ADN, effectuées à partir de leurs excréments, mais aussi leurs relations, leur reproduction et la répartition des rôles au sein de la communauté, allant jusqu’à esquisser la personnalité de certains d’entre eux.
         Depuis 1960 de nombreuses équipes se sont aussi intéressées au comportement, à la biologie et à l’écologie de ces mammifères marins, tant en milieu naturel qu’en delphinarium, où il est plus facile de faire certaines recherches, notamment sur leur intelligence.

Les qualités physiques d’un dauphin.

           Chose curieuse, au plan de l’évolution, leur ancêtre était un mammifère placentaire terrestre, dont les descendants se sont progressivement adaptés à la vie aquatique il y a plusieurs dizaines de millions d’années. Leurs plus proches parents actuels sont les hippopotames !
           Les dauphins ont  une ouïe très fine, capable de distinguer les faibles variations de fréquence ou de durée, caractéristiques des sifflements d’un congénère.  Ils ont une bonne vision tant dans l’eau que dans l’air, équivalente à celle des chats et des chiens ; elle est adaptée à la faible luminosité et au spectre bleuté de l’océan.
         Ils combinent d’ailleurs l’ouïe, l’écho-localisation (la détection d’obstacles par émission d’un son et écoute de son écho) et la vision pour reconnaître un objet dans l’eau.
        La communication acoustique est celle que les dauphins utilisent le plus, pour maintenir la cohésion du groupe, de coordonner leurs mouvements ou leurs activités sociales.
        Dans l’eau, le son a une vitesse 5 fois plus grande que dans l’air et les basses fréquences parcourent entre 2 et 15 km.

        Les cétacés n’ont pas d’oreille externe, juste un orifice qui communique avec l’oreille interne. Mais ils perçoivent les sons principalement par leur mâchoire inférieure.
         À l’aide des lèvres phoniques de leur conduit nasal (voir la figure ci-dessus), les dauphins émettent trois types de sons : des clics d’écho-localisation, des sons pulsés en rafales et des sifflements, que les chercheurs étudient en enregistrant leurs fréquences.
          Chaque dauphin a un sifflement qui lui est propre (une carte d’identité) que les autres dauphins reconnaissent.
           Les sons pulsés en rafale ont des formes diverses : couinements, grincements et sont associés aux jeux, aux approches sexuelles,, aux comportements agressifs ou à de l’anxiété.    
          Les clics d’écho-localisation servent essentiellement à détecter obstacles et nourriture. Le dauphin utilise son sonar en émission et réception de l’écho, ou en réception seule pour écouter l’environnement et les clics de ses congénères.

          Pour savoir quel dauphin a émis des sons les chercheurs utilisent plusieurs hydrophones et des caméras d’enregistrement des images, et ils font une triangulation.
          Lorsqu’un groupe de dauphins s’approche de nageurs humains, un premier dauphin arrive en éclaireur, totalement silencieux. C’est le dauphin suivant qui produit les clics d’écho-localisation que reçoit l’éclaireur et qui le localisent.
          La communication tactile joue aussi un rôle très important chez les dauphins qui aiment se frotter doucement les uns aux autres avec un certain plaisir et ils utilisent ce comportement comme un outil servant à établir un lien social, à maintenir ou gérer des relations interindividuelles. Mais, lors de conflits, ils peuvent se frapper à l’aide de la nageoire caudale, et même se mordre.
         Le goût des dauphins est relativement développé : ils perçoivent  le sucré, l’acide, le salé et l’amer. Leur système olfactif est par contre peu développé. On ne sait pas par quel canal goût et odeurs sont perçus.  

Les aspects mentaux chez les dauphins :
      
         Leur mémoire à court terme, tant auditive que visuelle, est comparable à la mémoire visuelle d’un singe. Ils mémorisent les lieux et les itinéraires. Ils reconnaissent les sons spécifiques de leur espèce, qui constituent avec des gestes qui l’accompagnent, un langage. Ils sont capables de suivre les gestes de pointage des entraîneurs ou la direction du regard des humains, ou encore d’imiter les sons et les gestes d’autres dauphins ou d’humains.

          Ils sont capables d’apprentissages complexes et utilisent parfois des outils (comme par exemple une éponge pour faire sortir un poisson d’un creux dans un rocher).
          Les dauphins ont non seulement conscience des autres, mais aussi d’eux-mêmes, des parties de leur corps et du fait qu’ils sont les auteurs de leurs mouvements (une certaine conscience du moi). Mais ils se reconnaissent difficilement dans un miroir, qui n’est probablement pas le bon moyen de reconnaissance.
         Les chercheurs ont analysé les personnalités des dauphins du parc Astérix, avec un classement qui ressemble à celui du Big five (voir mes articles sur ce système de personnalité humaine). Ils l’ont appelé système OCEAN : O comme ouverture à l’expérience, curiosité; C pour contrôle, minutie, discipline; E pour extraversion, énergie, enthousiasme; A pour amabilité, altruisme et enfin N pour les émotions négatives.
 Les individus aux personnalités proches apprécient de passer du temps ensemble et s’associent de manière privilégiée. Par ailleurs les mères sont plus ou moins permissives ou protectrices vis à vis de leurs enfants.
         Des sentiments de peine et de deuil semblent exister lorsqu’une mêre perd son enfant.

La société des dauphins.

          Les mâles et les femelles vivent séparément au sein de groupes respectifs et les femelles s’accouplent avec plusieurs mâles, lors de rencontres.
          Dès leur adolescence, les jeunes mâles  trouvent un partenaire de jeux avec qui ils forment un duo pour la vie, qu’ils partageront. Il est rare qu’un troisième dauphin mâle rejoigne cette paire.
           Les femelles sont beaucoup plus libres et associatives. Des femelles enceintes auront tendance à s’associer, de même que des femelles avec leur petit. Si l’une d’elles perd son petit, elle réintègre alors le groupe des femelles sans enfant.
           Les dauphins étudiés aux Bahamas avaient l'habitude des chercheurs et leur faisait confiance. Deux femelles ont laissé la garde de leurs deux petits aux nageurs, qui se sont amusés avec eux une demi-heure  et les femelles qui étaient allées se nourrir sont venu les reprendre. Une crèche originale !