• Les dangers de la "biture express" ("binge drinking")

    Les danger de la "biture express" ("binge drinking")

                  Je suis souvent assez effaré du comportement des jeunes aujourd’hui.
                J’avoue ne pas comprendre l’intérêt de ce qu’ils appellent le « binge drinking » ou « biture express », amusement qui consiste à boire le maximum d’alcool en un temps record pour parvenir à l’ivresse, au point de tomber raide par terre, parfois jusqu’au coma éthylique. 
               
    J’ai lu récemment un  compte-rendu de recherche qui montre que cette pratique n’est pas sans danger pour le cerveau, publié par trois chercheurs sur les effets de l’alcool, Fabien Gierski de l’Université de Reims, Mickael Nassila et Olivier Pierrefiche.

               Certes presque tous nos neurones existent à notre naissance, mais leur chimie  les synapses se transformeront profondément par apprentissage et à chaque perception, et surtout d’une part le cortex frontal n’est pas mature avant 20 ans (voire 25), et tous les jours il naît quelques centaines de neurones dans un  centre de l’hippocampe, dont le rôle est de différencier des souvenir successifs qui se ressemblent.
               La pratique du "binge drinking" affecte particulièrement le comportement des synapses et notamment celles de l'hippocampe, qui est le professeur et le dictionnaire de la mémoire, liant entre eux les neurones d'un même souvenir et les contactant à nouveau lorsqu'on veut évoquer le souvenir mémorisé.

                3695 étudiants consommateurs d’alcool ont participé à cette étude, ceux qui pratiquaient la « biture express » représentaient 40% des garçons et 16% des filles. L’étude a chiffré sous forme d’un « score », l’importance et la fréquence des ivresses, et également  la vitesse d’ingestion qui influe sur le pic d’alcoolémie.
               Des tests ont été réalisés, notamment concernant la mémoire et des IRM ont permis d’étudier les connexions entre neurones (la substance blanche) et divers centres comme l’hippocampe, et cela sur des groupes composés soient de binge-drinkers, soiet de buveurs modérés occasionnels.
               Par ailleurs une étude des effets de l’alcool a été faite sur des rongeurs.

               L’étude sur les animaux a permis de comprendre le mécanisme destructeur de l’alcool : il réduit la plasticité synaptique. Les synapses, par un mécanisme complexe d’actions et d’inhibitions, module l’intensité de la communication entre neurones. La sollicitation fréquente d’un groupe de neurones abaisse le seuil d’excitabilité qui déclenche l’influx nerveux, et permet donc de faciliter la communication entre des neurones qui ont quelque chose en commun (par exemple qui représentent un souvenir).
               Lorsqu’un neurone doit être ainsi lié de façon pérenne à un autre neurone, un neurotransmetteur, le glutamate, qui va potentialiser des récepteurs synaptiques particuliers (NMDA) du second neurone, le rendant plus sensible à un influx nerveux ultérieur du premier neurone. On appelle cela la « potentialisation à long terme » PLT. 
               
    A l’inverse, pour que des souvenirs sans importance n’encombrent pas notre cerveau, un mécanisme inverse à lieu en diminuant la sensibilité des récepteurs NMDA, ce qui diminue la communication entre les deux neurones. On appelle ce processus la « dépression à long terme » ou DLT.

               L’alcool diminue la PLT, mais surtout augmente et perturbe la DLT, de telle sorte que les rats et leurs progénitures (si l’on alcoolise des rates en gestation), perdent une part importante de leur capacité de mémorisation et d’apprentissage.

               Des doses d’alcool équivalentes à deux binge-drinking en 24 heures chez des humains, ont été administré à des rats adolescents dont on a examiné ensuite l’hippocampe et dont on a mesuré sa plasticité. Une perte totale de DLT a éét enregistrée au bout de 24 heures et a persisté 5 jours (sachant que l’adolescence d’un rat dure un mois et sa vie 2 ans).
               Des tests ont montré que ces animaux apprenaient difficilement et que la curiosité pour un nouvel objet était déficiente.
               De plus la consommation rapide d’alcool semble augmenter la capacité d’addiction ultérieure des animaux, et perturbe leur humeur, les rendant plus anxieux.

     Qu’en est il chez les jeunes humains ?

               L’étude a montré que plus le score des garçons était élevé, plus la substance blanche était atteinte et ces atteintes entrainaient notamment une baisse significative de mémoire spatiale. Mais on constatait aussi une perte plus grande de substance grise (le nombre de neurone qui décroit régulièrement à partir de la fin de l’adolescence). L’hippocampe qui encode les apprentissages et les nouveaux souvenirs est plus touché chez les binge-drinkers, et notamment chez les filles.
               Le mécanisme de l’alcoolémie expresse paraît être le même que chez les animaux. D’une part on constate les mêmes effets, mais ces effets peuvent être aussi provoqués par une drogue la kétamine (dont se servent les terroristes), qui bloque de façon analogue à l’alcool les récepteurs synaptiques NMDA.
               Mais on ne sait pas encore, pour les humains quelle est la réversibilité des dégâts et les délais correspondants.

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