• Développement des perceptions de l'enfant.

    Développement des perceptions de l'enfant.


        J’ai toujours beaucoup d’intérêt pour la formation du cerveau et des capacités des enfants, notamment très jeunes.
        Des chercheurs, comme Olivier Houdé et Grégoire Borst, du CNRS, ont expliqué l’approche de la réalité par le cerveau des jeunes enfants, et citent notamment les expériences de Piaget et les études qui ont montré que le cortex préfrontal, qui est encore en cours de développement, ne savait pas encore inhiber certains réflexes naturels, issus de nos sensations.
        Piaget pensait que l’approche de la réalité pour les enfants entre un et six ans, comprenait trois stades importants :
            - la permanence de l’existence d’un objet;
            - le nombre d’objets et la comparaison de ces nombres;
            - la classification des objets en catégories.

        Piaget avait remarqué que s’il cachait plusieurs fois un objet au même endroit, un enfant, entre un et deux ans, qui ne voyait plus l’objet dans le pièce, le recherchait, ce qui prouvait qu’il avait une notion de son existence et de la permanence de cette existence.
        Mais si l'on changeait l’objet de cachette, l’enfant allait voir dans la cachette première et était tout étonné de ne pas y trouver l’objet. Cette permanence dépassait donc l’objet, mais concernait aussi le lieu où il pouvait être.

        Dès un à deux ans, sans connaître la numération, un enfant a une idée des grandeurs. Pour lui ce sont les sensations de perceptions qui dont primordiale et il se représente donc le nombre d’objets par la longueur ou la surface qu’ils occupent.
        Une expérience de Piaget, devenue classique pour les psychologues, est celle ou l’on aligne deux rangées d’objets de même longueur, contenant le même nombre d’objets. L’enfant interrogé répond qu’il y a le même nombre d’objets dans chaque rangée.
        Sans changer le nombre d’objets, on les déplace pour qu’une ligne soit plus longue que l’autre. L’enfant qui ne sait pas compter, (ou celui qui sait compter, mais répond trop vite intuitivement), dit qu’il y a davantage d’objets dans la ligne la plus longue.

        La troisième expérience est de montrer dix photos de chats, trois photos de chiens et de demander à l’enfant quel est le plus grand nombre de chats ou d’animaux. Alors que le jeune enfant saura dire qu’il y a plus de chats que de chiens, il sera embarrassé par cette question, s’il n’a pas encore assimilé la catégorisation hiérarchique animaux = chiens et chats. Là nous sommes dans un stade plus avancé, non plus de sensation, mais de compréhension du langage.
        Les moyens expérimentaux ont fait de grands progrès depuis Piaget, et on sait aujourd’hui, mesurer les réactions du cerveau, à quelques millisecondes près; on s’aperçoit alors que l’enfant qui répond correctement aux deux première tests met environ 150 ms de plus que l’enfant qui se trompe, ayant fait confiance pour répondre, à ses sens et à l’habitude de leurs perceptions.
        Que se passe t’il pendant ce délai ?
        L’IRM permet de voir que pendant ce délai c’est le cortex préfrontal qui est sollicité, et c’est une zone dont les neurones ont pour action d’inhiber une première réponse, qui est celle délivrée par l’automatisme, l’habitude et l’intuition, et qui obligent le cortex préfrontal à reconsidérer la question, à réfléchir et à appliquer une autre stratégie : dans le premier cas se rendre compte que l’objet est peut être ailleurs et le chercher, dans le second cas inhiber la réponse « longueur » et compter les objets des deux rangées.
        L’enfant naît avec un cortex préfrontal capable de remplir cette mission, mais qui n’est pas mature, et qui doit apprendre ce processus d’inhibition du réflexe initial de ne pas faire une confiance absolue aux sensations, et de reconsidérer le problème.

        Le troisième cas est plus complexe, mais il relève du même processus, car l’enfant à qui on a appris le sens du mot « animaux », met aussi environ 150 ms de plus à comparer le nombre animaux/chats que le nombre chats/chiens. Il lui a fallu inhiber le premier réflexe, de comparer des concepts analogues de même niveau, et reconstituer la hiérarchie animaux par rapport à chats et chiens et faire l’addition chats + chiens.
        Mais le cortex préfrontal n’est pas seul en cause;le cortex pariétal gauche, qui préside au langage, et notamment le centre de Broca, sont aussi sollicités. Il n'y a pas production de langage audible, mais la réflexion passe par un langage interne au cerveau, qui sollicite Broca de la même façon.

        En définitive, on voit que le développement de l’enfant passe d’abord par celui de ses sens, d’abord apprendre à manipuler des objets et ensuite faire des opérations plus abstraites, à partir des perceptions, et les mécanismes mis en place par l’apprentissage sont très puissants, de telle sorte qu’ils peuvent induire en erreur le cerveau.
        il faut donc que le cortex préfrontal apprenne à inhiber ces réflexes intuitifs pour se demander s’ils sont corrects et éventuellement rechercher une autre stratégie. Notre cortex préfrontal va ainsi mettre, peu à peu, depuis la naissance, de l’ordre de 20 ans à devenir mature.

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