• Comment une mère peut elle oublier son enfant dans sa voiture ?

              Je me suis souvent demandé, ayant regardé un fait divers relaté par le journal télévisé comment une mère de famille, intelligente et cultivée si l’on considère son métier, pouvait avoir oublié son bébé dans sa voiture, où il avait failli mourir de chaleur, si un passant n’avait pas signalé sa présence anormale à la police.
             J’ai trouvé récemment un article de Daniela Ovadia, du laboratoire Neurosciences de Pavie, qui expliquait, ce qu’elle appelle une « cécité d’attention ».

             La chercheuse faisait d’abord allusion à une expérience très connue, menée en 1999 auprès d’étudiants de l’université d’Illinois.  
              
    On leur avait demandé de regarder une vidéo d’un match opposant deux équipes de basket et de compter le nombre de passes des joueurs en maillot blanc, ce qui nécessitait une très grande attention et concentration.

              On leur a demandé ensuite ce qu’ils pensaient du gorille, ce qui les a plongé dans la plus grande perplexité. Ils ont alors regardé à nouveau la vidéo et ont vu un homme déguisé en gorille qui venait sur le terrain, se frappait le torse  et repartait de l’autre coté. Aucun étudiant ne l’avait remarqué lors de la première vision du film.
              Les chercheurs ont ensuite fait l’expérience avec de nombreuses personnes, dont plus de la moitié n’ont pas non plus remarqué le gorille.
              Cette cécité d’inattention est donc le fait de ne pas remarquer quelque chose dans l’environnement, parce que son attention est concentré sur une autre tâche précise et prenante. Elle peut aussi intervenir lorsque l‘attention est prise par une tâche manuelle difficile à mener. 

               Mais mener une tâche qui mobilise votre attention n’est pas le seul phénomène. Les chercheurs ont mis en évidence ce qu’ils appellent un « tunnel d’attention », qui fait qu’une personne absorbée par ses pensées ne remarque plus ce qui se passe dans son environnement, même si cela la concerne.

               J’ai déjà en partie abordé ce problème dans des articles où je décrivais les rapports entre les centres d’interprétation des perception, le thalamus qui sert d’intermédiaire et de coordonnateur, et le cortex préfrontal qui analyse les informations qu’on lui envoie, réfléchit et décide des actions à mener. Le thalamus fait un pré-tri, mais le cortex préfrontal sélectionne ensuite les informations pertinentes qui méritent des décisions urgentes. Mais pour être traitées, les informations, même si elles ont été parfaitement traitées par exemple par les centres d’interprétation de la vision, doivent arriver au cortex préfrontal, c’est à dire à notre conscience.
              Il peut arriver que le stimulus initial ne soit pas transmis. Il arrive aussi qu’il soit trop faible et qu’il n’arrive pas à la conscience : c’est le cas des images subliminales. Enfin il est possible que si ce stimulus s’intègre dans une tâche automatique que nous effectuons de façon quasi automatique (sous le contrôle du cervelet) et que la mémoire de situations voisine interfère avec la perception d’un évènement inattendu et bloque sa transmission au cortex préfrontal. C’est ce qui se passe par exemple lorsque nous parlons en conduisant et que nous nous retrouvons sur le chemin de notre travail ou de notre domicile, alors que nous allions ailleurs. Nous n’avons pas remarqué que l’environnement était légèrement différent.

               Lorsque nous observons un objet, les divers centres d’interprétation de la vue analysent la forme, la texture, les couleurs, la distance, le déplacement et une intégration de ce éléments se fait, si nous faisons attention. Son et odeurs peuvent se mêler à ces perceptions visuelles. Si nous ne faisons pas attention cette intégration peut ne pas se faire et l’information n’est alors pas suffisamment précise pour être identifiée et transmise à la conscience. Cette analyse prend une ou deux centaines de millisecondes et si deux stilulus sont très rapprochés, alors que l’analyse du premier n’est pas terminée, il peut alors ne pas être détecté.

                Enfin les centres amygdaliens qui gèrent en partie nos émotions peuvent interférer sur nos perceptions, le cortex préfrontal facilitant en général la synchronisation des neurones et les centres amygdaliens la ralentissant.
              Un stimulus auquel on s’attend peut être renforcé, de même qu’un stimulus faisant craindre un danger. Par contre un stimulus anormal, mais anodin, sera plus facilement écarté.
               Cortex préfrontal et centres amygdaliens influent beaucoup sur le rappel d’informations en mémoire, par l’intermédiaire de l’hippocampe. Un souvenir de situation habituelle peut empêcher la remontée du souvenir actuel d’une situation exceptionnelle.

              C’est probablement ce qui était arrivé à cette maman qui en général n’allait pas au travail avec son enfant qui était habituellement en crèche, et qui, ce jour là, préoccupée par des problèmes professionnels, n’avait pas eu une remontée à la conscience que son bébé était dans son berceau, sur la banquette arrière de son véhicule.

     

    Partager via Gmail

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :