• Notre cerveau menacé lors des vols spatiaux

    Notre cerveau menacé lors des vols spatiaux

             J’ai lu, dans le numéro spécial de la revue « Pour la Science de février-mars 2023, qui traitait des nouveaux horizons de l’exploration spatiale, un article intéressant qui montrait que l’élément faible des longs voyages dans l’espace, était notre cerveau.

               Cela est dû principalement aux rayonnements cosmiques qui se propagent dans le vide spatial, et que nous ne pouvons ni voir ni sentir, mais seulement mesurer leur flux, avec des appareils spéciaux de mesure de rayonnements ionisants.
             Ces rayonnements cosmiques sont de deux sortes :
                     - Les rayons cosmiques galactiques, principalement composés de noyaux atomiques ionisés, 88 % d'hydrogène, 9 % d’hélium, des traces d'éléments plus lourds, mais aussi des photons, qui se déplacent à une vitesse proche de celle de la lumière (300.000 km/s). Ils sont probablement produits et accélérés dans les supernovæ, qui sont les phénomènes qui accompagnent de violentes explosions d'étoiles en fin de vie.
                  - Les rayonnements solaires : les particules du vent solaire et celles des éjections lors des éruptions de la couronne solaire. Ces particules sont également des ions en majorité et sont expulsées à des vitesses comprises entre 300 et 800 km/s pour le vent solaire, et jusqu'à 2 500 km/s lors des éruptions solaires. Moins énergétiques que les rayons cosmiques galactiques, elles sont cependant plus nombreuses . 
              Qu'elles soient d'origine solaire ou galactique, ces particules ont assez d'énergie pour traverser la coque des vaisseaux spatiaux et le corps des astronautes.

             Sur Terre, le champ magnétique protège les organismes vivants en déviant la plupart de ces particules ionisées, qui n'atteignent pas le sol. Il s'étend jusqu'à environ 60.000 km d'altitude du côté du Soleil et plus loin du côté « nuit ».
              Les voyages au-delà de cette magnétosphère (la Lune est par exemple à plus de 400.000 km de la Terre) entrainent une exposition aux rayons cosmiques et à leurs interactions avec les tissus humains.  

               J’ai exposé dans un article du 20 juillet 2018 les effets des rayonnements ionisants, mais j’ai principalement parlé de ceux qu’on rencontrait dans la vie courante : les appareils de radiologie X ou les rayonnements gamma de sources, et éventuellement de ceux rencontrés dans des contaminations radioactives ou des accidents nucléaires (rayonnements alpha, bêta, gamma, neutrons).
                Ces particules laissent une partie de leur énergie et ionisent des atomes des tissus biologiques, c'est-а-dire qu'ils leur arrachent des électrons, entraînant la rupture de liaisons moléculaires. Les atomes et les molécules privés de certains de leurs électrons deviennent très réactifs et vont réagir avec des atomes ou des molécules voisines afin de récupérer des électrons et retrouver une configuration plus stable. Ces radicaux libres transforment les molécules de l'organisme en nouveaux composés chimiques qui ne remplissent plus la fonction biologique initiale.
                Suivant la quantité de rayonnement absorbée reçue (la dose en Grays, Gy, ou mGy), on peut prévoir des effets croissants : effets peu visibles avant quelques mGy, des modifications des cellules sanguines et des tissus qui les produisent, entre 0,1 et 0,5 Gy, une atteinte grave de ces tissus à partir de 1 Gy et 50% de morts en quelques semaines autour de 4 Gy. Des atteintes du cerveau entraînant un coma et une mort rapide pour 10 Gy.
               Une radio des poumons délivre environ 0,1 mGy et la dose reçue sur terre du fait des irradiations naturelles est de 3 à 4 mGy par an. L’étalement dans le temps diminue les effets car il y a une réparation des cellules de l’organisme.

                En ce qui concerne les effets généraux, les rayonnements cosmiques sont concernés par des doses voisines, et les voyages spatiaux n’entraînent pas des irradiations fortes en dose absorbée par tout le corps. Les doses interplanétaires sont de l'ordre de 0,5 milligray par jour. Un voyage sur Mars de 3 ans correspondrait donc à une dose de 0,5 grays.
               Mais les rayonnements cosmiques sont surtout des ions, qui tout le long de leur trajectoire arrachent de nombreux électrons aux atomes qu’ils rencontrent et donc sont beaucoup plus dangereux par leur action locale.
               On caractérise alors le rayonnement en fonction de la densité d'ionisation qu'il produit par unité de dose et par le transfert linéique d'énergie (TLE), qui indique la quantité d'énergie transférée au corps au voisinage de la trajectoire (sous la forme d'électrons secondaires arrachés aux atomes) par unité de distance parcourue.
              Les rayonnements cosmiques ont des TLE beaucoup plus élevés que les rayonnements nucléaires habituels et sont donc plus dangereux localement.

             La NASA a créé en 2003, un laboratoire du rayonnement spatial dans l’état de New York, où l’on peut simuler l’irradiation cosmique par des ions.
              Des souris ont été soumises à des doses de 0,05 à 0,30 gray, mais par des ions ayant un TLE important et ils ont testé leur comportement et leur mémoire.
             L’irradiation diminue considérablement l'attrait d'une souris pour ce qui est nouveau, et ses performances dans des labyrinthes, et les chercheurs ont constaté, le long de trajectoires de rayonnements cosmiques, une modification des connections des neurones, et notamment une réduction du nombre de dendrites, et surtout des épines dendritiques qui jouent un rôle important dans les apprentissages et la mémorisation. Les animaux dont les performances étaient les plus mauvaises, présentaient aussi la plus faible densité d'épines dendritiques.
            Les chercheurs n'ont aucun élément permettant de penser qu'une fois endommagées par l'exposition aux rayons cosmiques, la ramification dendritique et la densité d'épines pourraient se rétablir.

           Bien sûr les effets sur les souris doivent être extrapolées à l’homme avec précaution. Mais les rayons cosmiques peuvent nuire aux performances cognitives des astronautes et l'exposition à ces rayonnements pourrait bien représenter l'un des plus grands obstacles pour un voyage vers Mars, et encore davantage pour les missions plus longues destinées а explorer des planètes les plus distantes.

                   

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