• Les sujets de philo du bac, il y a 10 ans (2)

      Je continue mon petit examen des sujets qui auraient pu être donnés cette année si le virus avait aimé la philosophie.

    Les sujets de philo du bac, il y a 10 ans (2)

    Les sujets de philo du bac, il y a 10 ans (2)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Est-ce la loi qui définit ce qui est juste?

         Ce sujet m’a beaucoup intéressé, car je ne l’avais jamais traité en classe (pourtant à l’époque on avait une dissertation de philo à rendre toutes les semaines, même en S) et je n’avais pas eu l’occasion d’y réfléchir particulièrement depuis.
        Au départ il paraît simple : que veut dire le mot “juste” c’est être conforme à la loi, aux règles instituées par la société.
        La loi est censé éviter le recours à la force, à la vengeance personnelle, en instituant des règles qui permettent de régler les conflits et éventuellement de sanctionner en fonction de la gravité des fautes commises.
        Donc tout paraît réglé : la loi définit ce qui est juste. Etonnant qu’un sujet soit traité en 3 lignes, et effectivement si on réfléchit un peu, ce n’est pas si simple.

        Prenons d’abord le juridique, les textes de loi élaborés dans un pays démocratique comme le nôtre : ces textes sont ils justes aux yeux de tous ?
        Certes ils sont élaborés par nos élus et sont donc censés ne pas être partisans, mais représenter l’opinion de tous et ils devraient donc nous paraître justes parce que conformes à ce que nous pensons.
        Mais d’une part ces textes sont souvent un compromis entre prévention et répression, et évaluer la gravité des fautes n’est pas mathématique, donc l’erreur ou simplement l’écart entre opinions est possible.
        D’autre part les textes d’un moment sont élaborés par une majorité ayant ses opinions, ses électeurs. Une majorité représentant les riches peut elle élaborer des textes qui soient vraiment justes pour les pauvres ?
        Et chaque cas est particulier, en fonction des circonstances, et la loi ne peut traiter chaque cas; elle est donc partiellement imprécise et heureusement il y a des juges et des enquêtes.

        Que dire alors quand la loi est élaborée dans un pays non démocratique, par exemple au bon vouloir d’un dictateur par exemple.?
        Et par ailleurs la loi élaborée dans un pays peut paraître tout à fait injuste à des personnes d’un autre pays : la loi américaine, basée sur la jurisprudence nous paraît moins garantir le juste traitement des parties et que dire de pays où l’on coupe la main du voleur, où l’on lapide la femme adultère, ou l’on condamne à mort les homosexuels.! Un génocide même justifié par la loi est il tolérable?
        La loi définit donc ce qui est censé être juste, mais la loi n’est pas universelle et son élaboration ne peut garantir la justice pour tous.

        Mais la “loi juridique “ est elle toute la loi? A coté d’elle des règles tout aussi contraignantes existent : les règles morales, religieuses, sociales et sociétales.
        Agir conformément à la loi est souvent très au dessous de ce que nous imposent ces autres règles. Et aux juges se substituent les moralistes et les éducateurs, les prêtres et l’opinion et le jugement des autres, tous aussi terribles.
        Les moralistes ont pour guide leur éducation personnelle, leurs propres convictions, leurs intérêts, leur subjectivité dans un domaine qui n’a aucune rigueur scientifique. De même pour les prêtres, soumis en outre à la pression de leur église, et parfois comme le montre l’histoire, imbus du pouvoir qu’ils ont sur les fidèles qui leur sont soumis. Quant à l’opinion des autres, elle est totalement subjective et irrationnelle, soumise à la mode, à des délires moutonniers et parfois cruelle comme le montrent les plaintes de certains élèves soumis au haro de leurs camarades de classe.

        Mais allons plus loin, celui qui se soumet à la loi est il juste pour cela, et est il souhaitable que toutes ces règles nous soient imposées sans que nous puissions les discuter.?
        Freud indique qu’après avoir admis enfant les règles que l’on nous a données, nous faisons une analyse et nous gardons celles que notre intime conviction a considérées comme justes : c’est le “surmoi”... à moins que nous ayons gardé celles qui nous arrangent, dans notre intérêt.

        Finalement le problème de la loi et des règles est plus une confrontation avec le problème de liberté individuelle.
        La loi est un minimum imposé pour que la vie dans une société donnée soit possible (et harmonieuse ?). et au plan juridique ce qui n’est pas interdit par la loi est autorisé, ce qui est quand même préférable au droit du plus fort. Mais certaines sociétés préfèrent dire que tout ce qui n’est pas autorisé est interdit.
        A coté de la loi existent des règles basées sur des valeurs (morales et religieuses lentes à s’adapter), qui sont plus liées aux notions de “bien” et de “mal” qu’aux notions de justice, et sur des us et coutumes sociétales, qui évoluent plus rapidement, mais sont plus arbitraires.
        Et finalement c’est à chacun de trouver la place de ces règles propres dans le cadre d’un respect des lois et de la liberté du voisin.

    "Ressentir l'injustice m'apprend-il ce qui est juste ?"

        J’avoue que ce sujet ne m’emballe pas, parce qu’il est ambigu.
        Là encore question de sens des mots de définition.
        Qu’est ce que la justice ? Des règles juridiques ou morales, auxquelles l’homme doit se conformer pour vivre en société et au regard desquelles les comportements peuvent être sanctionnés ou récompensés selon leurs manquements ou leurs mérites.
        Je me souviens un peu de mes cours de philo, de Platon souhaitant l’harmonie entre les vertus humaines et l’ordre de la cité, et Aristote qui distinguait la justice individuelle et morale (la vertu) de la justice globale et communautaire (les lois) et je me souviens de traductions de Cicéron sur ce sujet.
        La phrase me paraît aussi ambigüe car à priori les règles qu’elles soient morales ou surtout juridiques sont rationnelles et “ressentir” est une impression, presque une émotion, donc peu objective et peu rationnelle.
        Injustice, c’est essentiellement une erreur de justice, avoir accusé ou condamné quelqu’un pour une erreur qu’il n’a pas commise, pour une faute contre les règles qu’il n’a pas commises.
        Normalement pour être sensible à une injustice, il faudrait être objectif, et d’une part connaître la loi (ou les règles) et d’autre part connaître les faits, les actions reprochés.
        En fait ce n’est pas aussi simple, car notre connaissance des lois et des règles n’est pas aussi bonne ni aussi précise et celle des faits non plus (sauf si ce sont ceux de nos actions personnelles).
        D’où ressentir l’injustice, car c’est plus un sentiment qu’un raisonnement.
    Donc un sentiment qui peut être fallacieux et qui n’est pas forcément objectif par rapport aux règles et aux faits.
        J’aurais volontiers fait une digression sur les règles morales, qui sont loin d’être universelles et où chacun de nous s’est approprié certaines d’entre elles : le “surmoi” de Freud.
        Et puis je suis souvent confronté aux plaintes de jeunes, qui s’indignent et souffrent d’être accusées à tort par leurs parents, leurs profs ou leurs camarades, de “méfaits” qu’ils n’ont pas commis.
        Ce sentiment d’injustice est profondément ancré en nous, indépendamment des lois et règles et davantage associé à toute critique, tout reproche, mais bien sûr, pour que ceux-ci soient “injustes”, il faut que nous ayons conscience d’avoir ou non enfreint les règles ou porté préjudice à autrui.
        A mon avis, ressentir l’injustice suppose que je connais au moins approximativement ce qui est juste, mais je ne pense pas que cela m’apprenne davantage sur ce qui est juste, sauf si je vais faire cette recherche de façon réfléchie et volontaire.
        D’ailleurs ne dit on pas “c’est injuste” pour “ce n’est pas mérité”, devant des catastrophes qui s’abattent sur des innocents.?

       - "Peut-on avoir raison contre les faits ?"

        Je devrais demander à ma femme, elle sait parfaitement raisonner ainsi !!
        Je crois qu’il y a au départ un problème de vocabulaire.
        Les faits qu’est ce?
        A priori c’est ce qui a eu lieu, ce qui a été fait, sur ce qui est arrivé.
        Mais si on accordait une certaine véracité aux faits, parce qu’on supposait que c’était ce qui s’est passé réellement, de nos jours avec l’engouement des médias (et l’esprit voyeur du public), pour les “faits divers”,  sans vérification de ce qui s’est passé réellement, l’incontour-nabilité des faits est de venue un mythe.
        C’est tout de même resté  dans certaines expressions : prendre quelqu’un sur le fait, les faits qui s’opposent aux dires.....
        Je ne sais pas trop ce que l’on enseigne en philo aujourd’hui; autrefois ce problème des faits était vu surtout sous l’angle de la science expérimentale, et plus généralement de l’attitude de la raison face aux faits.
        Il y avait donc les faits et l’interprétation qu’on en fait dans les domaines scientifiques et pseudo scientifiques, mais finalement face à toute expérience.
        Je me souviens d’un cours de notre prof de philo sur la paléontologie, où il nous montrait que, dans ce que nous savons sur les dinosaures, il y avait peu de faits réels (les squelettes et ce qui est enterré autour) et beaucoup de déductions, mais certaines très raisonnées et basées sur de nombreuses analogies et déductions, et d’autres plus aléatoires. On rejoignait les cours sur “la science et l’hypothèse” d’Henri Poincaré.
        Un autre aspect de la question, plus proche du fait divers que de la science, c’est la déformation qu’apporte la communication (langage autrefois et image également aujourd’hui), dans la présentation de ce qui se passe.
        Je me rappelle au moment de la première guerre Amérique, Irak, la télévision faisant état de la fuite d’avions irakiens à Malte et présentant des images d’atterrissages de F16 américains, en les faisant passer pour les avions irakiens.
        On ne peut être crédible en paroles et en images sans des preuves, ces preuves ce sont les faits, à condition qu’on ne les travestisse pas. “Je ne crois que ce que je vois” disait Saint Thomas.
        On peut évidemment faire le tour de tout ce qui permet “raisonnablement” c’est à dire volontairement, de vouloir travestir les faits. Je ne me lancerai pas dans cette longue énumération et je pense que les meilleurs connaisseurs sont sûrement les hommes politiques.
        Mais les sentiments peuvent aussi nous éloigner des faits : ‘l’amour est aveugle” dit le proverbe.

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