• Les "biais cognitifs" nous font faire des erreurs ! (1)

    Les "biais cognitifs" nous font faire des erreurs !

                 Dans le numéro de novembre 2022 de la revue « Cerveau et Psycho », André Didierjean, professeur en psychologie à l’université de Franche-Comté de Besançon a écrit un long article, mais très intéressant, sur notre façon de raisonner, ses avantages, mais aussi les erreurs qu’elle nous fait faire et que l’on appelle les « biais psychologiques ».             
              Je vais essayer de le résumer en deux articles.

              Lorsque nous réfléchissons et que nous raisonnons, nous allons chercher en mémoire de nombreuses informations, qui arrivent au cortex préfrontal, le chef d’orchestre de notre cerveau, par l’intermédiaire de deux mémoires tampons, l’une pour les mots, l’autre pour les images et les représentations. Mais ces mémoires ne peuvent contenir que six à sept informations à la fois, et donc, le nombre d’informations que vous arrivez à maintenir dans votre esprit en même temps est très limité, et vous êtes incapable de résoudre des problèmes complexes, comme le ferait un ordinateur .
             Pourtant nous arrivons à le faire la plupart du temps de façon satisfaisante : en effet, nous utilisons une autre méthode que le raisonnement logique rigoureux, pour réfléchir : le recours à des raccourcis mentaux très efficaces, nommés « heuristiques », qui sont des opérations mentales rapides, automatiques et intuitives, peu coûteuses en attention, en énergie et en nombre de données à examiner
              Sélectionnées au cours de l’évolution, ces règles approximatives compensent le fait que l’on ne soit pas capable de prendre en compte tous les paramètres des problèmes en même temps. Mais si ces heuristiques fonctionnent très bien la plupart du temps, elles conduisent aussi parfois à des erreurs, que l’on appelle des « biais cognitifs ».
              André Didierjean nous explique six des plus importants de ces biais. (Les psychologues en ont recensé au moins une trentaine) :

    1 - Le biais « d’appariement ».

              On vous demande de faire un choix en fonction d’une règle. Lorsqu’on se retrouve dans une situation d’incertitude, sans même s’en rendre compte, on a tendance à fournir comme réponse des éléments déjà présents dans la règle.

              Je reproduis ici l’exemple de l’article : il faut choisir deux figures, parmi celles ci-dessous, et les mettre l’une à coté de l’autre, pour rendre fausses successivement les deux règles ci-après :

    Règle 1 : s’il y a un cercle bleu à gauche, alors il n’y a pas de croix verte à droite.
    Règle 2 : s’il n’y a pas de carré rouge à gauche, alors il y a un losange jaune à droite.

    Les "biais cognitifs" nous font faire des erreurs !

               La première réponse est cercle bleu à gauche, croix verte à droite : presque tout le monde y parvient.
               En revanche la plupart des personnes donnent pour réponse à la deuxième règle : un carré rouge à gauche et un losange jaune à droite, réponse fausse puisque la règle ne dit rien des situations qui comportent un carré rouge а gauche et ne concerne que les cas où il n’y a pas de carré rouge (et il faut rendre fausse la règle) !
    La solution était n’importe quoi, autre que le carré rouge, à gauche, et n’importe quoi, autre que le losange jaune, à droite. 

             L’évolution a sans doute créé cet heuristique car, face à une décision à prendre, et notamment face à un danger, il est souvent pire que tout que de rester sans en prendre ! Mais cela peut nous induire en erreur, alors nous devons penser à ce biais lorsque nous avons ainsi un choix à faire. (bien lire l'énoncé avant de résoudre le problème !).

    2 - Le biais de « représentativité »

             On considère en général qu’un événement (ou une personne ou un objet) appartient à une catégorie si certaines de ses caractéristiques nous apparaissent représentatives de cette catégorie. On a également tendance à ignorer des probabilités ou des faits connus à l’avance, quand on doit faire un choix ou un jugement.     

     André Didierjean nous donne deux exemples :

              Dans une urne remplie de boules., deux tiers (0,66) de ces boules sont d’une couleur et un tiers, d’une autre couleur.
              On a tiré 8 boules dans l’urne : 5 sont rouges (0,62) et 3 sont blanches.
    Dans un autre tirage de 30 boules, 17 sont rouges (0,56) et 13 sont blanches.
               Lequel de ces deux tirages vous inspire le plus confiance pour valider le fait que l’urne contient deux tiers de boules rouges et un tiers de boules blanches, plutôt que l’inverse ? »
               La plupart des gens répondent le premier parce que 0,62 est plus proche de 0,66 que 0,56. C’est faux, car la probabilité qu’un échantillon diffère de la population réelle est d’autant plus grande que l’échantillon est petit : il est donc plus probable que le premier tirage (7 boules) ressemble moins que le second (30 boules) à l’ensemble des boules contenues dans l’urne.

               Je recopie le second test :
     « On a fait passer des tests à 30 ingénieurs et à 70 avocats. On tire au hasard l’une des fiches de personnalité les décrivant brièvement.… En voici le contenu
    « Jack est un homme de 45 ans aux opinions plutôt conservatrices. C’est quelqu’un de soigneux et d’ambitieux. Il ne s’intéresse pas du tout à la politique ni aux problèmes sociaux et passe la plupart de son temps libre à réaliser différentes activités, comme le bricolage, la navigation de plaisance ou la résolution de sudokus. Selon vous, quelle est la probabilité, que Jack soit l’un des 30 ingénieurs de l’échantillon de 100 personnes ? »
                La plupart des personnes, même ayant des connaissances statistiques, ont jugé avec une très forte probabilité, que Jack était ingénieur plutôt qu’avocat lorsqu’ils ont lu la description ci-dessus, construite pour contenir des stéréotypes associés aux ingénieurs.
                 En réalité la probabilité (tirage au hasard), n’était que de 30 %, puisqu’il y avait 30 ingénieurs sur 100 personnes. »

                 Nous avons tendance à nous reposer sur seulement quelques caractéristiques « saillantes » pour prendre une décision et à nous appuyer sur des représentations toutes faites au préalable, (des stéréotypes), que l’on a, sur des événements ou des individus
                Cela a l’avantage de ne pas nécessiter un raisonnement long et coûteux et l’évolution l’a sans doute sélectionné car face à ce qui ressemble à un prédateur, mieux vaut tirer une conclusion rapide et fuir, même si, finalement, l’animal n’est pas dangereux.
               Il faut donc se demander, lors d’une décision, si nous avons tenu compte de tous les éléments qui nous étaient fournis et si nous n’avons pas appliqués des pérjugés ou des stéréotypes.

    3 - Le biais de « conjonction »

              C’est une variante du biais de représentativité exposé au paragraphe précédent.    
             L'erreur de conjonction consiste à baser son jugement sur des informations personnalisantes plutôt que statistiques.

              Voici l’exemple de l’article :
    « Bill, qui a 34 ans, est intelligent, mais sans imagination. C’est quelqu’un de très méticuleux et de très peu fantaisiste. Lors de sa scolarité, il était fort en maths, il aimait les chiffres, mais faible dans les matières littéraires. »  
            Quelles probabilités donnez vous aux avis suivants : « Bill est un médecin qui joue au poker », « Bill est architecte », « Bill joue du jazz », « Bill fait du surf », « Bill est journaliste », « Bill joue du jazz et est comptable » et « Bill fait de l’alpinisme ».

                La plupart des personnes interrogées ont donné une forte probabilité à « Bill joue du jazz et est comptable » et une probabilité faibles aux autres avis, cela parce que la description est proche des caractéristiques que l’on prête à un comptable.
              Or c’est impossible que la probabilité d’être comptable et joueur de jazz soit supérieure à celle d’être joueur de jazz qui est une catégorie plus générale qui inclus la première.
             Le biais est encore de nous fier à des stéréotypes sans raisonner suffisamment sur la situation.

               Mon article est déjà long, alors je poursuivrais l’exposé de ces biais psychologiques, dans l'article de demain.

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