• L'expérience du poisson rouge.

    L'expérience du poisson rouge.


               
    J’ai évoqué le 4 et le 5 novembre 2019, dans la rubrique Psychologie et sous le titre   "Pourquoi ne se sent on pas toujours responsables de nos actes ?" des expériences dans lesquelles des personnes allaient jusqu’à torturer (fictivement mais elles ne le savaient pas) leurs semblables, lorsqu’on leur ordonnait de le faire. Certaines de ces expériences, datant des années 60, du psychologue Standley Milgram, de l'Université de Yale aux USA, sont très connues (voir mes articles précités).
             Dans les années 70, des expériences analogues sont été suggérées pour voir si cette tendance était plus facile à admettre lorsqu’il ne s’agissait plus d’humains, mais d’animaux. Des décharges électriques ont été ainsi délivrées à un chiot, malgré ses aboiements, avant que l’expérimentateur n’arrête l’expérience.
             Milgram et d’autres psychologues ont répété ces expériences sur des hommes, avec des milliers de gens avec toujours les mêmes résultats.Ils ont montré que les participants ne pensaient pas à une simulation, mais croyaient bien (à 84 %), que les décharges infligées étaient réelles. Beaucoup des participants argumentaient parfois longtemps avec le « scienti-fique autoritaire » plutôt que de se soumettre aveuglément à ses injonctions. Ils se sentaient soulagés lorsqu’ils apprenaient que l’expérience était une simulation, et se souciaient également vraiment de l’état de santé de la victime.

              Milgram pensait que l’attitude des participants était dues au fait qu’ils « acceptaient le contrôle total d’une personne possédant un statut plus élevé. et, ils ne s’estiment plus responsables de leurs actes ». Ils sont alors « un simple instrument destiné а exécuter les volontés d’autrui. »
              Mais la consultation des archives montre que les volontaires se sentaient responsables, qu’ils n’étaient pas servilement soumis, mais négociaient leur rôle, parfois même en essayant d’aider la victime pour ne pas devoir lui administrer de décharges et, lorsque le scientifique leur donnait des ordres trop directifs, les participants étaient au contraire plus réticents à obéir.
              Les psychologues ont remarqué que les participants étaient moins nombreux à administrer les décharges si le « meneur autoritaire », n’avait pas l’air d’un scientifique ou si le lieu des essais ne ressemblait pas à un laboratoire. Ils ont émis alors l’idée que c’était peut être une trop grande confiance en une expérience scientifique qui avait dicté les compor-tements. Ils ont alors conçu « l’expérience du poisson rouge », un grand poisson rouge et blanc de 50 cm de long, dans un aquarium de 3 000 litres, mais ce n’était pas un vrai poisson mais une image, d’une apparence très réaliste. 
             Les volontaires devaient verser un produit toxique dans l’aquarium du poisson, en appuyant successivement sur 12 boutons, afin de déterminer sa nocivité dans le cadre du développement d’un puissant stimulant cognitif destiné aux personnes вgées souffrant de troubles de la mémoire, le poison ayant des effets douloureux et provoquant la mort de l’animal, si l’on allait au bout des 12 pressions.
             Un écran montrait le rythme cardiaque de l’animal, accompagné de « bips ». 
              750 personnes sont venues dans le laboratoire, où un professeur en blouse blanche leur exposait les objectifs et modalités de l’étude. 20 % ont refusé d’appuyer sur les boutons, mais 53% sont allés jusqu’à la 12ème dose.
             Les femmes injectent en moyenne moins de doses que les hommes, de même que les personnes végétariennes. Plus les individus sont empathiques, (mesurable à l’aide d’un score d’empathie basé sur des questionnaires), moins ils administrent de substance. А l’inverse, les sujets adhérant à l’idée que les animaux ont moins de valeur que les êtres humains appuient sur un plus grand nombre de boutons que les autres.
              Un questionnaire complexe a permis de déterminer le rapport des participants vis à vis de la science : les personnes « proscience » administraient nettement plus de doses du produit toxique dans l’aquarium que celles « antiscience ».
              C’est en fait en pensant aider la recherche scientifique que les les volontaires de notre expérience ont surmonté leurs réticences, neutralisé leur empathie et sacrifié un poisson en pensant réellement le faire souffrir.   
              Je pense qu’il serait nécessaire de mieux montrer au public que les scientifiques prennent beaucoup plus de précautions et évitent la souffrance des animaux de laboratoire.        

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