• J'écris, donc je suis !

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             J’ai entendu à la télévision un jeune fana du web affirmer qu'il fallait sup-primer l’apprentissage de l’écriture cursive, du fait de l’usage du clavier d’ordinateur.
    Peut être pourrait on encore apprendre à écrire à la main quelques lettres d’imprimerie (non liées) ou des majuscules.
             Cela me paraît être une énorme bêtise, mais, aux USA, 45 états ont adopté une nouvelle norme d’enseignement, dont l’écriture manuscrite est exclue. Les américains pensent que cette écriture est une tradition périmée, alors que maintenant le clavier remplace le crayon et le papier, que l’on prenne des notes ou que l’on écrive.
             Personnellement j’utilise un micro-ordinateur dans mon travail et chez moi depuis 1980 (un Apple 2) et c’est vrai que je n’utilise plus le stylo que pour signer ou pour écrire quelques adresses sur des enveloppes, ou mes listes de courses sur des post-it, ou mes cartes de Noël et nouvel an, par respect ou amitié pour mes correspondants..
             Je tape plus vite que je n’écris à la main, et pourtant je considère qu’apprendre l’écriture cursive est essentiel et que l’usage systématique de l’ordinateur pour écrire ne devrait commencer qu’au lycée (ce qui ne veut pas dire qu’on n’apprendrait pas à s’en servir, comme moyen de recherche documentaire, pour des exposés genre Powerpoint, pour traiter des photos ou des films...). Mais les prises de cours et les travaux rédigés en classe devraient être encore la plupart du temps exécutés à la main.
             Je vais expliquer sur quoi je m’appuie pour dire cela.

             Même si vous n'êtes pas professeur, vous avez surement entendu parler de la querelle "méthode syllabique ou globale" pour apprendre à lire.
             Si l’on se réfère aux études neurobiologiques, les centres de Broca et de Wernicke sont situés à gauche et ont un processus plutôt logique et d’analyse, alors que les images et donc les mots globaux sont plutôt vus par l’hémisphère droit. Bien sûr le corps calleux, faisceaux de centaines de millions d’axones, sert de passerelle entre les deux hémisphère, mais il n’est pas toujours entièrement mature vers 6 ou 7 ans. C’est pourquoi il vaut mieux commencer à apprendre à lire et écrire en méthode syllabique et quand le processus de décomposition-recomposition en syllabes est bien ancré, utiliser alors aussi la méthode globale pour reconnaître peu à peu les mots entiers.
             Bien sûr nous ne syllabons plus ensuite et notre cerveau apprend à lire les mots entiers, voire plusieurs mot qui se suivent à la fois.
             Voyons maintenant ce qui se passe quand nous écrivons.

             Si nous écrivons en lettres cursives, qui sont liées entre elles, comme nous l’avons appris jeune, nous n’écrivons pas lettre par lettre, mais le cerveau fait écrire le mot entier à la main. Essayez d’ailleurs, fermez les yeux. Vous écrirez aussi bien le mot, même s’il n’est évidemment pas bien sur la ligne. Les centres de commande de la main ont acquis un automatisme sur le mot complet.
             Si nous tapons sur un clavier, si nous avons appris à lire et écrire à la main avant, au début de l’apprentissage, nous épelons mentalement les mots (et non par syllabes). Puis nous gagnons en rapidité et nous n’épelons plus sciemment, mais les doigts tapent les lettres, les unes après les autres, inconsciemment et le cerveau retient une succession de lettre et non une image d’un mot.
             Aussi vous arrive t’il d’inverser deux lettres, alors que à la main, cela n’arrive jamais, (sauf aux dyslexiques).
             Et de temps à autre, je suis sûr qu’au clavier, vous hésitez sur l’orthographe d’un mot, et qu’alors vous l’écrivez sans hésiter à la main, car c’est la mémoire musculaire et non visuelle qui intervient alors.
             En définitive, en tapant sur un clavier, c’est de la récupération de fichier, il faut se souvenir (inconsciemment) où sont les 26 lettres dans le mot et sur le clavier (plus accents et ponctuation).                   
             Ecrire un mot à la main, c’est à chaque fois un mot nouveau, c’est faire appel à des capacités motrices beaucoup plus complexes, qui, une fois apprises, ne s’effacent pas.

             L’écriture cursive est donc une aide à la mémoire. Quand j’étais étudiant, je recopiais plusieurs fois les formules ou les définitions qu’il fallait savoir par cœur, car le temps pour faire les épreuves était limité aux concours, et savoir cela était essentiel. Le fait de les écrire me les faisait mieux retenir que si je les lisais seulement. Les centres de commande des muscles venaient aider le centre de Wernicke pour renforcer des connexions entre l’hippocampe, professeur de la mémoire, et les neurones alloués aux données et souvenirs.
             Depuis que je me sers beaucoup du clavier, (40 ans), j’ai essayé le même processus sans succès mes muscles «n’enregistrent» pas une succession de mots tapés et il faut que je repasse par l’écri-ture au crayon pour aider la mémorisation. 

             Mais bien plus, l’écriture à la main est un apprentissage de la rédaction, de l’analyse et de la synthèse.
             Pour bien exprimer sa pensée il faut trouver les mots justes, les phrases qu’il faut. Bien que ce soit un choix rationnel, il est assez inconscient, mais en fait il résulte d’un long apprentissage des enseignements primaire et secondaire notamment.
             Quel est l’apport de l’écriture ?
             Le texte sur ordinateur est perfectible à l'infini : les corrections sont faciles, invisibles (c'est le gros avantage de l'ordinateur); aussi il ne nous engage en rien, et, qu'il s'agisse du choix des mots ou de la structure de Ia phrase, cela nous donne la liberté de faire n'importe quoi. Nous nous lançons imprudemment dans une phrase sans savoir où elle va nous mener et nous finissons par nous y perdre. Mais heureusement nous pouvons tout corriger ensuite;
             L’ écriture à la main, au contraire, nous force à réfléchir davantage. Les mots sont sur la page et nous ne pouvons pas les changer sauf en faisant des ratures. Et il nous faut donc réfléchir et composer la phrase mentalement avant de l’écrire, ce qui donne des phrases plus courtes et plus claires.
             Et de la même façon que les associations d'idées liées à la réflexion suscitée par l'écriture manuscrite sont source de précision, les contraintes de l'écriture stimulent la créativité. Si l’on n’a pas appris à créer et rédiger, rien n'est plus paralysant qu'un écran blanc, justement à cause de ses possibilités infinies.
             Notre manière d'écrire a, à l’origine, une incidence sur ce que nous écrivons. Vous écrivez différemment avec une plume et de l'encre ou avec un clavier d'ordinateur. Vous pensez djfféremment, sauf si ayant appris en écrivant à la main, vous gardez au clavier les mêmes réflexes d’anticipation de la pensée et la créativité préalable. 

             Je ne suis pas contre l’usage intensif et presque exclusif du clavier, (maintenant je n'utilise presque que lui !), mais je pense qu’il n’est pas aussi générateur d’apprentissage et de mémorisation que l’écriture manuelle cursive, et que par conséquent, pour avoir les mêmes qualités qu’aujourd’hui, il faudra apprendre et utiliser l’écriture pendant une dizaine d’années, tout en apprenant à se servir du clavier, pour effectuer l’apprentissage de la mise en texte de la pensée, et qu’une fois cela appris, on pourra alors ne s’en servir qu’occasionnellement, ne serait ce que pour signer quelques documents. Cela permettra de gagner du temps grâce à la possibilité des corrections et de la mise en page.

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