• Pourrai-je un jour, me voir digérer ?

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              Les titres des journalistes, à la recherche du sensationnel, sont souvent trompeurs !
    Les biologistes ont parfois des idées qui nous paraissent saugrenues jusqu'à ce qu'ayant lu l'article, on en comprenne le sens.

             J'ai lu un titre qui disait que grâce à l'électricité on pouvait faire pousser des yeux de grenouille dans leur intestin.
               J'avoue que je me suis imaginé, regardant dans mon intestin si ma digestion se passait bien, et bien que n'étant pas grenouille – même de bénitier, ce grand coquillage des mers du Sud – cela m'a semblé bizarre comme situation.
              Ce n'est pas une blague que je vous raconte, malgré ma tendance à parfois être facétieux.

            Des scientifiques ont réussi à créer un têtard capable littéralement de se voir digérer, car l'animal en question a un œil dans le ventre.
            L'équipe du biologiste Michael Levin, spécialiste de l'évolution à l'université de Medford, Massachusetts (Etats-Unis), a manipulé les cellules abdominales du têtard de sorte qu'elles se retrouvent dans un état électrique bien précis. Ces cellules se sont alors développées jusqu'à devenir un œil parfaitement formé, et les chercheurs affirment que cela serait possible dans n'importe quelle partie de l'organisme.

                    Cette expérience constitue un grand pas en avant dans le domaine de la régénération des organes et des membres : on peut imaginer que quelqu'un qui aura perdu un bras ou une jambe aura peut-être la possibilité d'enfiler une manche spéciale qui enverra des impulsions électriques sur les cellules de la plaie pour qu'elles fassent repousser le membre disparu. Mais cela me paraît pour le moment, de la science-fiction.

                Jusqu'à présent, les spécialistes de l'évolution partaient du principe que ce sont des messagers chimiques – des molécules spécifiques - qui permettent le développement de structures biologiques comme les yeux ou les membres.
                   Déjà, l'équipe de Michael Levin était parvenue à faire repousser la queue d'un têtard en injectant du sel dans les cellules caudales afin de modifier leurs propriétés électriques.

              Je vous ai déjà expliqué, à propos de la conduction de l'influx nerveux, que les cellules sont équipées de canaux ioniques, formés par des protéines spécifiques, portes microscopiques, qu'elles peuvent ouvrir ou fermer afin de contrôler le flux, à travers leur membrane, d'ions tels que le sodium, le potassium et le calcium. Je vous ai montré que ces migrations d'ions engendrent des différences de potentiel électriques importantes dans les neurones.
                     Dans les cellules autres – sauf peut être dans les muscles, - la dépolarisation générée par la circulation de ces ions est infime, de l'ordre de quelques millivolts, mais, Michael Levin et ses collaborateurs ont découvert que ces minuscules écarts de tension entre les cellules, ont une influence importante sur leur migration et leur développement.

                Environ dix-neuf heures après la fécondation des œufs, le potentiel de membrane de certaines cellules de la tête des têtards chute à environ - 20 millivolts, et ces cellules sont situées à I'emplacement exact où apparaîtront les yeux plus tard. Par ailleurs, l'injection de produits chimiques empêchant cette baisse de tension bloque la formation des yeux.
                   L'équipe de Michael Levin a donc greffé des canaux ioniques dans certaines cellules des têtards afin de déclencher une chute de tension à - 20 millivolts. Dans toutes les zones où les canaux ont été implantés, on a observé la formation d'un œil.
                   Jusqu'alors, les chercheurs pensaient que seules certaines cellules de la tête étaient capables de générer des yeux quand on injectait dans l'organisme des protéines spécifiques qui commandent le développement de l'œil. Le potentiel électrique conditionne le développe-ment d'un œil presque n'importe où, ce qui signifie que l'électricité peut alors remplacer l'information chimique, et c'est plus facile d'agir par cette méthode.
                    L'équipe de Michael Levin a déterminé les conditions exactes dans lesquelles apparaît le potentiel de membrane et de mieux comprendre le processus qui conduit ensuite à la formation d'un œil. Les scientifiques cherchent par ailleurs à établir si d'autres organes possèdent, eux aussi, des signatures électriques spécifiques.

              A quoi peut servir en pratique cette recherche ?
                Alors que les transplantations impliquant des organes tels que le cœur et les poumons sont été menées avec succès depuis des années, celles qui impliquent des organes sensoriels, comme les globes oculaires, ne sont pas encore du domaine de la réalité, car les scientifiques n’ont pas encore compris comment les reconnecter au cerveau. Cependant, une nouvelle étude, dans laquelle des têtards aveugles ont pu utiliser des yeux transplantés sur leur queue, suggère qu’il pourrait y avoir une autre façon de restaurer la vue chez les êtres humains

              Des têtards ont appris à voir avec de nouveaux yeux greffés sur leur queue. Ces organes étaient connectés à la moelle épinière ; un médicament contre la migraine, le zolmitriptan, a favorisé de nouvelles connexions nerveuses.
             Toutefois, dans ce cas, les yeux n'étaient pas créés par méthode électrique, mais à partir d'yeux prélevés sur des embryons de têtards.

    Pourrai-je un jour, me voir digérer ?


             Des expériences ont montré que ces têtards pouvaient différencier les couleurs et suivre des images à partir de cet oeil spécial.
              Au cours de l’étude, Michael Levin a constaté que les tétardss traités ont créé de nouveaux nerfs qui ont fourni au système nerveux central une entrée sensorielle sans apporter de modifi-cations autres au système nerveux original des têtards.
             Le fait que le zolmitriptan puisse stimuler la croissance des connexions neuronales chez ces animaux suggère que les médicaments utilisés pour traiter les maladies neurologiques et psychiatriques pourraient être réutilisés  dans des procédures régénératives impliquant des greffes d’organes.

             Bien qu’il soit encore trop tôt pour appliquer ces résultats aux êtres humains, ce que cette nouvelle étude confirme, c’est la plasticité du cerveau et sa capacité à s’adapter à des changements extrêmes dans le corps, dans ce cas, des yeux reliés à la moelle épinière au lieu du cerveau.
             Bien qu'on ne sache pas comment relier des organes sensoriels au cerveau, ces résultats suggèrent qu’il n’y a peut-être pas besoin de le faire.

          Le rôle de l'électricité dans le corps humain est relativement peu étudié, hormis sur les neurones et les muscles, mais les découvertes originales et intéressantes de cette nouvelle étude pourraient bien inciter de nouveaux biologistes à se pencher sur le sujet.

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