Quelles énergies pour demain : la centrale électrique osmotique.

          On ne parle guère, en matière d'énergie, que des produits carbonés  (charbon, gaz), de l'énergie nucléaire, hydraulique et des énergies intermittentes (éolienne, photovoltaïque); un peu de la biomasse (fabrication de CH₄, de biocarburants, chauffage au bois, électricité).
         Une énergie est complètement oubliée, bien qu'elle puisse apporter une contribution intéressante : l'énergie osmotique. Elle est encore au stade d'étude industrielle et la France est plutôt en avance dans ce domaine.

Qu'est ce que l'osmose ?

          L'osmose est un phénomène physique qui intervient lorsque deux réservoirs, séparés par une membrane semi-perméable, contiennent des solutions salines de concentrations différentes. Nous prendrons comme exemple de l'eau de mer, qui contient du sel dissous (c'est à dire des ions Cl^- et Na⁺) dans un premier bac et de l'eau pure 0 dans le second (c'est à dire une concentration de sels quasi-nulle). La membrane bloque les grosses molécules, (Na, Cl), mais laisse passer les petites comme l'eau.
          Comme il y a un déséquilibre de concentration, les molécules d'eau vont migrer vers la solution saline pour faire baisser la concentration, jusqu'à ce que les deux bacs aient la même concentration.
          Si l'on applique une pression sur la solution saline, on arrive, pou une certaine valeur, à arrêter le passage des molécules eau. Cette valeur est appelée "pression osmotique".        
           La pression osmotique correspond à la pression nécessaire pour arrêter le passage d’un solvant (eau dans notre cas) d’une solution moins concentrée (ici en sel) à une solution plus concentrée à travers une membrane semi-perméable. (schéma ci-dessous).

Produire de l'électricité :

         La Norvège avait essayé d'utiliser cette pression osmotique pour faire tourner des turbines qui produisaient l'électricité.
          La centrale prototype, constituée de nombreux réservoirs, fonctionnait selon le principe suivant : on achemine vers ces réservoirs de l’eau, douce pompée dans le fleuve, et de l’eau salée, prélevée dans la mer et filtrée, puis pressurisée dans un échangeur de pression. Dans la centrale, près de 80% à 90% de l’eau douce puisée traverse la membrane de la centrale osmotique, ce débit provoquant une surpression dans le réservoir d’eau salée et y augmentant le débit d’eau. Près d’un tiers de cette eau est acheminée vers la turbine pour produire de l’électricité tandis que les deux tiers restants sont réacheminées vers l’échangeur de pression pour pressuriser l’eau de mer entrante. (schéma ci-dessous).

          En 2012, les travaux de la société Starkraft, permettaient d'obtenir 3 W par m² de membrane semi-perméable et on espérait produire 1MW en mélangeant 1 m³ d'eau douce à 2 m³ d'eau de mer, pressurisée à 12 bars.
          Mais le procédé s'est avéré beaucoup trop onéreux et limité par les capacités de ses membranes. Il a été abandonné.        

Le procédé français :

          Une société française, Sweetch Energy, à rennes, a étudié un procédé totalement différent, sans turbine,  en collectant directement des charges électriques aux bornes des réservoirs.
          C'est possible grâce à une membrane spécifique en nano-tubes de nitrate de bore qui peut être réalisée pour laisser passer soit les ions Na+, soit les ions Cl-.
           On juxtapose de très nombreux bacs, comportant alternativement des membranes perméables aux ions sodium et aux ions chlore et on les remplit alternativement d'eau de mer et d'eau douce. On obtient, d'une membrane à l'autre, un courant d'ions positifs Na+ et un courant d'ions négatifs Cl-. Les membranes, par interaction avec le nitrate de bore, se chargent en électrons générés par les interactions électrochimiques d'un bout à l'autre du module. (voir schéma ci-dessous, emprunté à la revue "Sciences et Avenir).

          Une centrale prototype a été construite sur une écluse du delta du Rhône, qui vient d'être inaugurée et fonctionne de façon satisfaisante. Elle n'a qu'une puissance faible, mais elle préfigure une centrale industrielle plus importante, capable de produire 4TWh par an, soit presqu'autant q'un réacteur nucléaire actuel.
 (voir la photo de l'écluse, en tête de l'article, et la photo ci-dessous de la centrale).

         Le coût du MWh serait compris entre 50 et 100 €, donc compétitif avec celui de l'éolien ou du nucléaire (70 € environ).
         L'investissement serait moins coûteux et ce n'est pas une énergie intermittente, mais continue.
         L'eau est intégralement restituée au milieu naturel, sans modification chimique, et seulement une baisse de température due à la récupération d l'énergie osmotique, ce qui est plutôt favorable, en cette époque de changement climatique..

          Une évaluation a été faite de l'utilisation des deltas de fleuves dans le monde; il serait possible de produire environ par ce moyen 30 000 TWh, soit 15% des besoins électriques mondiaux, d'ici 2050. C'est une énergie d'avenir.