On me demande d'expliquer, dans le cadre du changement climatique et des énergies possibles, ce qu'est la "méthanisation".
Rappelons d'abord ce que vous avez du apprendre au lycée : le méthane est le plus simple des carbures d'hydrogène, de formule CH4, quatre atomes d'hydrogène étant liées par des liaisons simples à l'atome de carbone. C'est un composé très stable, qui constitue principalement le gaz de ville que vous utilisez peut être sur votre cuisinière à gaz, et qui brûle en produisant du gaz carbonique CO2 et de l'eau H2O.
La méthanisation est un processus de décomposition de matières putrescibles par des bactéries en l’absence d’air. Ce processus est appelé « fermentation anaérobie ».
Ce procédé permet de générer de la chaleur, du biogaz composé de méthane (CH4), dans des proportions de 50% à 70%, et du dioxyde de carbone (CO2) ainsi que du compost utilisé comme fertilisant. Le biogaz peut être transformé en chaleur, en électricité et en carburant pour véhicules.
La méthanisation se produit naturellement dans les marais, du fait de la décomposition de matières végétales et animales, avec formation des bulles à la surface de l’eau.
Selon les théories scientifiques, les bactéries responsables de la méthanisation constitueraient les premiers organismes vivants apparus sur Terre, il y a plus de 3 milliards d’années, à une époque où l’oxygène n’existait pas encore dans l’atmosphère. Elles se nourrissaient de molécules organiques présentes dans leur environnement comme aujourd’hui et transformaient le gaz carbonique et l’hydrogène contenus dans ces molécules en méthane et en oxygène. C’est donc grâce aux bactéries productrices du biogaz que nous sommes là aujourd’hui, puisque c’est à elles que nous devons l’apparition de l’oxygène sur Terre.
Que peut on méthaniser ?
Des effluents liquides : eaux de rejets urbains ou industriels ; effluents d'élevage (lisiers) boues d'épuration; effluents agro-alimentaires.
Des déchets solides organiques : déchets de transformation des industries végétales et animales ; déchets agricole, substrats végétaux et déjections d'animaux ; déchets urbains (journaux, déchets alimentaires textiles, déchets verts, emballages, sous-produits d'assainissement)
Comment fonctionne le procédé ?
Les matières sont broyées et liquéfiées, puis chauffées à 70°C pendant une heure dans des cuves. Le liquide est brassé ensuitependant plusieurs dizaines de jours dans une cuve à 38°C et subit une dégradation de la matière organique par des bactéries en l'absence d'oxygène.
Enfin, le résultat est traité pour en retirer uniquement la molécule de méthane, alors odorisée et injectée dans le réseau gazier. Il est aussi possible de produire du gaz naturel pour véhicules ou un carburant automobile.
Au plan chimique, les chaînes organiques complexes (protéines, lipides, polysaccharides) sont d'abord transformées en composés plus simples (acides gras, peptides, acides aminés) par hydrolyse ; puis les produits sont convertis en acide acétique ( CH3COOH) ; enfin l’acide acétique est transformé en méthane et en gaz carbonique. Une fois méthanisée, la matière résiduelle est stockée et sert ensuite de compost en agriculture.
A noter au autre procédé physique utilisé pendant la guerre 40/45. pr gazéification de bois sous l'effet de la température (j'ai connu les camions " à gazogène équipés d'un gros bidon cylindrique dans lequel on produisait du gaz qui était ensuite brûlé par le moteur).
Ce procédé est réétudié aujourd'hui à des fins industrielles, pour la production de "méthane vert", à partir de déchets de bois.
Utilisation du méthane :
Outre la production de gaz que l'on peut mélanger au gaz naturel dans les réseaux de distribution, la méthanisation peut produire du carburant automobile, produire de l'électricité ou assurer le chauffage et la production d'eau chaude de logements (mais avec rejet de CO2).
En Europe, l'Allemagne possède une dizaine de milliers d'installations et produit près de la moitié du biogaz européen. L'Union européenne s'est fixée comme objectif de produire 380 TWh de gaz renouvelables en 2030.
En France, la filière estime son potentiel de production à 60 TWh par an à cet horizon. En France, la filière biogaz s'est développée ces dernières années grâce aux aides publiques (graphique ci-dessous), et va continuer à fortement augmenter dans les prochaines années.
Le biogaz produit par méthanisation est une énergie dont les sources sont assez uniformément réparties dans le monde. Le biogaz peut se substituer au gaz naturel dans tous ses usages actuels : production de chaleur, production d’électricité et carburant pour véhicules. Il peut donc éviter à l'Europe d'importer des milliards de mètres cubes chaque année, par gazoduc et méthaniers, tout en fournissant un revenu supplémentaire aux agriculteurs, collectivités locales et les restaurants notamment; et en fournissant un résidu utilisable comme engrais (ce qui éviterait d'en acheter), très facilement assimilable par les plantes car il est majoritairement constitué d’ammoniac, produit de la transformation de l’azote qui était contenue avant la gazéification, dans les substrats. La qualité du compost obtenu est tributaire de la nature des déchets organiques traités, mais aussi de la qualité du tri des déchets effectué au départ.
Si elle coûte généralement plusieurs millions d'euros, la construction d'un méthaniseur fait l'objet d'aides publiques. Il faut compter une dizaine d'années pour rentabiliser un site méthanier.
Les inconvénients :
Si le biogaz est une énergie renouvelable, sa production et son utilisation engendrent toutefois des rejets polluants dans l’atmosphère, notamment du CO2 et du CH4 en cas de fuite. Les 'émissions de gaz à effet de serre. restent moins importants que ceux des énergies fossiles.
Un méthaniseur génère des inconvénients pour les usagers et les riverains, dont la qualité de vie est altérée.
Pour chaque unité, il peut y avoir jusqu'à 200 camions qui passent tous les jours.
Pour éviter les odeurs, depuis 2023, les nouvelles installations de méthaniseurs en France doivent être situées à 200 mètres minimum des habitations environnantes.
Une cuve de résidus, qui déborde à la suite d'un incident technique, peut se déverser dans le sol, les rivières et les nappes phréatiques et provoquer un pic d'ammoniac, rendant l'eau impropre à la consommation.
Il faut donc continuer à étudier l’intégration des installations de méthanisation dans leur environnement, et éventuellement la possibilité de micro-méthaniseurs.
A noter que la méthanisation est dans l'incapacité de remplacer l’incinération car elle ne peut pas traiter l’ensemble des déchets actuellement incinérés. En effet, certains matériaux inertes ne sont pas détruits par la méthanisation et peuvent engendrer un dysfonctionnement du procédé.