J’ai fait plusieurs articles sur la mémoire et j’ai dit à plusieurs reprises que beaucoup de souvenirs tombaient dans l’oubli, parce que nous ne les évoquions pas souvent et que par ailleurs, même ceux qui restaient en mémoire, d’une part étaient incomplets à l’origine, mais ensuite se transformaient peu à peu.
Ces que j'ai faits en février dernier ont choqué n de mes jeunes correspondants qui a une trentaine d’années, ne veut pas me croire et me dit, par exemple, qu’il se souvient parfaitement de tous les détails de son mariage et de la réception qui a suivi.
Je veux bien le croire pour ce souvenir particulier, car les souvenirs « chargés d’émotions » se conservent mieux et qu’il doit l’évoquer souvent avec sa femme ou des amis, ce qui le conserve et le renforce, mais risque d'y apporter de petits changements..
Mais se souvient il vraiment des noms et prénoms de toutes les personnes qui y assistaient, du menu du repas, des fleurs qui ornaient la cérémonie, des vêtements que portaient tel ou tel copain ? J’en doute fort.
Les études de psychologues montrent que tous nos souvenirs peuvent être corrompus et déformés, même ceux qui nous sont les plus chers. Les grandes lignes restent exactes, mais les détails disparaissent ou s'enrichissent d'aspects inexacts ou suggérés par des photos et récits de parents ou d'amis.
Certes les événements qui touchent à nos sentiments ou ceux traumatisants s’impriment mieux dans notre mémoire et nous avons moins tendance à les oublier, mais nous n’enregistrons pas toutes nos sensations dans le détail et notre mémoire peut les transformer, car elle les « ré-enregistre » chaque fois que nous les évoquons et les modifie donc avec des détails en moins mais aussi éventuellement des détails en plus.
Ainsi je suis persuadé d’avoir des images en mémoire des lieux ou j’habitais quand j’avais 5 ans, mais je me suis rendu compte que la plupart de ces images provenaient de photos prises par mes parents. De même pour certains des petites aventures de gosse qui me sont arrivées quand j’avais 7 ans, je constate que mes souvenirs sont fait de certaines images personnelles, mais aussi de récits de mes parents ou grands-parents, que je pensais appartenir à mes propres souvenirs.
Nous pouvons même nous rappeler avoir fait (et y croire), des choses inventées de toutes pièces par notre imagination.
Ce n’est pas très grave tant que cela ne concerne que notre propre vie, mais supposez que vous soyez témoin d’un crime, vos souvenirs sont ils fiables, et une erreur pourrait être grave pour une personne accusée en raison de votre témoignage.
Lorsque peu de temps après les événements, vous tenterez de vous en souvenir dans les moindres détails, vous ferez sans doute des erreurs sur plusieurs points importants, et ces erreurs seront certainement plus nombreuses d’ici quelques jours, quelques mois, quelques années. Au fur et à mesure que nos souvenirs s'estompent, nous nous trompons de plus en plus - tout en étant certains d'avoir raison et que notre mémoire est infaillible.
Mais notre mémoire peut même être manipulée. Certaines personnes peuvent nous persuader que nous avons vécu des choses qui ne nous sont pas arrivées personnellement, ou qui même n’ont pas existé.
Les enquêtes sur certaines erreurs judiciaires ont montré que l’on peut même arriver à persuader (involontairement ou non), une personne qu’elle a commis un crime, dont elle va s’accuser.
Les policiers, persuadés à tort de sa culpabilité, ont harcelé le suspect jusqu'à ce qu’il leur dise ce qu'ils désiraient entendre. Comme le suspect ne leur donnait aucun détail, (sur ce qu’il n’avait pas fait !) ils ont décidé d'inverser Ia situation et de lui en suggérer dans des questions, et ils finissent par tellement fatiguer leur interlocuteur par leurs questions et leurs accusations, avant de lui suggérer de fausses informations, que la personne finit par douter d’elle même et par admettre par lassitude, ce comportement criminel.
L’innocent doute de lui même, finit par admettre sa culpabilité et son imagination reprend les informations des policiers et comble les détails manquants.
C’est évidemment d’autant plus facile que la personne a déjà du mal à se souvenir, par exemple parce qu’elle était ivre ou droguée.
Les témoins et les victimes sont autant susceptibles que les suspect, de mal se souvenir de certains événements. Des études ont montré que 70% des personnes condamnées injustement et innocentées ensuite par leur ADN, ont été condamnées en raison d,une erreur d’identification par la victime ou par un témoin.
J’ai déjà cité dans d’autres articles, des erreurs qu’on faites involontairement des thérapeutes qui avaient psychanalysé et implanté, sans le vouloir de faux souvenirs dans la mémoire de leur patient. Ayant fait une hypothèse sur la maladie de leur client, et sur les raisons de leurs problèmes psychologiques, à force de leur poser des questions, certaines étant presque des suggestions, et de leur demander d’imaginer des scènes qui auraient dû provenir de leur mémoire, ces thérapeutes avaient fini par faire accepter leurs idées à leurs patients. Ceux ci avaient fini par vraiment se persuader d’avoir subi les traumatismes supposés et leur état psychologique s’en était forcément aggravé.
De nombreuses études de psychologie sont faites pour tester ainsi notre mémoire, et elles ont toutes révélé que celle-ci n’était pas parfaitement fiable, et que d’autre part on pouvait volontairement implanter de faux souvenirs chez des personnes « cobayes » de ces expérimentations.
Notre mémoire est un outil très important, c’est la moitié de notre intelligence, car c’est sur elle que repose la plupart de nos réflexions. C’est elle qui fournit aussi à notre imagination, des éléments crédibles pour construire l’avenir, l’irréel, ou l’invention.
Mais lorsque nous lui demandons un témoignage, il faut nous méfier d’elle et cela d’autant plus que nous vieillissons et que le souvenir est lointain.
Elle peut alors mélanger les événements réellement passée à d’autres que nous avons engrangés à d’autres circonstances (images, récits) ou même que nous avons imaginés de toutes pièces.
Et nous croyons mordicus, que ce souvenir bâtard est réel et véridique !