Iseult le plus grand appareil IRM au CEA Saclay
Il m’arrive souvent de me demander ce que je vais faire comme article. Souvent je réponds à des questions que me posent des lectrices ou lecteurs, lorsque le sujet peut intéresser un certain nombre de personnes. Je résume aussi souvent des articles que j’ai lus dans des revues scientifiques.
Un de mes fidèles lecteurs m’avait suggéré d’expliquer comment fonctionnait une IRM (imagerie par résonance magnétique, utilisée dans les hôpitaux.). C’est en fait très complexe et j’ai hésité à aborder ce sujet. J’espère que ce ne sera pas trop obscur et que vous ne serez pas trop fatigués en fin d’article.
En effet, dès que l’on aborde des sujets qui dépendent de la mécanique quantique, tout se passe dans des équations mathématiques, mais on ne sait plus ce qu’est la réalité physique, dans un domaine où on ne peut plus faire des observations classiques sans perturber le système qu’on observe.
Pour expliquer comment fonctionne l’IRM, il faut pourtant que je parte de la notion de spin des particules et atomes.
J’ai fait, le 27 juin 2024 un article où j’expliquais ce qu’était le spin d’une particule. Je vous y renvoie pour plus de détail.
Les particules qui constituent les atomes, lorsqu’on étudie leurs mouvements, ont un moment magnétique et un moment cinétique qui sont confondus. On l’appelle le spin .
Tout se passe comme si la particule se comportait comme un petit aimant qui tournerait sur lui même. En fait on ne sait pas bien ce qu’est réellement le spin d’un point de vue phénomène physique analogue à ce que nous connaissons en mécanique classique. Mais cette notion introduite dans les équations complexes de la mécanique quantique a permis d’élucider de nombreux phénomènes : structure des cortèges électroniques des atomes (reflétée dans le tableau de Mendeleïev), l'impénétrabilité de la matière solide, la conductivité électrique des métaux, la lumière laser, l’IRM etc.
Je conserverai néanmoins cette analogie mécanique pour mes explications.
Vous avez surement tous joué, étant enfant, avec une toupie que l’on fait tourner sur elle même. Lorsque la vitesse de rotation ralentit, du fait du frottement sur le sol de la pointe de la toupie, l’axe de rotation se met à tourner autour de la verticale. Avec le frottement, la vitesse de rotation diminue, l’angle avec l'axe augmente, puis la toupie tombe sur le coté. Ce mouvement s’appelle la précession de Lagrange. (Voir la figure de gauche ci-dessous).
Placé dans un champ magnétique, une particule (figure de droite) se comporte un peu comme la toupie Son axe de rotation tourne lui-même autour d'un axe et décrit un cône (une précession), mais, alors que l’axe de la toupie pivote autour de la verticale, le noyau, qui se comporte comme un aimant élémentaire, tourne autour de l'axe du champ magnétique. Ce dernier crée un couple qui tend à redresser le spin du noyau (flèches roses sur la figure).
La fréquence de cette précession (en nombre de tours par seconde) peut être calculée. Pour un proton, le noyau de l’atome d’hydrogène, dans un champ magnétique de 1 tesla (champ magnétique voisin de celui des aimants d’IRM d’hôpitaux), elle est de 42,57 millions soit 42,57 Mhz. (Une fréquence d’onde radio).
Ce phénomène est à la base de l’IRM, car il permet de mesurer la concentration d’atomes d’hydrogène, présents à un endroit, dans notre corps, ainsi que des informations sur la nature des fluides et des tissus dans lesquels il se trouve.
Individuellement, le signal d’un noyau d’hydrogène est bien trop faible pour être détecté. Mais les moments magnétiques de très nombreux noyaux s’additionnent et la fréquence de précession dans un champ magnétique uniforme est donc la même, pour l’ensemble des protons et on peut alors la détecter et agir sur elle.
Prenons un peu d’eau : un mm3 contient presque 1020 atomes d’hydrogène. Les spins des atomes d’hydrogènes sont orientés dans tous les sens et il n’y a aucun magnétisme.
Plongeons maintenant le liquide dans un champ magnétique uniforme : les spins effectuent une précession autour de ce dernier.
Les interactions avec l’environnement introduit un frottement qui, comme pour la toupie, se traduit par une précession qui diminue, et les spins ont tendance à s’aligner avec le champ magnétique. Même si, dans un champ de 1 tesla à la température de 37 d° du corps humain, seulement 1 spin sur 300 000 environ s’aligne, vu le nombre d’atomes d’hydrogène, cela produit un signal d’aimantation macroscopique mesurable.
Soumettons l’eau à une fréquence radio correspondant à la fréquence de précession.
Il se produit un phénomène de résonance, (d’où le nom d’imagerie par résonance magnétique). L’énergie de l’onde est absorbée, l’aimantation commence à basculer, à s’éloigner de la direction du champ magnétique jusqu’à se retrouver dans la direction opposée, puis se réaligne progressivement et on a ainsi une suite d’ oscillations.
Dans un appareil d’IRM, on applique l’onde juste assez longtemps pour que l’aimantation bascule à a perpendiculaire du champ magnétique. Cette rotation produit elle-même une onde électromagnétique qu’il est possible de détecter avec des antennes, qui sont des bobines placées autour de la zone où se trouve la personne et l’organe à observer. On observe une décroissance très rapide de l’aimantation dans le plan perpendiculaire au champ magnétique et une croissance plus lente de l’aimantation dans la direction du champ, jusqu’à retrouver l’aimantation de départ.
C’est ce qui va permettre de distinguer le sang, les tissus, les graisses, les os…
Le champ magnétique utilisé dans la majorité des IRM en France est de 1,5 tesla.
Un très gros appareil d’IRM a été mis en service au CEA à Saclay, Iseult dont les aimants produisent un champ de 11,7 teslas (ils font 5 mètres de diamètre, de long et pèsent 132 tonnes). Il a donné, début 2024, les premières images d’un cerveau humain avec une résolution inégalée, de l’ordre du millimètre.
ci-contre l'amant d'Yseult : comparez sa taille à celle de l'homme devant lui.
La résonnance magnétique apporte donc une méthode de détection des caractéristiques d’un élément du corps humain, mais cela ne suffit pas pour faire une image, car on ne sit pas où l’on est exactement. On a une détection globale.
On superpose alors au champ magnétique puissant, un champ plus faible, mais qui dépend de la position : trois jeux de bobines créent des champs qui croissent lorsqu’on se déplace dans une direction et restent constants dans les directions perpendiculaires. On les appelle "bobines de gradient" (voir schéma ci-dessous)
Avec ce champ supplémentaire, la fréquence de précession de l’aimantation n’est plus identique dans tout l’échantillon : la résonance et le basculement des spins ne se produisent que dans un même plan. En changeant la fréquence de l’onde radio, on sélectionne des plans distincts, comme si l’on découpait le sujet étudié en tranches.
En faisant varier la direction du champ supplémentaire, on peut ainsi faire des mesures dans trois séries de plan parallèles orientés selon les trois axes x, y, z.
Un logiciel permet de recouper les données des trois séries de plans et d’obtenir des images locales (comme on le fait dans un scanner).
J'espère que mes explications n'ont pas été trop fumeuses et que vous avez pu suivre.
Vous pourrez y penser et demander des explications au technicien si vous passez une IRM.