L'usine de traitement des déchets d'Ivry.
Si nous ne voulons pas avoir un dérèglement climatique catastrophique, il faut réduire nos émissions de gaz à effets de serre, et notamment le dioxyde de carbone CO2.
Trois pistes principales :
- réduire notre consommation d’électricité et de chaleur (ou limiter son augmentation);
- décarboner les industries et notamment la production électrique;
- lorsque l’on émet du CO2, le capturer, le stocker ou l’utiliser à des fins chimiques.
C’est de ce troisième objectif dont je voudrais parler en trois articles : aujourd’hui, je traiterai le cas de déchets que l’on brûle, demain des méthodes de captage utilisables dans des industries très émettrices ; cimenterie, chimie, production d’aciers et d’aluminium, et du stockage et de la réutilisation du CO2;
Comment traite t’on actuellement les déchets ?
Le problème est complexe car les déchets sont multiples : ils peuvent être classés selon leur nature (dangereux, non dangereux), leur provenance (déchets ménagers, industriels ou agricoles), la façon dont ils sont collectés (collecte par la commune, apport dans les déchèteries ou centres de tri, etc.) ou encore leur devenir (installation de stockage de déchets non dangereux, incinération, recyclage, compostage etc.).
Il est intéressant de savoir qu’en 2021, en France, les matières mobilisées pour la consommation représentaient, (d’après l’ADEME), 737 millions de tonnes se répartissant selon le graphique ci dessous. La part des industries BTP m’a étonné.
Les déchets générés ont représenté 315 Mt. Les déchets dangereux 11 Mt, sont produits principalement par les entreprises. Les déchets de construction sont la plus grande part : 213 Mt, les déchets des activités économiques représentent 64 Mt et les déchets ménagers 34 Mt dont 20 Mt pour les ordures ménagères (déchets alimentaires 31 %, papiers 16 % , plastiques 11 %, papier et textiles sanitaires 10 %, verres 6 % métaux 3% textiles 2 %) et 14 Mt collectés dans les déchetteries et les encombrants. Chaque Français a produit 500 kg de déchets ménagers.par an
Une grande partie des déchets du BTP sont réutilisés comme remblais; une partie importante des déchets des ménages est enterrée et environ 12 Mt seulement ont incinérés.
Le procédé le plus courant pour le traitement thermique des déchets, consiste à les brûler grâce à de l’air introduit en excès (plus exactement grâce à l’oxygène de l’air).
Une usine d’incinération comporte les postes suivants :
- Stockage et introduction des déchets,
- Four de combustion,
- Système de refroidissement des fumées et de valorisation énergétique,
- Dispositifs de traitement et évacuation des fumées,
- Récupération des sous-produits
L’incinération est un procédé bien connu relativement simple à mettre en œuvre. Elle s’adapte à toutes sortes de déchets, dangereux et non dangereux, solides et liquides etc.
Mais , les performances de la valorisation énergétique (rendement électrique notamment) sont faibles, et elle demande des excès d’air élevés qui conduisent à des volumes de fumées importants dans lesquelles le CO2 est très dilué, ce qui va gêner son captage. Les émissions générées par 1 tonne de déchets urbains s’élèvent à environ 1 tonne de CO2
Des procédés d’oxycombustion ont été étudiés : l’air est remplacé par de l’oxygène pur à 95 %.et la température de combustion est plus élevée.
L’oxycombustion est déjà mise en œuvre par certaines industries fonctionnant à haute température (verreries, cimenteries, usines de métallurgie) car celle-ci apporte un certain nombre d’avantages : diminution du volume des fumées grâce à la suppression de l’azote de l’air et moins de pertes thermiques dans ces fumées; réduction des émissions polluantes notamment oxydes d’azote ou dioxines.
Le captage du CO2 constitue la principale motivation de développement de l’oxycombustion. Les recherches actuelles portent principalement sur la mise en œuvre de l’oxycombustion pour des centrales thermiques de production d’électricité à partir de charbon.
Plus l’oxygène utilisé pour la combustion est pur, plus les fumées de combustion se rapprochent d’un mélange binaire H2O/CO2, la principale étape du captage de CO2 consistant alors à condenser l’eau.
Le procédé est par contre plus coûteux d’une part parce qu’il faut fournir de l’oxygène et d’autre part parce que les températures élevées dans les chaudières nécessitent des matériaux réfractaires coûteux dont la durée de vie est plus faible.
Un autre procédé utilisé est la pyrolyse, qui consiste à décomposer la fraction organique des déchets par un traitement thermique à température modérée (entre 300 et 600°C pour le bois, les plastiques, etc.) en l’absence d’air ou sous une atmosphère réductrice (pourcentage de dioxygène inférieur à 2%).
Elle produit des volumes gazeux plus faibles, ce qui réduit donc la taille des installations, et une réduction du transfert de polluants (N, S, Cl, métaux lourds, etc.) vers la phase gazeuse car le procédé est mis en œuvre à des températures de pyrolyse plus faibles et en absence d’air.
Elle produit aussi des déchets solides carbonés (coke) que l’on peut brûler ensuite, et des goudrons que l'on peut brûler ou traiter chimiquement pour réutilisation..
Les produits issus de la pyrolyse de ces déchets peuvent être gazéifiés, c’est à dire dégradés thermiquement par oxydation partielle en présence d’un mélange oxygène, eau, dioxyde de carbone. On obtient un mélange gazeux combustible composé principalement de monoxyde de carbone, méthane, hydrogène, dioxyde de carbone et de vapeur d’eau..
Il peut servir de matière première dans l’industrie chimique ou être brûlé pour produire de l’électricité grâce à une turbine à gaz, couplée à une turbine à vapeur.
C’est au Japon que les unités de gazéification de déchets (ménagers, dangereux etc.) sont le plus développées. Des installations sont également implantées dans un certain nombre de pays européens (Allemagne, Grande-Bretagne, Pays-Bas, Finlande, Islande, Hongrie...), au Canada, aux Etats-Unis, etc. En France, une unité de gazéification est prévue dans les Landes, à Morcenx.
Néanmoins, la gazéification est plus complexe à mettre en œuvre et demeure plus coûteuse, que la combustion.
Un autre procédé peut être utilisé pour oxyder ce gaz dans une boucle thermochimique. Cette technologie de combustion a été essentiellement étudiée pourdes combustibles gazeux depuis la fin des années 1990.
La combustion en boucle chimique est le plus souvent mise en œuvre au sein de deux lits fluidisés interconnectés (figure ci-contre). Le premier est un réacteur de combustion dans lequel le combustible à traiter est injecté et réagit avec l’oxygène porté par un métal. Le deuxième est un réacteur à air, appelé aussi réacteur de régénération), dans lequel le métal est ré-oxydé. Un mélange de CO2 et d’eau facilement séparables est formé, ce qui permet le captage du CO2, et par ailleurs celui des oxydes d’azote.
Je parlerai dans un autre article, d’un autre procédé, étudié principalement pour capter le CO2, dans les usines à forte consommation thermique (aciérie, cimenterie, production d’aluminium, usines chimiques, et du stockage et de la réutilisation du CO2;.