• Un monde imaginaire dont on a perdu la clé.

              Je vois souvent autour de moi des ados tristes, bien qu'ils ne soient pas dépressifs, et qui vivent dans un monde irréel et ne peuvent en sortir.
             
    Par le passé l'un d'entre eux m'avait dit : “...je suis dans une cage de verre dont j'ai perdu la clé.”
              Ce n'est pas facile de répondre à cette question car chacun est un cas particulier : son environnement familial, ses camarades, sa propre personnalité influent sur ses comportements et il faut donc étudier chaque cas.

              Je peux cependant essayer de donner quelques idées générales sur ce sujet.
              Mais cela repose sur une notion un peu difficile : le différence entre l'imagination et le fantasme. Alors pour mieux vous faire comprendre je vais vous donner deux exemples.

              D'abord, étant petit(e), il vous est sans doute arrivé d'avoir un “doudou”, une poupée ou un ours en peluche. A quoi vous servait il.?
              Au début de son développement, l'enfant ne fait pas la différence entre le monde extérieur et son monde à lui, intérieur. 
              Il est dans une « phase d'omnipotence » où il a l'illusion que ses moindres pensées et désirs façonnent le monde extérieur. S'il pleure, sa mère accourt et lui donne à manger: ses moindres envies se réalisent. La frontière entre le monde de ses désirs et celui de leur réalisation n'existe pas pour lui.

              Progressivement. toutefois. cet enfant découvre que la réalité n'obéit pas toujours aux règles de son monde intérieur : sa maman n'accourt pas toujours immédiatement pour satisfaire ses désirs : il se rend compte que sa mère a son existence propre, distincte de la sienne.
              Cette découverte est stressante et l'enfant recourt à un objet le doudou , le nounours, la poupée, pour apprivoiser cette nouvelle réalité et pour calmer son angoisse face au monde qui ne lui obéit plus. Cet objet est doté d'une charge affective, et peut encore être contrôlé par l'enfant qui va « modéliser » sa relation avec sa mère ou avec d'autres personnes.    
              L'enfant par exemple, va battre son doudou s'il est fâché à cause d'une décision sévère de sa mère, ou jouer au docteur avec lui s'il a été malade.
              Cet objet est alors bénéfique et l'enfant utilise son imagination pour le mettre en scène dans des situations qui ressemblent à celles de la réalité.
             
    Mais l'enfant peut aussi se réfugier entièrement dans son attachement au doudou qu'il ne peut plus quitter un instant et qui est alors son monde à lui, distinct de la réalité, où il va vivre des histoires détachée de la vie réelle. C'est alors un fantasme.

              Deuxième exemple celui d'un ado qui joue sur son ordinateur à un jeu de rôle.
             
    Certes il n'est pas dans un monde réel mais les aventures qu'il va avoir ressemblent à celles de la réalité et il va essayer de résoudre les problèmes qu'elles posent en faisant preuve d'imagination. C'est une activité mentale de réflexion et d'organisation qui pourra ensuite réagir sur des situations de la vie réelle (comme un apprentissage par la simulation).

              Supposons maintenant que l'adolescent ne prenne plus cela pour un jeu mais ne se sente bien qu'immergé dans ce monde quelles que soient les situations, qu'il ne cherche pas vraiment à vivre, à imaginer. Il passe sa vie dans ce monde virtuel d'ordinateur.
              C'est devenu un fantasme qui ne mène plus à l'imagination et à l'action : ce n'est plus qu'un exutoire. L'ado fuit le monde réel pour se réfugier dans son monde artificiel.
              Ce n'est pas forcément un monde virtuel. Ce peut être un monde philosophique, religieux, l’identification à un personnage de manga ou de série télévisée, un monde d'apparence vis à vis des autres (j'ai connu quand j'étais jeune des “zazous” aux vêtements , à la coiffure, aux bijoux et aux fards plutôt originaux, qui vivaient cette situation comme une philosophie ou une religion, complètement coupés de leurs camarades qui n'avaient pas les mêmes “convictions”),....

              Ce monde irréel devient pour l'ado la cage de verre dont il a perdu la clé.

              En fait cette fuite dans un monde irréel a une raison générale : le refus d'abandonner son “fantasme d'omnipotence” comme l'appellent les psys.'
             
    Ce “sentiment d'omnipotence” c'est effectivement ce que ressentait l'enfant au début de sa vie, comme nous l'avons dit plus haut.

              Pour l'ado, c'est quelque chose de plus précis, des raisons multiples qui font qu'il ne peut plus satisfaire rapidement tous ses désirs comme il le voudrait (pour des raisons diverses : un des parents qui ne s'occupe plus de lui, pas assez de tendresse, pas de “reconnaissance” des camarades, problèmes avec les professeurs, enfant trop gâté ou au contraire,manque de ressources,….). Chaque cas est particulier.
              Mais l'ado se réfugie alors dans son monde imaginaire, son fantasme, où ses désirs peuvent théoriquement être satisfaits, puisque ce n'est pas un monde réel, mais un monde de rêve
              Il croit par exemple dans ce monde où il se donne une apparence originale qu'il se fait remarquer et a l'estime qui lui manque, sans s'apercevoir que cette attention ne touche guère que ceux qui ont le même fantasme que lui, et en fait au lieu de s'intégrer dans la vie, il s'isole dans un monde de plus en plus étroit et loin des réalités.

              C'est finalement une “dépendance”, et il est difficile pour cet ado  de revenir aux contraintes matérielles de la vie réelle de tous les jours.
             
    On ne peut pas être dans la vraie vie, un personnage de manga, beau, intelligent, spirituel, fort, qui a du succès auprès des autres ou en amour.

              Alors l'ado refuse d'abandonner son “pouvoir d'omnipotence” et il retourne dans son monde imaginaire où il peut satisfaire ses désirs, (du moins il le croit), ce qui va entretenir le cercle vicieux de la dépendance.
              Il faut dire que la société de consommation aide cette fiction maléfique : voyez les nombreux jeux d'ordinateur, les films tels que “Matrix”, les mondes virtuels tels que “second life” ou la multitude de gadgets, vêtements, cd, livres... hors de prix pour se constituer une réputation de “soi-disant gothique”, analogue aux zazous que j'ai connus dans ma jeunesse.     

              Ce ne serait pas grave, si cela ne gâchait pas la vie de nombreux jeunes.

     

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