• Nos apprentissages.

        Je vous ai décrit succinctement ce qu’était le système de récompense de notre cerveau et mon dernier article portait sur l'apprentissage du bébé.. Je n’ai pas toujours été assez clair et j’ai laisssé des points dans l’ombre pour ne pas compliquer, et du coup, j’ai reçu plusieurs mails avec des questions. Je voudrais être plus concret et vous donner quelques exemples de fonctionnement de ce système.
        

        On trouve de nombreux écrits sur l’apprentissage de connaissances par l’homme, les méthodes et les mécanismes. De quoi remplir de nombreux articles.... et vous casser les pieds. Alors je vais me limiter à quelque chose de simple : l’apprentissage de l’utilisation de ses membres par un bébé.
        Puis nous réfléchirons à généraliser un peu cet exemple.

        C’est un enfant de quelques mois. Sa vue est devenue à peu près normale, mais il ne voit pas encore très distinctement au loin, mais jusqu’à quelques mètres, c’est parfait. Son toucher s’est développé et il sent parfaitement  de ses dix doigts les objets avec lesquels il entre en contact.
        Son cerveau est relativement bien formé; il a même trop de neurones et surtout trop de connexions, mais sa mémoire est presque vide et  son cerveau a presque tout à apprendre.

        Et c’est là que vont intervenir les centres de récompense et de punition, en tant que centres d’apprentissage. Leur rôle va être d’aider le cortex et le cervelet à acquérir des automatismes. Cela va commencer par l’usage de nos membres et surtout de nos mains.
        Le cerveau a, au départ, un certain nombre de “cablages” qui ont été réalisés par nos données génétiques : je vous ai décrit très succinctement les centres qui permettent au cerveau de “mesurer” l’état de nos muscles, de leur position, de leur tension, de leur fatigue, et puis les centres moteurs sur le dessus du crâne qui permettent de commander les mouvements.(voir mon article précédent du 27 mai 2019).
        Les ordres qu’ils donnent passent en particulier par un centre du cerveau émotionnel, le striatum, qui est relié aux centres de la récompense.

        Le cortex de bébé sait aussi de façon innée, avoir un minimum de raisonnement et de prise de décision.
        Tous ces mécanismes sont en grande partie inconscients. La partie consciente est partiellement instinctive : bébé a envie d’attraper des boules de couleur qui sont suspendues au dessus de son berceau dans un fil élastique, il lance un processus qui va lui permettre de la faire mais il ne se dit pas :" je vais attraper ces boules, il faut que je bouge ma main"... Ce raisonnement n’est possible qu’avec l’acquisition du langage.

        Alors que fait le cerveau de bébé. : il veut attraper la boule rouge, ses yeux se fixent dessus. Son cortex préfrontal et son thalamus (qui coordonne nos sens et donc la vue) avertissent l’ATV qui émet un peu de dopamine. Les centres connexes sont avertis qu’on est en train de “faire une expérience” et ils attendent la récompense.
        Le cortex préfrontal et les centres moteurs, via le striatum, guident le mouvement de la main vers l’objet.
        Mais les centres du cerveau (à l’arrière du crâne), qui interprètent la vision, savent un peu détecter les mouvements mais pas bien encore la profondeur, la distance (qui est une interprétation par le cerveau des différences  de vision entre les deux yeux). Alors la main de bébé passe devant la boule et ne l’attrape pas.
        L’ATV est mise au courant de l’échec et supprime la dopamine : c’est une punition. Le cortex préfrontal est averti; il relance l’opération et cette fois bébé touche la boule mais n’arrive pas à l’attraper. L’ATV devant ce demi échec, mais qui est aussi une demi réussite, augmente un tout petit peu le taux de dopamine.
        Le cortex préfrontal et le cerveau émotionnel de bébé sont contents de ce fait (la récompense ou le plaisir) et on fait une autre tentative : si cette fois elle réussit, le taux de dopamine augmentera nettement la récompense !.
    Bébé et son cortex seront heureux et il arrêtera son jeu, avec l’idée de la réussite obtenue.
        Mais le cortex préfrontal aura retenu la leçon, l’aura transférée dans des connexions entre neurones (la mémoire) et la prochaine fois il repartira de ces données pour améliorer son processus.
        Puis quand ce processus, d’essai en essai, d’échecs en réussite, se sera amélioré suffisamment, il transfèrera tout le processus dans les neurones du cervelet. Cela deviendra un automatisme (notre “mémoire procédurale”) et le cortex pourra s’intéresser à une autre mise au point.

        Au lieu de bébé, voyons maintenant Ikéa, jeune fille de 18 ans qui apprend à conduire. Elle doit faire un créneau pour garer sa voiture.
        Le processus est le même que pour bébé, sauf qu’à 18 ans, en principe, elle sait parler et son cortex préfrontal a appris à réfléchir consciemment à l’aide du langage.
        Alors au lieu de faire des gestes sur des ordres presque inconscients du cortex, celui ci raisonne : il faut que je tourne mon volant dans tel sens, je suis à telle distance du trottoir....
        Mais si je cogne le trottoir ou horreur!, que je monte dessus, pas de dopamine : pas de récompense mais la punition, et on recommence  le geste ou la manoeuvre ; et en cas de réussite , davantage de dopamine et le sentiment d’avoir réussi.
        Mais là encore, les procédures mises au point, le cortex préfrontal en transfère le maximum au cervelet. Certes il réfléchira encore lors d'une manoeuvre complexe, mais les changements de vitesse, l’utilisation de l’embrayage et du frein, les mouvements de volant pour corriger un peu la trajectoire, seront devenus des automatismes pour lesquels le cervelet se débrouille seul et le cortex préfrontal ne s’en occupe plus.
        C'est d'ailleurs comme cela qu'en conduisant et en parlant dans la voiture à son voisin avec lequel on va au cinéma, on se retrouve inconsciemment sur le chemin du bureau qu'on emprunte tous les matins de la semaine !! Le cervelet est comme un ordinateur : pas intelligent : il applique un programme.

        Alors maintenant, je vais essayer de répondre à une question plus difficile : le plaisir s’apprend il ? Oui certes.
        Si tu manges un plat, tu as les odeurs du met qui chatouillent tes narines. Or le septum est relié aux centres de sensation olfactive et donc il s’attend à avoir un résultat et en liaison avec les autres centres,un peu de dopamine circule.
        Manque de chance, le met a une odeur qui ne te plaît pas. Je suppose que c’est du choux de Bruxelle, odeur que personnellement je n’aime pas. Dès que les centres de récompense savent cela, indignés, ils arrêtent la dopamine.
        C’est au contraire une bonne odeur de lapin à la moutarde. Déjà le taux de dopamine augmente, et quand je mangerai le morceau, les sensations olfactives renforcées et gustatives des papilles de la langue enverront des signaux positifs et le taux de dopamine augmentera encore, renforçant les connexions entre neurones; et via  "l'aiguilleur de la mémoire”, l'hippocampe, l’odeur, la saveur, l’image de ce que tu manges seront mémorisées avec le souvenir de l’intensité de la récompense, de la satisfaction obtenue.
        C’est ainsi que se forme le goût. Associations en mémoire d'odeurs, de saveurs et de plaisir, lié à la récompense.
    Et tu saliveras de plaisir rien qu'à la phrase ou à la vue sur un menu de "lapin à la moutarde" (sauf si comme ma petite fille, tu élèves un lapin !! LOL)
       
        Par contre là où je n’ai pas d’explication, c’est pourquoi tu aimerais un gâteau à la cannelle et moi pas ?
       Nos parents certes nous ont plus ou moins formés le goût. Puis nous avons eu des expériences malheureuses  (indigestion, gastro...) qui nous ont dégoûtés de certains plats, de certaines odeurs en créant des blocages au niveau de notre cerveau émotionnel.
        Il y a ensuite toute notre éducation “personnelle” au cours de notre vie, seul ou avec des amis.
        Mais pourquoi la première fois qu’on connaîtra une saveur, une odeur, pourquoi celles ci plaîront plus à l’un qu’à l’autre.? Probablement une réaction à un mélange d’arômes et de saveurs élémentaires qui plaît davantage à notre mémoire, mais nous n’avons pas conscience de cette analyse.
        Et là encore il s’agit d’un plaisir simple, relativement physiologique.
        Déjà pour la musique, la chose devient plus complexe : paroles, sons, harmonie, mélodie, émotion; mélange dont notre cortex préfrontal, si “intelligent” soit il, ne sait pas faire l’analyse précise. Mais il est certain que notre oreille fait une sorte d’analyse de Fourier des sons et que par exemple nous sommes habitués à une harmonie occidentale et qu'une harmonie orientale, très différente, nous paraît, au prime abord, dissonante et désagréable. 
        La lecture c’est pire encore, car on touche à la pensée !
        Et savons nous vraiment pourquoi l’être aimé nous plaît ?

        Donc je réponds en Normand : l’appentissage du plaisir certes oui cela existe et on peut avoir une grande influence que ce soit en tant qu’éducateur ou sur le plan de nous même, mais pourquoi certaines choses nous plaisent elles, (différemment de l’un à l’autre) je n’ai pas trouvé dans les bouquins de neurologie ou de psychologie d’explication qui me satisfasse.

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