• Les encres invisibles, dites "sympathiques", au XVIIIème siècle.

    les encres invisibles, dites "sympathiques"

             Qui d’entre nous n’a pas, quand il était enfant, et avec l’aide d’un parent ou grand-parent, utilisé de « l’encre sympathique ».
             Pourquoi d’abord appeler « sympathique » de l’encre invisible, tant qu’on n’a pas fait subir un traitement au papier sur lequel elle a servi à écrire ?
             Sympathique, en français dans le langage courant, le mot « sympathie » a conservé son sens étymologique, issu du grec sumpatheia, « affinité naturelle ». Quelqu’un de sympathique est quelqu’un pour lequel on ressent une certaine affinité.
             En anglais le sens est différent car il a un sens de compassion, par exemple exprimer sa sympathie pour des condoléances.
            Mais sympathique, c’est aussi « qui agit indirectement ». C’est par exemple une note de musique qui peut être émise par un instrument, alors qu’on en joue une autre « par sympathie ». L’encre sympathique est donc une encre qui ne permet pas de lire directement, mais indirectement, après révélation.

            Quand j’étais enfant j’ai écrit pour m’amuser, avec bien des produits
                 • du vinaigre, devenant rouge une fois chauffé.
                • du jus de citron, donnant une couleur brun-roux une fois chauffé.
                • de l'oignon pressé, devenant jaunâtre une fois chauffé.
                • du jus de cerise, donnant une couleur verte une fois chauffé.
               • du lait, qui devenait noirâtre une fois chauffé.
           J’ai reçu aussi quelques claques pour m’être fait des taches sur mes vêtements !
           Mon grand-père m’avait expliqué que le brunissement accéléré du papier imprégné par le jus de citron ou le vinaigre, est dû à l'altération de la cellulose du papier par l'acidité de ces produits, une réaction se produisant sous l’effet de la chaleur.
          J’ai lu depuis une explication plus générale : la température de combustion du liquide utilisé comme encre est plus basse que celle du papier. La chaleur déclenche une réaction d’oxydation de l’encre dont la couleur se modifie.

             J’ai lu récemment dans la revue «Pour la Science » un article de Kristie Macrakis, professeur d’histoire technologique à l’Institut d’Atlanta, et j'en tire quelquees anecdotes sur les encres invisibles.

             Des encres sympathiques au cobalt auraient été utilisées pendant la guerre de 14/18 par les allemands pour sécuriser leurs messages.
             Ce type d’encre était connu sous le nom « d’encre d’Hellot », le chimiste Jean Hellot, qui s’était intéressé à des minerais de cobalt, bismuth et fer et qui faisait des recherches sur les encres invisibles; il avait fait en 1736 un article dans le journal de l’Académie Royale des Sciences à Paris. Mais lui même indiquait dans cet article qu’un artiste allemand avait déjà fait un exposé sur ces encres.
            Il semble même que la découverte soit plus antérieure, due, en 1705, à une chimiste allemande connue sous les initiales DJW, et qui serait probablement Dorotea Juliana Wallich. En solution le chlorure de cobalt était rose pâle et son encre très peu visible, mais à la chaleur, le écritures devenaient vertes.
             En solution, les molécules d’eau remplacent les ions chlorure et forment avec le cobalt un complexe rose pâle. Cette solution ne se voit pas à l’œil nu lorsque le papier est sec. Sous l’effet de la chaleur, l’eau sort du complexe et les ions chlorure agissent sur le cobalt et formant une structure anhydre d’un bleu intense.

           Jean Hellot a établi à l’époque, une classification des encres invisibles, qui pouvaient être révélées par la chaleur, sous l’effet de l’air ou de produits gélatineux comme le gluten, de révélateurs chimiques, et d’autres qui apparaissaient et disparaissaient spontanément.
            Il s’était même amusé à utiliser les couleurs de ces encres pour peindre des paysages d’hiver, qui devenaient des paysages de printemps sous l’effet de la chaleur et l’idée connut beaucoup de succès pour réaliser des pare-feux de cheminée.

           Les sels de cobalt sont également sensibles à l’humidité et ils servirent à faire des papiers tests, qui viraient du bleu au rose à l’approche d’un risque de pluie.
           Les encres sympathiques furent aussi, jusqu’au XIXème siècle furent utilisées pour des tours de magie.
          Depuis elles ont acquit la réputation d’utilisation dans les services d’espionnage, dans des films et des jeux. Certes des études ont été faites par les services de défense, mais les informations sont maintenant transmises par radio ou par des moyens électroniques et le cryptage informatique et mathématique a remplacé les encres sympathiques.

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