• Le nucléaire : effets biologiques des rayonnements ionisants. (1)

              Maintenant que nous savons succinctement comment fonctionne divers réacteurs nucléaires, et avant d'évoquer des accidents comme ceux de Tchernobyl et Fukushima, il faut que nous ayons une idée plus précise du risque et comment le chiffrer, c'est à dire des effets biologiques des rayonnements ionisants.

              C'est un domaine où j'ai travaillé comme jeune ingénieur, car j'ai eu à diriger un laboratoire où l'on faisait, entre autres, des études pour divers ministères, sur les effets sur des animaux (pour extrapolation à l'homme) des rayonnements ionisants et sur les méthodes possibles pour accroitre la prévention et la protection.

              Je vais donc essayer de vous donner une information, certes très succinte puisqu’en deux articles seulement, sur l’irradiation et la contamination qui peut effectivement se rencontrer dans l'industrie nucléaire en cas d'accident, mais qui concerne plus généralement les produits radioactifs et les appareils qui produisent des rayonnements dits "ionisants".
              
    Ce sera un peu difficile à lire car cela va ressembler à un cours de SVT.

              Les produits de fission émettent trois types de rayonnements :
                        - les rayonnements alpha, (noyau d'Hélium), qui sont très facilement absorbés et ne parcourent dans l'air que quelques centimètres et ne franchissent pas la peau.
                        -les rayonnement béta (des électrons) qui ne parcourent que quelques mètres dans l'air et moins d'un centimètre dans la peau.
                        - les rayonnement gamma (des photons), qui eux sont très pénétrants, d'autant plus qu'ils sont de grande énergie, et passent à travers le corps humain en y perdant de l'énergie et donc en y faisant des dégâts par ionisation.
              Seuls les rayonnements gamma sont donc dangereux devant le cœur d'un réacteur ou dans une zone où des produits de fission sont répandus sur le sol. C'est ce que l'on appelle le danger d'irradiation externe.         
              Les rayonnements béta peuvent brûler la peau si celle-ci est recouverte de poussières contenant des produits de fission, mais une décontamination élimine ces poussières.
              Par contre si, dans un endroit contaminé, on absorbe par voie respiratoire ou digestive des poussières contaminées, alors les trois types de rayonnements sont dangereux car les émetteurs radioactifs sont au contact des organes internes du corps humain.
              C'est ce que l'on appelle la contamination interne.

    Le nucléaire : effets biologiques des rayonnements ionisants. (1)

              Aujourd’hui je parlerai de l’irradiation “externe”, par des sources extérieures à notre corps, que ce soit une source ponctuelle (une source industrielle ou médicale, un appareil X de radiographie ou gamma de radiothérapie), ou une zone où le sol ou l'environnement sont contaminés par des produits de fission radioactifs.

              Les rayonnements dits "ionisants" X ou gamma principalement arrachent des électrons aux atomes des matériaux qu'ils traversent. Ces électrons peuvent créer une ionisation, notamment au voisinage des cellules biologiques de notre corps et peuvent perturber leur fonctionnement, voire les tuer.
              Voici, très résumés les effets qui sont produits au plan biologique : 

               Au niveau chimique, les rayonnements ionisants vont créer des ionisations et des ruptures de molécules et l’on va donc avoir des ions et des “radicaux libres” qui favoriseront des recombinaisons chimiques différentes de l’état initial.
               On observe notamment des oxydations qui vont perturber la chimie cellulaire.
               Au niveau des acides nucléiques, les rayonnements peuvent “casser les barreaux de l’échelle” ADN (les bases puriques - voir mes articles sur l’ADN) et provoquer ainsi des perturbations de la production des protéines, des mutations au niveau des cellules (effets cancérigènes ou génétiques pour l’espèce).
               Au niveau des chromosomes, il peut y avoir rupture d’un chromosome dans le noyau d’une cellule, ce qui en général empêche la cellule de se reproduire. Il en résulte que les organes les plus sensibles sont ceux dont les cellules se reproduisent souvent : les organes générateurs des cellules du sang (organes hématopoïétiques de la moelle des os principalement ou ganglions lymphatiques), les muqueuses  : peau et système gastro-intestinal. De nombreuses cellules détruites vont perturber voire empêcher leur fonctionnement.
                Aux doses très élevées, les ionisations tuent tous types de cellules et l’atteinte du cerveau est primordiale.

              Pour mesurer les effets des rayonnements, on utilise une unité, le Sievert (Sv), qui caractérise la quantité d’énergie cédée dans les divers organes de notre corps par les rayonnements ionisants et donc l’ionisation produite.
              On mesure les doses reçues principalement en milli-sieverts (mSv - le millième), et en micro-sieverts (μSv - le millionième.).
              Ces doses dépendent de la quantité de particules radioactives reçues et de l'énergie de ces particules. Ces données sont caractéristiques de chaque produit radioactif et de la quantité de ce produit présente. Elles sont aussi caractéristiques des appareillages qui émettent des rayons X.

              Voici une évaluation sommaire des syndromes constatés lors d’une “irradiation aigüe” c’est à dire se produisant sur une courte durée (quelques jours), sur tout le corps humain d'une personne.

                        - 10 mSv < d <100mSv : on peut, si on fait une culture de cellules du sang et qu’on examine un grand nombre de cellules, voir des anomalies chromosomiques.
    Elle n’ont pas d’influence sur la santé.

                        - 100 mSv < d < 500 mSv : on peut, si on dispose d’une numération sanguine avant et après l’irradiation, constater une diminution des nombres de globules rouges, globules blancs et de plaquettes. Ces anomalies disparaissent au bout de quelques semaines.

                        - 500 mSv < d < 6.000 mSv : les personnes vont être d’autant plus malades que la dose est élevée. Apparition de vomissements et de diarrhées, dues à l’irritation du système gastro-intestinal, d’une diminution des globules rouges d’où manque d’oxygénation des cellules et donc anémie, diminution des globules blancs et donc sensibilité plus grande à toutes les maladies microbienne.
              On pourra voir apparaître des décès au bout de quelques semaines après l’irradiation, à partir d’environ 2 500 mSv .
              Autour de 4 500 mSv, la moitié des personnes irradiée à cette dose risquent de mourir
              La survie au dessus de 6000 mSv est exceptionelle.

                        - 6000 mSv < d < 20.000 mSv : les personnes vont mourir d’une atteinte des muquauses gastro-intestinales; elles ne sont plus aptes à transmettre les nutriments. Les blessures et le manque de plaquettes entraînent des saignements et une invasion microbienne que les globules blancs, moins nombreux,  ne peuvent arrêter.
    La mort survient en quelques jours

                        - d> 20 000 mSv : Les cellules nerveuses du cerveau sont atteintes et la mort survient rapidement après un coma dans l’heure qui suit l’irradiaiton.

              Il faut attirer l’attention sur le fait que si l’irradiation ne concerne pas tout le corps et notamment les organes sensibles, seul l’organe atteint est concerné. Dans le traitement des tumeurs, on irradie la seule tumeur à plus de 100 000 mSv, mais avec des irradiations faibles pour les autres organes.
              Si une irradiation chronique est étalée sur des mois, il y a une certaine réparation qui intervient et les doses provoquant les syndromes ci-dessus sont plus élevées.

              Enfin il faut prendre en compte les modifications génétiques des cellules, qui notamment peuvent induire des leucémies en cas d’irradiation de tout le corps ou des cancers d’un organe en cas d’irradiation de cet organe.
              C’est la dose totale reçue depuis le début de l’irradiation, quelle qu’en soit la durée, qui doit être prise en compte, car c’est le nombre total de mutations du matériel génétique qui compte.
              Par exemple, pour un travailleur dans une centrale, on comptabilise les doses reçues depuis qu’il a commencé à travailler, jusqu’à sa retraite.

    Le nucléaire : effets biologiques des rayonnements ionisants. (1)     Dans ce domaine on ne peut parler que statistiques : les études montrent que la probabilité de développer un cancer n’est plus grande que la probabilité naturelle, que si l’on a reçu une dose totale supérieure à 2 000 millisieverts.
        On ne peut pas démontrer  qu’une dose plus faible peut engendrer un cancer car sur les populations étudiées (Hiroshima et Nagasaki, Tchernobyl, des irradiations thérapeutiques,...), car on ne voit pas d’anomalie statistique par rapport à l’apparition de cancers naturels, mais on ne peut pas démontrer non plus que cela n’en produit pas (l'extrapolation n'est pas possible !)
              Quant aux études sur des animaux, le passage à l’homme est extrêmement difficile et ne permet pas de trancher ce problème.
      
              En ce qui concerne le risque de modifications génétiques transmissibles à l’espèce, il ne serait important que si toute une population était irradiée très fortement (risque de la même mutation chez les deux parents).
              Aucune étude n’est possible chez l’homme, mais on sait seulement que des populations vivant dans des zônes granitiques ou en altitude recoivent au cours de leurs vies environ 200 mSv et ne sont pas anormales pour autant.

              Ce que je viens de vous exposer est très simplifié et évidemment les études d’effets biologiques sont très complexes et concernent les effets de diverses sortes de rayonnements et les divers organes de notre corps.
              Mon but était de vous donner des repères utiles en matière de doses d’irradiation et des effets biologiques correspondants.
              En résumé :
                        - La législation impose pour les travailleurs devant des rayonnements ionisants, de ne pas recevoir plus de 20 mSV par an pour le corps entier, (avec des exceptions pour les jeunes et les femmes enceintes), et 1mSv par an pour la population. Ces normes tiennent compte des effets génétiques à long terme.
              Mais il est certain que l'objectif à viser doit toujours être l'irradiation la plus faible possible.
                        - Ces doses sont très inférieures à des doses dangereuses dont on peut résumer ainsi les seuils :
                                  • entre 100 et 500 mSv on peut déceler des modifications de la numération sanguine.
                                  • il y a risque d'atteinte somatique,  à partir de 500 mSV, de plus en plus grave lorsque les doses augmentent et notamment au dessus de 2000 mSv.
                                  • la survie au dessus de 6.000 mSv est exceptionelle.

     

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