• L'utilité des langues locales.

    L'utilité des langues locales.

         Mon article sur le breton et son enseignement et plus généralement sur celui des langues locales m’a valu quelques commentaires et mails, certains approbateurs, d'autres me traitant d'iconoclaste (et ce n'était pas le capitaine Haddock).
        Je voudrais reprendre quelques aspects de  l’apprentissage des langues et de leur enseignement.

        Une première précision : je n’ai jamais dit qu’il ne fallait pas s’intéresser aux langues locales.  Comme beaucoup d’entre vous je considère qu’elles représentent un patrimoine.
        Même si je ne suis pas un fana du Breton, il m’arrive d’avoir envie de traduire de petits textes (à grand coups de dictionnaire !). Cela dit je ne connais personne ici qui parle vraiment, de façon courante le breton comme le français. Les dernières personnes que j’ai connues parlant vraiment encore breton, étaient de l’âge de mes parents. Mais il y a un cercle qui regroupe des amis de la culture bretonne, et on y trouve beaucoup de traductions de livres bretons en français.
        Par contre je trouve peu utile de l’enseigner dans les petites classes, pour des raisons de mémoire et de formation de l’enfant, que je vais expliciter.

        On me dit qu’exercer sa mémoire facilite l’acquisition d’autres connaissances. C’est tout à fait vrai.
        Plus on apprend, plus il est facile d'apprendre : la mémoire obéirait a un effet« boule de neige ». Au lieu de se saturer, elle repousserait sans cesse ses propres limites, de sorte que les données apprises faciliteraient I'acquisition de nouvelles connaissances !
        A l'Université d'Édimbourg, la neurobiologiste Dorothy Tse et ses collegues ont entrainé des rats à mémoriser une série d'associations entre des odeurs et des lieux, et ont constaté que,plus ils enregistrent un grand nombre d'associations entre ces deux types d'informations, plus il leur est facile d'en enregistrer de nouvelles.
        Les rats ont subi des tests pendant plusieurs semaines, mémorisant des dizaines d'associations entre des lieux et des odeurs. Au lieu de saturer leurs capacités cognitives, cet entraînement a produit un effet inverse : à partir d'une certaine masse critique d'information mémorisée, toute nouvelle association entre un lieu et une odeur devient plus facile et plus rapide, alors que cet apprentissage était laborieux au début de I'expérience, lorsqu’ils avaient une mémolre encore vlerge.
        Le mécanisme de cette « amplification mnésique» est encore inconnu.
        Il est probable  que de telles associations résultent de la formation de connexions neuronales stables. Certaines de ces connexions peuvent être communes à plusieurs mémorisations, étant spécifiques de la nature des éléments à retenir, tandis que d’autres connexions sont spécifiques de chaque souvenir, de chaque élément.
        Au début de l’apprentissage, il faut créer toutes ces connexions, mais au bout d’un certain temps seules les connexions spécifiques doivent être créées.

        On constate des phénomènes analogues chez l’être humain.
        Par exemple un  chauffeur de taxi mémorise facilement le nom et I'emplacernel d'une rue quand iI peut la situer au sein d'un réseau de rues qu’il a déjà retenues, ayant une espèce de plan de la ville dans sa tête.
        On constate qu’un comédien expérimenté retient plus facilement les textes qu’un comédien débutant. De même pour un musicien qui retient par coeur la partition d’un morceau de musique.
        La mémoire montre ainsi des propriétés amplificatrices ce qui expliquerait la culture encyclopédique de certaines personnes (Je me souviens d’un camarade, qui avait une mémoire extraordinaire, qui, fana SNCF, connaissait même par coeur le chaix qui donnait les horaires des trains !!).

        Toutefois le problème des langues est particulier, car il s’agit d’apprendre à parler la langue, comme un enfant apprend à parler sa langue maternelle.
        Il y a dans l’apprentissage d’une langue trois données de natures différentes : la musique des mots et l’acquisition de l’accent de la langue, la signification des mots eux mêmes et des expressions, et l’acquisition du vocabulaire, et enfin l’usage des mots c’est à dire la syntaxe et la grammaire.


        La “musique des mots” nécessite un apprentissage de l’oreille analogue à celui d’un musicien et les neurobiologistes se sont aperçu qu’il n’était possible que chez un très jeune enfant.
        Un jeune enfant de moins de 3/4 ans possède encore assez de souplesse neurologique pour adapter parfaitement son cerveau aux sons d’une langue. Il aura alors une accent parfait dans sa langue maternelle et dans une autre langue qu’il apprendrait à la maternelle.
        Un adulte certes pourra apprendre une langue étrangère, mais n’atteindra jamais cette perfection de prononciation et d’accent.

        Le vocabulaire, la syntaxe et la grammaire sont avant tout une question de travail. Donc adulte ou enfant on peut apprendre une langue sans problème. Mais l’enfant qui a plus de plasticité neuronale (et moins de complexes quant à l’opinion d’autrui), apprendra plus facilement le vocabulaire et de façon plus instinctive, plus naturelle, même s’il fait un peu plus de fautes de grammaire.

        Chose curieuse, les neurologues ont constaté que les neurones concernés n’étaient pas les mêmes selon l’âge d’apprentissage de la langue.
        Avant deux ans, le vocabulaire (les mots) sont associés à des images et les neurones concernés sont donc classés presque en fonction de la date d’acquisition du mot.
        Puis quand l’enfant apprend vraiment à parler, la mémoire se réorganise et les neurones voisins concernent alors la même catégorie de mots :  les couleurs, les plantes, la nourriture, les outils, les instruments de table et de cuisine .....
        S’il apprend sa langue maternelle et en même temps une autre langue, alors les mots des deux langues concernant les mêmes objets, sont traités par des neurones voisins : en quelque sorte par exemple les dénominations des outils français et anglais sont stockés au même endroit, et les plantes en français et en anglais en un autre.
        Au contraire si l’on apprend sa langue maternelle, puis deux ou trois ans plus tard une autre langue, les vocabulaires des deux langues sont séparés : tous les mots français par un groupe de neurones et tous les mots anglais par un autre groupe, par exemple.

        A mon avis, un apprentissage rationnel des langues devrait être, tant que l’anglais reste la langue la plus parlée, d’apprendre dès la maternelle le français et l’anglais, une deuxième langue dans le secondaire, et de réserver l’apprentissage d’une “langue locale” à l’âge adulte où l’on peut s’intéresser à la culture et au patrimoine, langue qu’on parlera peu ou jamais et qu’on réservera à la lecture (au besoin avec l’aide d’un dictionnaire, ce qu’il m’arrive parfois de faire quand je tombe sur un texte breton).

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