• L'atmosphère des entreprises a bien changé.

    http://lancien.cowblog.fr/images/Prefcerebrales/3419232.png
                Je regardais, il y a quelques jours à la télé, l'interview d'une directrice des ressources humaines d'une entreprise moyenne, qui se débattait avec les problèmes que pose le coronavirus.
                 C'est évidemment un handicap supplémentaire pour le bon fonctionnement des entreprises, qui ne facilite, ni la vie des dirigeants, ni celle des salariés.

                 Cet interviewer m'a confirmé une fois de plus, ce que je constate souvent, car, bien qu’étant en retraite, (j’ai 89 ans !), il m’arrive encore assez souvent de visiter des usines, dont certaines que j’ai bien connues il y a 30 à 40 ans, et je constate combien l’atmosphère a changé, notamment en ce qui concerne les ouvriers et les employés. Même lorsque l’entreprise n’est pas menacée par la crise et le chômage, et hors évidemment la crise sanitaire actuelle, l’atmosphère reste morose et le personnel n’a plus la motivation et le goût du travail comme autrefois.
                 Je me souviens du temps où j’avais la responsabilité d’une quinzaine d’établissements industriels. J’étais dans ces établissements deux jours par semaine, et si le matin était consacré à l’examen de la situation avec l’équipe de direction, j’allais dans les ateliers et les services l’après-midi et chaque année, je les avais tous visités. Bien sûr je ne pouvais m’arrêter qu’auprès de quelques machines, ne m’intéresser et parler qu’à quelques hommes, mais, d’une part cela me donnait une idée de leurs réactions et leurs souhaits, et pour eux savoir que leur patron s’intéressait à leur travail, même si ce n’était que celui de quelques uns (et pas les mêmes à chaque fois), c’était la preuve qu’ils existaient, que leur travail était important et reconnu.
                   Je trouvais en général des gens motivés, compétents et consciencieux dans leurs tâches et fiers de me montrer ce qu’ils faisaient, de la difficulté de certains de leurs travaux et de la qualité de ceux-ci. C’était pareil dans les bureaux avec les employés. Et il leur arrivait parfois de me dire deux mots de leur famille, des enfants dont ils étaient fiers, car ils avaient réussi à les pousser dans l’enseignement supérieur. Quelquefois aussi malheureusement de la souffrance d’un deuil.
                   Certes je voyais les syndicats également, car leurs demandes étaient pour moi, importantes, même si je ne les satisfaisais pas toutes et si les discussions étaient parfois un peu difficile. Mais c’est de la discussion que jaillissent les meilleures solutions.

                   Aujourd’hui cette habitude des patrons de circuler dans les ateliers et services semble de guère plus exister dans les entreprises. La direction s’occupe des finances, de l’organisation générale, des investissements, du rendement, et de gagner de l’argent. Elle est composée de financiers et il n’y a plus d’ingénieurs, sauf dans les PME. S’occuper des personnels, c’est le rôle de la DRH, mais qui est la direction des « ressources humaines "au lieu des « relations humaines".
                   On gère les hommes tout au plus comme un investissement et au plus juste coût, et diminuer les effectifs est devenu un souci plus important que de motiver ceux qui effectuent le travail sans lequel l’entreprise n’aurait pas de raison d’exister. Le rendement s’en ressent, mais pour le relancer, on augmente la pression, on crée des normes, on surveille, on sanctionne, on menace de trouver quelqu’un d’autre : il y a tellement de demandeurs d’emploi sur le marché du travail !              
                  Les quelques ouvriers ou employés avec lesquels on me permet de discuter, me disent souvent leur désarroi, leur rejet du monde du travail d’aujourd’hui, le peu de considération que l’on a pour eux.
                 Bien sûr ils souhaiteraient être payés davantage, payer moins d’impôts, être plus assurés de l’avenir, mais ils savent que c’est difficile à obtenir par ce temps de crise, et finalement sont plutôt raisonnables sur ce point.
                Mais ce qu’ils ne comprennent pas, c’est que la direction générale et celle de l’usine les ignore, ne s’occupe d’eux que par l’intermédiaire des syndicats, qu’ils ne sont qu’un « moyen » au service de la société, comme leurs machines.
                Il y a une cassure entre les directions voire même les cadres et ceux qui font le travail de détail ou manuel. L’impression que l’on ressent c’est qu’il y a "l’élite ", et les "laissés pour compte", parce qu’ils ont un travail d’exécution.
               Quand j’avais 20 ans et que j’étais dans une école d’ingénieur, j’avais voulu suivre en option supplémentaire des cours de travail sur machine et j’ai obtenu un CAP de tourneur et un de fraiseur. Bien sût on a été indulgent et je ne pense pas que j’aurais été capable te tenir tout de suite un poste d’ouvrier en fabrication. Mais cela m’a permis de comprendre et d’apprécier les difficultés de ce travail.
                Les ingénieurs ont tort de croire qu’ils sont « l’élite ». Le travail d’un ouvrier sur une machine à commande numérique ou d’un employé qui administre les payes est tout aussi complexe que le leur. Certes il demande moins de connaissances techniques, mais beaucoup plus d’expérience », de tours de mains, de souci du détail, d’attention pour ne pas faire d’erreur difficile voire impossible à corriger ensuite.
                Pas plus que les ouvriers ou employés ne pourraient faire certains travaux des cadres, ceux-ci ne sont pas aptes à faire correctement ces travaux de production. Il n’y a pas de sot métier et tous sont indispensables à la bonne marche de l’entreprise.
                Créer ainsi un fossé entre les catégories de personnels, mépriser ceux qui font des tâches en bas de la chaine hiérarchique, les administrer et les commander de façon impersonnelle, comme des numéros d’une liste, est une erreur fondamentale, qui démotive, stresse, et nuit non seulement au rendement, mais à la quiétude l’ensemble des personnels.
                On n’apprend probablement pas à feu l’ENA ou dans les écoles de commerce et d’économie, ce qu’est la pyramide de Maslow, que lorsque les besoins élémentaires de l’existence et la sécurité sont assurés, l’homme à un besoin d’appartenance qu’il trouve auprès d’amis, camarades, collègues et qu’il pourrait trouver dans son entreprise, si elle savait l’y inciter.
                Mais ensuite, pour être satisfait, et avoir sa part de bonheur, l’homme a besoin d’estime et de reconnaissance et de s’accomplir. Cela la plupart des entreprises moyennes et grosses ne savent plus le donner à leurs salariés, qui effectuent les tâches matérielles.
              D’ailleurs des jeunes avec lesquels je discutais, et pas des plus qualifiés, ne rêvaient que d’une chose : être dans un bureau devant un ordinateur et devenir directeur !! Je ne pense pas que ce soit forcément la voix de la réussite, mais cela montre l’évolution de la société, qui porte aux nues les joueurs de foot, mais n’a plus aucune reconnaissance pour ses professeurs, ses instits, ses ouvriers, ses employés et finalement pour tous ceux qui ne gagnent pas beaucoup d’argent, malgré un travail difficile et ingrat.
                Notre société est devenue celle des banques, des traders, des dirigeants qui ont beaucoup de relations et pas forcément plus de compétences, et des salaires anormalement élevés, qu’ils ne méritent pas, par comparaison aux autres.
                Il y a pourtant parmi ceux qui font le travail matériel, des gens compétents travailleurs et consciencieux, qu’ils soient cadres, techniciens, ouvriers ou employés, qui certes aimeraient gagner plus, mais en outre souffrent moralement. Ce qu’ils demandent en définitive me paraît tout à fait justifié, c‘est de ne pas être considérés comme des pions, mais comme des êtres humains.

    Partager via Gmail

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :