• L'apprentissage de la lecture.

      La parole, le langage, la lecture et l’écriture sont des capacités extraordinaire de l’homme. A nous de ne pas les gâcher.
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        J’ai quelques souvenirs de mon apprentissage de la lecture. C’est ma grand-mère, ancienne institutrice, qui m’a appris par la méthode syllabique, vieille mais très efficace, dans des livres du « Père Castor », qui racontaient des histoires de bêtes : ours, canard, hérisson, … Une séance de lecture tous les matins.
        J’avais 4 ans et ces histoires qu’on m’avait lues me passionnaient et je voulais pouvoir les lire moi-même et donc au bout de quelques mois je lisais couramment, en comprenant ce que je lisais, avec toutefois un vocabulaire encore peu étendu.
        En même temps ma grand-mère m’a appris à écrire et bientôt, tous les matins j’avais aussi droit à une petite dictée, avec explication des mots nouveaux.
        J’ai lu ensuite des livres de la « bibliothèque rose » et je me souviens encore du premier livre que j’ai lu, une histoire de chenapans, un peu comme la « guerre des boutons », en plus simple : « bleus contre verts », et d’un livre adorable, plein d’humour qui racontait l’histoire d’un petit garçon et une petite fille : « Tap-tap et Bilili. »
        Puis à partir de 6 ans, je me suis passionné pour les Jules Vernes, que j’ai, peu à peu, tous lus, et je demandais à mon grand-père des explications sur les aspects un peu techniques des récits.
        Etant adulte, j’ai observé ma belle-mère, directrice d’école, qui apprenait à lire à mes quatre enfants, qui lisaient couramment lorsqu’ils sont rentrés à l’école à six ans.
        Puis j’ai pu constater sur mes petits enfants, les catastrophes de la méthode globale et s’ils savaient déchiffrer, c’était péniblement, avec beaucoup d’erreurs, et ils ont été longs à comprendre parfaitement ce qu’ils lisaient.
        Cette méthode globale  d’apprentissage est pratiquement abandonnée aujourd’hui et pourtant, d’après une très sérieuse enquête internationale baptisée Pirls (Progress in International Reading Literacy Study, Programme international de recherche en lecture scolaire), publiée en 2017, les élèves français se classent bons derniers de la classe européenne en lecture.
        Quelle en est la raison, je ne sais pas. Peut être les élèves sont ils moins attentifs et intéressés car la télévision et l’ordinateur leur offrent maintes images et ils n’ont pas, comme par le passé, envie de lire.
        Surtout je pense que les parents n’ont plus le temps (ni l’envie) d’apprendre à lire à leurs enfants, que cette charge est uniquement assumée par les professeurs des écoles, mais qui n’ont pas un seul élève, mais souvent 25 ou 30. J’espère que le dédoublement récent des CP leur donnera plus de temps pour s’occuper de chacun.
        Peut être aussi n’y avait il pas assez d’heures consacrées à la lecture, à l’écriture et aux dictées.
       Pourtant cette aptitude de l’homme à l’écriture est extraordinaire et je voudrais dire deux mots de ce qui se passe dans son cerveau.

        La lecture, c’est une « parole écrite » et donc pour apprendre à lire, il faut déjà parler et manier la langue avec un minimum d’habitude et de facilité.
        Ensuite il va falloir apprendre à traduire la langue, c’est à dire les mots parlés, sous forme de lettres (ou d’idéogrammes comme en chinois), en associant ces signes à des phonèmes (un son), puis à des syllabes (ou des sous-ensembles de mots), puis au mot complet et à sa prononciation. Mais ces syllabes ou sous-ensemble constituent un mécanisme qui va constituer les briques élémentaires qui permettent de remonter jusqu’à tous les mots, par construction logique.
        Et, bien sûr comme il va falloir déchiffrer ces lettres ou idéogrammes, ce sont les zones d’interprétation de la vison situées à l’arrière du cerveau qui vont intervenir en premier, et comme il s’agit de mots liés à la langue, tous les centres d’interprétation de la parole et de la mémoire des mots.
       Une première constatation, le centres qui interviennent dans la lecture sont presque les mêmes quelle que soit la langue, comme le montre le schéma ci dessous (extrait du magazine « cerveau et Psycho »).


        En particulier la zone du cerveau qui va reconnaître les signes est la même, et est située dans la occipito-temporale, près des centres d’interprétation visuelle, représentée en rouge sur le schéma ci-dessous.

         Dans les langues alphabétiques elle permet d’abord la reconnaissance des lettres, puis des syllabes.
        Cette zone au début de notre vie, ne connaît évidemment pas l’alphabet et n’a pour rôle que la reconnaissance des visages d’abord (il faut reconnaitre sa mère et sa famille; en jaune sur le schéma), puis la reconnaissance des objets familiers (son biberon, ses jouets; en bleu sur le schéma). La mémoire correspondante est l’homologue de la zone de Geschwind, mais dans l’hémisphère droit.
        
         Puis quand le bébé va marcher et donc se déplacer, une partie de cette zone et des zones de mémoire, vont se consacrer à la reconnaissance et au stockage des images et des « cartes » de notre environnement. (en vert sur le schéma).
         Et lorsque l’enfant apprend à lire et à écrire une chose extraordinaire se produit : une partie de la zone destinée à la reconnaissance des visage et des animaux se transforme en une zone de reconnaissance des lettres et des mots écrits (en rouge sur le schéma).


              Un autre phénomène extraordinaire va alors se passer.         

         Pour pouvoir identifier des visages ou des objets vus sous divers angles, ces centres ont l'habitude de considérer que deux images symétriques "en miroir" correspondent à un même objet. Par exemple sur l'image ci-contre le vélo et le triangle

       Il y a donc un petit problème, car ce n'est pas vrai pour les lettres (b et d) et les mots (ioup et quoi), par exemple.
       Il faut donc que l'enfant inhibe la réaction automatique de ces centres pour leur faire acquérir l'apprentissage de reconnaissance des lettres.
       Son cerveau frontal apprend à envoyer un signal qui bloque la fonction de miroir quand il décide de vouloir lire.       
        Et il est possible que chez les enfants dyslexiques, qui ont du mal à différencier les lettres symétriques, cette fonction de blocage soit partiellement déficiente.

        Les centres qui vont ensuite intervenir sont les mêmes que pour la parole :
    Wernicke va reconnaitre les mots, Geschwind les mémoriser, Broca permettre de les prononcer, réellement ou mentalement sans usage de la parole. (voir mon article du 25/09/2016 sur le langage).
       
        La compréhension de ce qu’on lit se fait évidemment au niveau du cortex préfrontal qui réfléchit, organise, émet les idées…
        Mais il n’est pas le seul tout le cerveau émotionnel participe : si nous lisons « crème à la vanille », notre sens olfactif nous donne la sensation de l’odeur et le centre du goût réagit comme si nous avions dans la bouche un peu de crème. Proust a immortalisé ce fait avec ses madeleines. Si au contraire nous lisons le mot « dégoût », l’insula qui intervient lors de nausées, est activée.

        Tout ce mécanisme est laborieux au départ et demande du temps et de nombreuses répétitions.
        Il doit faire correspondre lettres et syllabes, syllabes et phonèmes, puis syllabes et mots et prononciation du mot.
        Comme en général on mène en parallèle apprentissage de la lecture et de l’écriture il faut aussi associer l’orthographe du mot et les ordres aux centres de commande motrice de la main pour écrire.
        Ce n’est que lorsque tout ce mécanisme est automatisé au point d’être presque inconscient, (il faut 30 à 40 heures d’apprentissage assidu), que le cerveau, dégagé de l’attention sur la reconnaissance des mots, pourra alors consacrer son effort à la compréhension des phrases.
        Lorsque le mécanisme de décodage est acquis, le cerveau reconnait un mot d’un seul coup d’oeil et dès lors la méthode globale se met en place naturellement pour acquérir du vocabulaire, mais uniquement lorsque le décodage syllabique est devenu automatique et inconscient, grâce à la méthode syllabique.

        Disons enfin que l’apprentissage initial de l’écriture au clavier est nocive, car elle oblige le cerveau à épeler lettre par lettre, qu’il faut taper successivement, et cela va à l’encontre de la méthode syllabique.
        L’usage du clavier pour l’écriture ne doit être appris que lorsque l’enfant maîtrise parfaitement la lecture et sa compréhension et a de bonnes notions d’orthographe.
        D’ailleurs la mémoire des mots est à la fois visuelle, sonore et manuelle et pour cela il faut avoir écrit les syllabes (donc les phonèmes), à la main.

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