• Historique du plaisir

    Historique du plaisir

              Je voudrais faire quelques articles sur les drogues et le mécanisme de leur action sur le cerveau et sur leur addiction.
              Ces phénomènes sont surtout importants au niveau de nos "centres d'apprentissage et de récompense" (voir mon article du 13/12/2015 ), que les journalistes appellent en général les ""centres du plaisir". Je reviendrai sur ce sujet en fin d'article.
              Mais pour rendre mes articles moins rébarbatifs, j’ai pensé que je pouvais en profiter pour parler aussi du plaisir et du bonheur et mêler un peu, selon les articles philosophie, psychologie et neurologie.

              Commençons donc par des choses simples : l’historique du plaisir.

              De nombreux philosophes ont pensé que le bonheur résultait de la recherche du plaisir et de l’évitement des choses désagréables.

              Épicure, (photo de son buste), phophilosophe de la Grèce antique, est certainement le plus célèbre représentant de cette pensée. Épicure insiste sur l'importance de combler nos désirs de manière simple en évitant les excès. Contrairement à ce que signifie couramment le terme « épicurisme » de nos jours, les véritables épicuriens vivaient donc dans la plus grande simplicité, en évitant le luxe et les mondanités.
              Le véritable épicurisme implique un certain ascétisme.  C’était une sagesse assez austère qui sacrifiait certains plaisirs pour éviter des déplaisirs plus grands.
              L’épicurisme prône la nécessité de faire un tri sélectif entre ses désirs afin de parvenir à un état de repos et d'équilibre, que les grecs appelaient "ataraxie " et que nous appelons aujourd’hui le "bonheur".

              Au Moyen âge, la pensée et les autorités religieuses condamnèrent l’hédonisme, mais entre 1500 et 1535, Erasme tenta de montrer que la recherche du plaisir pouvait être compatible avec la volonté de Dieu de voir les humains heureux et Thomas More ira plus loin en affirmant que notre désir pour le plaisir et le bonheur nous incite à agir moralement.
              Je me demande s'il dirait la même chose aujourd'hui, avec le règne de l'argent et de la société de consommation.

              Puis, au 18e siècle, le thème du plaisir et du bonheur fut exploré plus systématiquement par des philosophes comme Hume, Locke et en France, Diderot, qui associent hédonisme, empirisme et matérialisme.
              Ces philosophes considèrent que ce sont nos sens qui doivent être les critères du bien et du mal. (ce qui apporte satisfaction à nos sens est appelé " bien " et ce qui leur déplait est appelé " mal "), et reconnaissent donc que nous cherchons naturellement à satisfaire certains besoins corporels et que suivre nos désirs et nos plaisirs, permet d’établir les normes de l'action juste et morale.
              Pour eux, nos connaissances et nos idées nous viennent aussi des sens, de leur combinaison ainsi que de la répétition des expériences et des observations que nous faisons. (c'est l'empirisme).

              Deux autres philosophes connus, Jeremy Bentham et John Stuart Mill , ont pröné au 19 ème siècle, une thèse un peu différente car c’est une thèse “sociale”
              Il faut choisir, entre plusieurs solutions, celle qui apporte le plus grand bonheur pour le plus grand nombre. Il s’agit donc d’une éthique pragmatique prétendant, à partir du critère du bonheur du plus grand nombre (lui-même déduit des désirs, des plaisirs et des peines individuels), déterminer des lois et des politiques justes pour la collectivité.
              L'utilitarisme fonde donc ses principes de recherche du bonheur non pas sur une norme idéaliste (comme Platon ou Kant) mais sur une norme réelle, issue de l'observation et de l'expérience, avec une échelle des plaisirs où les plus raffinés doivent être les plus recherchés.

              J’ai plus une culture scientifique que littéraire, et donc je ne connais pas bien la philosophie moderne : j’ai entendu parler du philosophe français Michel Onfray qui se pose la question sur ce que nous apportent  le corps et ses sens.
              Il appelle à rechercher des plaisirs à travers la musique, la peinture ou la gastronomie.
              Mais loin d'être une philosophie des plaisirs faciles de la société de consommation, l'hédonisme que propose Onfray serait plutôt une philosophie tragique finalement beaucoup plus proche de l'ascétisme que de la débauche.

              Voici donc un petit aperçu sur la philosophie du plaisir. Voyons maintenant un résumé de ce que pensent les neurobiologistes. (plus de détails dans l'article du 13/12/2015)

             Le schéma ci-dessous résume ce que sont nos "centres d'apprentissages, de récompense et du plaisir" (de sanction aussi en cas d'échec)

    Historique du plaisir

              Lorsque nous avons une sensation agréable (ou lorsque nous réussissons une tentative, des stimuli arrivent sur l'aire tegmentale ventrale (ATV), qui va produire de la dopamine.. L'influx est envoyé au septum qui va évaluer la "valeur hédoniste" du stimuli.et il transmet l'information au cortex préfrontal, pour réflexion, décision et action. L'ATV informe aussi le "noyau accumbens" et les "centres amygdaliens". L'ATV saisit également l'hippocampe, qui est le "central téléphonique" de la mémoire.L'hippocampe va rechercher dans la mémoire si de tels stimuli ont déjà existé et il peut éventuellement informer le cortex préfrontal de ce qu'il a trouvé.

              Si le cortex préfrontal envisage une suite favorable, l'information revient dans le cerveau émotionnel et le "noyau accumbens" va évaluer la valeur hédoniste de l'action proposée et la motivation correspondante. Elle est aussi envoyée aux centres amigdaliens, qui vont analyser tous les cotés négatifs de l'action.
              Les centres amygdalite et le septum peuvent éventuellement bloquer l'action, en agissant sur l'hypothalamus. Celui-ci régule en effet l'action de l'ATV au moyen d'un neuromédiateur inhibiteur, le GABA, afin de limiter l'émission de dopamine par l'ATV.

              Ce mécanisme est complexe, mais c'est lui qui intervient dans l'action des drogues et des addictions. Ce sera l'objet de prochains articles.

     

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