• Les sujets de philosophie du bac technologique 2022 (1) : Liberté et obéissance.

       Les sujets de philosophie du bac technologique 2022 (1) : Liberté et obéissance.      

     

     

     

     

     

     

               Je n’ai pas suivi de très près les campagnes électorales récentes, mais j’ai tout de même entendu beaucoup de discours des candidats, et les sujets de philo du bac technologique m’ont rappelé certaines des affirmations de certains d’entre eux.

              Le premier sujet était le suivant : « La liberté consiste-t-elle à n’obéir à personne? »

              Les jeunes ados qui veulent échapper aux contraintes familiales pensent souvent que la liberté, c’est ne plus avoir de contraintes, c’est faire ce que l’on veut quand on le veut, et qu’être libre ce serait donc ne plus se soumettre à la volonté de quiconque et ils pensent essentiellement à leurs parents et leurs professeurs.
              Plus tard les mêmes ados supportent mal l’autorité d’un chef de groupe ou d’un patron, et cela leur vaut bien des difficultés dans leur travail.
              Ils souhaiteraient ne faire que ce qui leur plaît, en quelque sorte n’obéir qu’à eux-mêmes

              Mais il y a deux cas bien distincts d’obéissance à soi-même :
                   Soit il s’agit une envie personnelle, d’une pulsion, d’un désir et effectivement il n’y a pas d’obéissance à une autre personne, mais sommes nous vraiment libres.? Ces désirs et ces pulsions ne sont pas volontaires, nous les maîtrisons mal, ils s’imposent à nous.
    Nous avons l’illusion d’être libres de faire ce qui nous plaît, mais nous ne sommes pas dépendants d’une autre personne, mais de nos désirs inconscients.

                   Soit nous faisons ce que nous avons décidé de faire, après réflexion, et effecti-vement nous obéissons à nous même avec la volonté de le faire (et éventuellement en contrariant certains désirs). Mais si ce que nous voulons faire nous importe vraiment, et que quelqu’un peut nous aider de son expérience, (ou que nous nous passionnons pour notre travail), nous acceptons alors de lui obéir pour mieux parvenir à nos fins, sans que pour autant, nous ayons sacrifié notre liberté. Je connais bon nombre d’élèves, qui, passionnés par une matière, suivaient aveuglement tout ce que disait le professeur, tout en se sentant libres, puisqu’ils satisfaisaient une passion choisie.

              Un autre aspect est la liberté commune, qui est liée au afit de vivre en société, au sein d’un groupe ou d’une nation.
              Dans tout groupe ou entreprise, il y a des règles de fonctionnement destinées à assurer un fonctionnement satisfaisant, et on peut recevoir des ordres d’un supérieur, qui a la responsabilité de la réussit d’une affaire ou doit coordonner au mieux l’actions de plusieurs personnes ou équipes. La discipline liée au bon fonctionnement, les objectifs à atteindre, sont alors des obligations et des contrainte auxquelles on doit se soumettre, sous peine de ne pas faire correctement les tâches qui vous sont confiées. Bien sûr en général , vous avez la liberté de proposer des modifications, en espérant qu ce seont de améliorations qui seront acceptées.
              En ce qui concerne le niveau de l’Etat, les contraintes sont alors les lois et les règles imposées qui en découlent, qui sont en principe faites pour assurer un fonctionnement optimal de la vie en commun, en évitant les actes dangereux ou nuisibles.
    Etre en démocratie garantit en principe que ces lois ne sont pas émises pour favoriser une personne ou un groupe, mais l'ensemble des personnes concernées, et les règles imposées sont votées par des représentants du peuple.

              Ces lois et règlements sont alors impératifs et lorsqu’il y a désobéissance ou litige, un juge décidera d’éventuelles sanctions.
              Nous avons la liberté d’accepter ces règles parce que nous en comprenons la nécessité, nous pouvons aussi les accepter par crainte des snactions, mais nous avons la liberté de désobéir, mais en sachant ce que nous risquons par la suite. Et ne pas obéir à une loi peut entrainer l’incarcération qui prive encore plus de liberté que la contrainte de la respecter. L’obéissance est toujours libre puisque je peux ne pas obéir si j’estime que je n’ai pas d’autre choix, mais je sais le risque que je prends.

             Un autre aspect de l’obéissance  est l’obligation morale, qui ne nous impose pas d’obéir à une personne désignée, mais à des règles qui nous ont été enseignées par nos parents ou d’autres éducateurs, au nom de la morale ou de la religion,  imposées par la coutume, le respect d’autrui, des règles d’une communauté ou par Dieu.
            L’enfant qui reçoit ces règles les admets en général, car il n’a pas l’expérience voulue pour les discuter, mais au fur et à mesure qu’il devient adulte, il cherche à en comprendre les raisons et les conséquences, et il va faire un tri, accepter celles qui lui paraissent nécessaires ou utiles, et refuser celles qui lui semblent contraires à ses convictions et ses valeurs qu’il a maintenant acquises dans sa vie. L’ensemble de ces règles acceptées est ce que Freud appelle notre « surmoi ».
              Dès lors notre liberté semble entière du fait de cette acceptation, mais il faut savoir pourquoi nous avons accepté. Cela peut être sous l’effet d’une contrainte consciente ou non, par exemple la peur de l’opinion d’autrui, d’une sanction divine dans l’au-delà, ou celle d’être exclu d’un groupe. ou même l’insouciance.
             Notre liberté n’est entière, dans ce domaine, que si notre acceptation vient de l’estime de soi, ou du respect des autres.

     

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  • Les sujets de philosophiedu bac 2022 (2) : E

     Les sujets de philosophiedu bac 2022 (2) : ELes sujets de philosophiedu bac 2022 (2) : E

            Le deuxième sujet de philo avait trait à l’art :
                          « Les pratiques artistiques transforment-elles le monde ? »

              Le mot « pratiques » m’a interloqué. J’aurais mieux compris que l’on demande si l’art et susceptible de transformer le monde.
              Quel sens donner à ce mot « pratiques »?
              Est-ce les diverses formes d’art : peinture, sculpture, musique, littérature, cinéma, architecture, habillement ….?
              Ou est ce les techniques artistiques, la façon dont peint le peintre ou dont le sculpteur  transforme la matière pour lui donner vie, dont le musicien transforme les sons, le style de l’auteur, la façon dont le cinéaste décrit vie et société, ou les techniques de l’architecte.? Est ce leur travail de création et de réalisation.

              Il est certain que les techniques d’origine scientifiques apportent des progrès, mais aussi des désagréments, et contribuent à la transformation du monde.
              Les techniques scientifiques ont beaucoup évolué depuis ma jeunesse. Il n’y avait ni matières plastiques, ni antibiotiques, ni échographie, IRM et scanner, pas de télé, peu de téléphones, l’informatique n’existait pas et la radio était encore à lampes, les avions commerciaux étaient à moteurs à pistons….
             L’évolution technique a vraiment changé le monde, et même l’a révolutionné en matière de communication.


              Cela dit qu’est ce que le « monde » ?
              C’est évidemment la vie de tous les jours et les conditions de vie comme la santé, l’environnement autour de nous, et les moyens matériels dont nous disposons, la vie politique des nations, la nature qui nous entoure (avec par exemple le changement climatique).
              Mais on peut étendre ce concept et y intégrer le niveau intellectuel des hommes, la pensée humaine, ressentir des émotions et la beauté, être sensible à la créativité.

              Si on compare les pratiques artistiques à celles techniques, elles ne transforment pas le monde lui même. Elles créent de nouvelles représentations visuelles, sonores, littéraires. Il y a création, comme en technique, mais pas en vue d’une réalisation matérielle, mais plus pour créer émotion et beauté.
             L’architecture est toutefois une exception, car s’il y a création artistique de l’épure visuelle, la réalisation est ensuite purement technique. Devant nos cathédrales, l’émotion est dans la vue, dans la création de leur volume, et l’admiration concerne la réalisation extra-ordinaire pour les moyens de l’époque. 
            Les pratiques artistiques interprètent le monde en en donnant des vues (ou plus généralement des perceptions) originales. elles ne transforment pas le monde matériel concret.

              Si l’on inclut la vie intellectuelle des hommes dans le concept de « monde », le problème est différent.
           
      Les pratiques artistiques nous donnent des représentations perceptibles, vue, audition essentiellement, qui provoquent en nous plaisir et émotions. La peinture, la photographie, le cinéma, la musique, la littérature…etc, évoluent, se transforment sous l’effet des modes et des tendances et donc peuvent changer notre vie intellectuelle.

             Les diverses écoles et tendances artistiques, changent le monde de l’art qui fait partie de notre vie intellectuelle, mais l’art peut aller plus loin : le cinéma et la télévision ont vraiment changé notre mode de vie.
             Mais il y a quelque chose qui me gêne dans cette évolution, c’est qu’un changement de vie implique forcément un aspect économique et donc mercantile. L’art n’est plus une création intellectuelle pure, mais devient alors une source financière qui oriente de plus en plus la création.
           J’avoue ne pas comprendre comment on peut acheter très cher un tableau, dont la toile est un rectangle bleu, avec un rond blanc dans un coin, sous prétexte que l’auteur est connu et que l’on a fait beaucoup de publicité pour lui. Les pratiques de l’art peuvent donner des comportements bizarres aux collectionneurs.!

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  • Les sujets de philosophiedu bac 2022 (1) Etat et Justice.

             J’avais l’habitude, lors du baccalauréat de chaque année, de faire des articles sur les sujets de philo, non pas pour traiter le sujet comme au bac, encore moins pour écrire un corrigé (je n’ai pas la prétention d’être un prof de philo), mais juste pour me replonger dans cette atmosphère d’il y a 75 ans, et pour voir ce qu’inspire le sujet, à un vieil homme de 90 ans, qui a la vie derrière lui.
             J’avais arrêté à cause du Covid qui avait dénaturé les épreuves, mais  cette année elles semblent redevenues normales et je vais renouer avec cette tradition dans mon blog. Mais certains sujets ayant des aspects politiques, j’ai attendu que les élections législatives soient terminées pour publier ces articles du 20 au 23 juin.

              Le premier sujet me paraît intéressant, mais difficile parce qu’il comprend de multiples facettes :
            « Revient-il à l’Etat de décider de ce qui est juste ? »

             J’ai appris au lycée que avant de traiter un sujet, il faut essayer d’en comprendre l’énoncé et notamment de se poser des questions sur le sens des mots qu’il contient.

             Le mot « Etat » ne me semble pas trop ambigu. Mais quelle est sa limite?  On comprend évidemment qu’il s’agit de la puissance publique, mais la limite t’on à l’institution politique qui régit et organise la société, où faut il étendre cette notion aux bras séculiers de l’Etat, en particulier la Justice et la Police et par ailleurs ce rôle est il limité à l’Etat et n’y a t’il pas d’autres acteurs dans ce domaine ?

             Le mot « juste » me paraît beaucoup plus ambigu.
             C’est d’abord une notion idéale, en partie contenue dans la devise révolutionnaire        « liberté, égalité, fraternité », de ce qu’il faudrait faire pour que la société fonctionne au mieux, que personne ne soit lésé, que les décisions ne contredisent pas les valeurs de chacun, et que celles qui règlent les différents entre personnes, tiennent compte des différents intérêts de chacun, et du « bien » et du « mal » (chers aux américains, mais qu’est-ce ?) et permettent de rendre les arbitrages de façon satisfaisante pour les diverses parties..
            Facile à dire, mais dès qu’on rentre dans le détail, on se trouve face à des divergences, à des contradictions. Les valeurs ce chacun sont différentes, elles peuvent avoir un aspect moral, religieux, politique, relatif aux lois et aux règles. Or on voudrait que ce « qui est juste » soit le « bien commun » et ait un aspect universel.
              Et lors d’arbitrages, même si les deux parties sont honnêtes, elles ont des intérêts contradictoires, et il est bien difficile de trouver une décision qui satisfasse les deux parties. Mais même dans ce cas, cette décision serait elle « juste ».?


              On pourrait évidemment simplifier la question en disant que ce qui est « juste » est conforme à la loi.
               L’Etat a alors effectivement les moyens de décider ce qui est conforme à la justice : ce sont les lois, en principe élaborées par l’administration, mais ensuite discutées et votées, en France, par le Parlement et le Sénat.
               La loi est universelle, relevant en principe d’une volonté générale, puisque votée par des représentants élus par l’ensemble des citoyens, et devrait donc.garantir l’égalité des citoyens et protéger leur avenir..
               Mais nous venons justement de sortir des élections législatives. Quand on voit certains programmes de ceux qui doivent être nos élus pour promulguer les lois et décider de notre sort, mettre en avant la discrimination et la xénophobie, le mépris de la justice et de la police, inciter à la désobéissance aux lois votées si elles vous apparaissent défavorables, on peut se demander si l’Etat est vraiment à même de garantir ce qui est « juste ».
              Et nous sommes tout de même un état démocratique, mais on voit dans le monde de nombreux dictateurs, ou des dirigeants comme Poutine, entrainer des destructions énormes et faire des milliers de morts innocents, uniquement pour réaliser un rêve de puissance personnelle. Alors où est l’aspect « juste » de leurs actions ?
               Et, lorsque dans les états islamiques on voit la lutte entre chiites et sunnites, alors que leurs religions sont la même, et qu’il s’agit en fait de la domination d’une partie de la population sur l’autre, qui des deux détient ce qui est "juste".
               L’Etat n’est malheureusement pas une institution idéale et, s’il devrait certes prendre des décisions en fonction du bien commun et de la volonté générale, son action est trop souvent dominée par les intérêts de la classe dominante, de communautés, de lobbies, voire personnels.

              Le juge, qui appartient au pouvoir judiciaire de l’Etat, applique la loi pour sanctionner ou régler des litiges. Mais la loi reste générale et le juge est amené à l’interpréter dans la pratique pour prendre ses décisions. La jurisprudence rassemble ces décisions pour essayer de fournir une aide analogue à la loi.
              Mais ce sont des décisions humaines et un homme peut il garantir des décisions justes ? 
              En définitive certes l’Etat devrait décider de ce qui est juste, mais c’est un Etat idéal à qui cela serait possible, et s’il prétendait vouloir imposer ce qui est juste - comme les talibans en Afghanistan -, il peut être amené à mettre en oeuvre une politique autoritaire et dictatoriale, qui sert peut être les intérêts du groupe dirigeant, mais certainement pas la justice et le bien être de la population.

             Une autre difficulté existe vis à vis du rôle de l’Etat par rapport aux souhaits de chacun, qui devient de plus en plus grande dans notre monde moderne. Les décisions à prendre ont souvent des conséquences à long terme et leur étude est très complexe et difficile, nécessite des simulations prévisionnelles.
              Le citoyen voit les conséquences à court terme pour ses intérêts propres, qui peuvent être en partie contradictoires, d’où un sentiment d’injustice. On l'a vu lors de l’épidémie de covid, dans laquelle les mesures destinées à protéger les gens qui peuvent être malades, sont souvent en opposition avec la liberté de certains.

             Mais l’Etat n’est pas le seul à avoir à décider de ce qui « est juste ».
    Un PDG ou le directeur de ressources humaines , voire le chef d’un atelier ou d’une équipe de travailleurs, doit prendre des décisions et des arbitrages qui concernent des devenirs humains, et ils se trouvent donc face au problème de savoir ce qui est juste.
             Et en allant à l’extrême, le père et la mère de famille qui édictent des règles de conduite pour leurs enfants, ont aussi ce problème.

             En fait, pour moi, l’important n’est pas de savoir si c’est à l’Etat de décider ce qui est juste, mais c’est plutôt de savoir comment « déterminer et savoir ce qui est juste »

             La notion de justice intervient dans les décisions qui concernent les humains, ou bien celles qui ont des conséquences directes sur leur vie.

    En général elles entrainent des avantages et des inconvénients en partie contradictoires pour deux personnes ou deux communautés, ou bien un antagonisme entre la situation présente et la situation future.
            Il y a donc un choix, qui entraine dans une certaine mesure, à favoriser les uns au détriment des autres.
           Le juste est sans doute la solution qui minimise les désagréments de l’ensemble des personnes, mais cet équilibre est difficile à trouver.
    Et le sentiment d’injustice est très subjectif, car il résulte du fait qu’une décision a entrainé des conséquences que nous n’avons pas « méritées »
            Certes l’Etat a ce rôle pour des problèmes qui touchent l’ensemble de la population, mais de telles situations peuvent concerner les groupes et entreprises, mais aussi chacun de nous.
            Une éducation à la justice serait donc nécessaire dans l’instruction des enfants et des jeunes, et si la philosophie peut apporter sa pierre, un cours d’instruction civique pourrait aborder cet aspect
    J’en ai eu autrefois dans le secondaire, mais cela semble avoir été abandonné.

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    Le travail scolaire, il y a 80 ans. Le travail scolaire, il y a 80 ans. 

     

     

     

     

     

          

        Maintenant que vous avez une idée de l’ambiance de l’époque et des moyens que l’on trouvait dans l’environnement, je peux vous parler de nos études et essayer de répondre à votre question : travaillait on plus autrefois en classe ?

        La comparaison est difficile car les populations ne sont pas comparables. Aujourd’hui 80% des jeunes en France vont jusqu’au bac et la plupart l’obtiennent.
        Dans les années 45/50, 30% seulement des jeunes allaient dans le secondaire, après un concours ou un examen d’entrée en sixième, où les épreuves de français et de maths étaient difficiles (5 fautes en dictée éliminatoires, et les accents comptaient pour 1/2 faute; je crois que la plupart de nos bacheliers se feraient coller !). Cela éliminait plus de la moitié des élèves du primaire. Ils continuaient en apprentissage après le "certificat d'études".
        Une partie non négligeable s’arrêtaient en troisième (au brevet) ou se faisaient coller au premier bac, et les titulaires des deux bacs représentaient entre 15 et 20 % seulement. Il n’y avait pas d’option pour avoir des points supplémentaires, les épreuves étaient plus nombreuses et plus difficiles et avoir une mention bien ou très-bien était assez rare (il y avait toutes les matières à l’écrit, et déjà 30% de recalés, comme à l’oral, qui se passait dans la ville d’académie).
        La filière S (C à l’époque; il y avait aussi A lettres, B langues/biologie et M sans latin), était peu suivie parce que réputée difficile et il n’y avait presque pas de filles (elles se croyaient nulles en maths, ce qui est absurde, une fille pouvant être aussi douée qu’un garçon, si elle est motivée).
        La distinction collège, lycée n’existait pas : le « lycée » commençait en CM1 jusqu’en terminale, mais par contre il y avait un lycée de filles et un autre de garçons.
    Cependant à Pau, ville de 20 000 habitants, il n’y avait que deux premières et qu’une seule terminale C, mixte, au lycée de garçons; en terminale C (appelée « maths élem »), nous étions 24 garçons et 3 filles (une est devenues prof de maths, l’autre ingénieur et la troisième l’aurait été, si elle n’était morte accidentellement après sa prépa).
        Les jeunes qui n’allaient pas dans le secondaire suivaient une deuxième année après le CM2 et passaient le « certificat d’étude », puis des formations professionnelles ou allaient en apprentissage. Des formations techniques à des métiers existaient aussi pour ceux qui arrêtaient en troisième ou qui rataient leur bac.
        Il faudrait donc comparer les élèves du lycée de cette époque aux 20% des meilleurs élèves d’aujourd’hui, et je pense que ces derniers sont tout aussi motivés qu’on l’était jadis, même s’ils ont plus de tentations pour faire autre chose qu’étudier.
        Au plan de la motivation, les ados vont aujourd’hui au collège ou lycée, un peu parce que c’est obligatoire. Après la guerre, le chômage n’existait pas, et nous avions conscience que nos études préparaient le métier que nous aurions plus tard.

        Je pense donc que les 20 % des élèves les meilleurs aujourd’hui, sont comparables à ceux du secondaire, il y a 80 ans.
        Par contre il est certain que nous avions davantage de travail : les horaires étaient de 8h30 à 12h et de 14h à 17h30, et nous avions congé le jeudi après midi et le dimanche. Le samedi après midi était consacré aux sports de plein air, mais l’hiver certains samedi après midi étaient libres pour des raisons météo.
        Mais nous avions beaucoup de travail le soir. Non seulement les leçons, mais des exercices et en première et terminale, toutes les semaines, un devoir écrit de maths et de physique/chimie, et une composition française ou une dissertation de philo. Tous les trimestres des « compositions », examens en temps limité en classe.
        L’atmosphère surtout était très différente : nous respections nos professeurs comme nos parents, et il n’y avait pas de chahut, car il aurait été sanctionné lourdement.
        Nos professeurs étaient moins diplômés qu’aujourd’hui, mais leurs études comportaient deux ans de pédagogie et le bac pour instituteurs et une licence pour les professeurs du secondaire.
        Alors, ils savaient nous intéresser, bien que les seuls moyens  à leur disposition étaient leur voix, les livres et le tableau noir. En particulier ils connaissaient individuellement leurs élèves et essayaient de les aider en fonction de leur niveau.
        Ils demandaient notamment aux meilleurs d’aider les moins doués et, en cela, d’une part ils rendaient services aux deux élèves, car on apprend autant en essayant d’enseigner (il faut dominer son problème et être clair) et d’autre part ils instituaient un esprit de camaraderie (les meilleurs n’étaient pas traités comme aujourd’hui « d’intellectuels », car les moins bons avaient besoin de leur aide).
        De plus les professeurs repéraient ceux qui doués, comprenaient vite et risquaient de s’ennuyer ou de ne pas travailler. On avait droit alors, outre aider les moins bons, à des devoirs supplémentaires, plus compliqués (mais c’était un challenge), voire parfois à faire un bout de cours à la place du prof, repris et corrigé ensuite. Cela entraînait pour l’oral.
        Ils discutaient avec nous de nos idées sur un futur métier et essayaient de nous aider dans le choix de nos futures études.
        Et si j’ai par la suite réussi à entrer dans une grande école d’ingénieur, c’est bien à mon grand-père et à mes profs que je le dois, car ils m’ont donné, en plus d’une instruction,  la curiosité intellectuelle et le goût d’apprendre.

        Je pense donc que les élèves du secondaire, travaillent moins en moyenne, aujourd’hui qu’autrefois et qu’obtenir le bac est plus facile et malheureusement, prépare mal aux études supérieures. Et c’est vrai que l’on s’amusait beaucoup moins, mais cela ne nous manquait pas. En fait il n’y avait pas de « cancres » empêchant les autres de travailler, car ils s’étaient fait coller à l’examen d’entrée en sixième.
        Mais, que ce soit dans les classes de prépa, en BTS et DUT, (cela s'appelait autrement), ou à la Fac, les études supérieures sont aussi exigeantes aujourd'hui qu’autrefois. Les examens et concours sont différents (les sciences et les techniques ont évolué), de nombreuses autres matières sont apparues, mais ces sélections sont aussi exigeantes, et la quantité de travail demandée dans l’enseignement supérieur est toujours aussi importante, si l’on veut réussir.
        Malheureusement, entre le travail moins fourni nécessaire pour obtenir le bac, et toutes les tentations multimédia, les études secondaires n’habituent plus les élèves à travailler et ils se trouvent très démunis, tant au plan des méthodes que de la quantité de travail à fournir, à l’arrivée dans le supérieur. D’où bon nombre d’échecs, qui auraient pu être évités.

        J’espère avoir répondu aux questions qui m’étaient posées par cette évocation d’un passé lointain, qui étonnera certains, car, entre mon enfance et ma vieillesse, l’envi-ronnement, les sciences, les techniques et les moyens dont nous disposons ont beaucoup évolué. (notamment avec l'apport de l'ordinateur et des appareillages modernes.
         Mais je voudrais ajouter que les connaissances acquises lors des études sont importantes, mais ne suffisent pas, et qu’on apprend en permanence toute sa vie, tout en changeant d’activité, de poste, ou de métier, et que finalement, ce qui compte, c’est d’avoir appris à travailler, à se poser des questions et à chercher les bonnes réponses. C'est l'un des objectifs de l'enseignement secondaire.

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  • Ado, il y a 80 ans.

        Je ne sais pas si c’est la perpective des vacances dans un mois qui l'ont inspiré, mais un des quelques jeunes qui lisent mon blog, m'a demandé, après avoir lu un de mes articles sur l’école, si, quand j’étais ado, les jeunes travaillaient plus qu’aujourd’hui.
        Ce n’est pas si simple de répondre à cette question, car les temps sont très différents pour trois raisons au moins : la différence de fréquentation des lycées en nombre de jeunes, la formation des professeurs, et l’évolution des moyens notam-ment audiovisuels et informatiques.


        Les moyens techniques et audiovisuels, j’en ai parlé plusieurs fois sur ce blog : c’était au lendemain de la guerre.
        Non seulement les plastiques et les antibiotiques n’existaient presque pas, mais il n’y avait ni transistors, ni circuits électroniques intégrés (les puces); pas de télévision; les postes radio et les amplificateurs de « tourne disques » (disques 33 et 45 tours en vinyle écoutés grâce à une aiguille qui suivait le sillon) utilisaient d’énormes « lampes radio », qui chauffaient horriblement et mourraient tous les 2 ou 3 ans. (par contre on pouvait réparer soi même, car c’était aussi facile que de changer une lampe d’éclairage, juste acheter la bonne référence !).
        Les téléphones (fixes évidemment) étaient réservés aux professionnels et à quelques riches particuliers (manque de lignes et centraux électromécaniques très volumineux pour peu de lignes), et c’était onéreux.
        Evidemment ni ordinateur, ni appareil photo numérique, et les appareils argentiques, ou étaient de simple boîtes qui faisaient de très mauvaises photos, ou étaient très volumineux, extrêmement chers et les films de 12 photos revenaient cher à l’achat et au tirage. Les machines à écrire étaient mécaniques et difficile à utiliser pour quelqu’un qui n’avait pas reçu la formation de dactylographie. Les cours se prenaient à la main sur des cahiers.
        Les informations étaient prises dans les journaux (quotidiens et revues mensuelles) et la radio pour ceux qui avaient d’énormes postes (environ 20% de la population). Pas de poste portatif évidemment.
        Les cinémas étaient rares et ne jouaient en province que le soir et le week-end. Dans la petite ville du sud-ouest (Pau Pyrénées atlantiques) où j’habitais, qui avait environ 20 000 habitants, seulement deux cinémas, qui jouaient de bons films en noir et blanc et quelques films américains (souvent mauvais) en « technicolor » gueulard, mais c’était une curiosité que des films en couleur. Vu le prix, nous y allions moins d’une fois par mois et c’était une récompense.
        Evidemment pas de console de jeu, mais des jeux de société classiques et considérés aujourd’hui comme démodés par la plupart des jeunes : cartes à jouer classiques, tarots, dames échecs, mah-jong, petits chevaux, jeu de l’oie pour les enfants…
        Le sport se faisait au collège et au lycée, éventuellement dans de rares clubs municipaux payants.
        Pour faire un panorama de la vie d’alors, pas de supermarchés, rien que de petits commerces et un « grand magasin » de vêtements et objets pour la maison, par ville, de surface moyenne, aux enseignes limitées (plus de 50% étaient des « Printemps » « Galeries Lafayette » et « Prisunic »).
        Les voitures étaient en nombre limité, vu leur prix, (et toutes celles qui existaient pendant la guerre avaient été prises par les allemands), d’ailleurs l’essence était aussi chère qu’aujourd’hui. Les constructeurs français étaient pratiquement les seuls à vendre mais de l’ordre de 150 000 voitures par an (plusieurs millions aujourd’hui). Hors professionnels la voiture était un luxe, 10 à 15 % des ménages.
        Les bicyclettes étaient vieilles mais fonctionnaient encore car on les avait entretenues au mieux et on retrouvait enfin des pneus, des chambres à air et des patins de freins, introuvables sous l’occupation. (les allemands s'appropriaient toute la fabrication de caoutchouc synthétique)
        Pendant la guerre nous n’avions ni vêtements ni chaussures, et ceux qui avaient tenu le coup, étaient usés jusqu’à la corde (sauf quelques chaussures à semelle de bois, résistantes, mais inconfortables). Alors peu à peu on essayait de s’habiller mieux, mais ce n’était pas l’opulence. Un tricot ou un pantalon étaient de beaux cadeaux de Noël.
        Et coté nourriture, après les privations de la guerre, c’était la joie, mais les tickets de rationnement ont été encore en service de 1945 à 1949, et, si en province on pouvait se ravitailler chez le paysan et dans les marchés locaux, dans les grandes villes l’approvisionnement était beaucoup plus restreint, et les gens avaient la ligne « haricot vert », célèbre pour sa maigreur.
        Enfin pas de matériel domestique : machines à laver le linge ou la vaisselle n’existaient pas (lessiveuse sur le gaz et vaisselle à la main !). Les frigos étaient rarissimes (on utilisait des glacières et on achetait des pains de glace). Cuisinières à charbon ou à bois, pas de cocottes minutes ni de mixers. Les aspirateurs étaient rares et chers et donc on maniait le balais, la pelle et les serpillières.
        Beaucoup d’appartements n’avaient qu’éviers et lavabos et ni douches ni baignoires et il y avait des « bains publics ».
        A la campagne, il n’y avait pas toujours l’électricité ni surtout l'eau courante et les wc étaient une cahute dans la jardin, avec des rats et des araignées; de nuit les jours de pluie, il fallait parapluie et lampe de poche, pour gagner ces prétendues "commodités".

        Toutefois il ne faut pas croire que nous étions malheureux et que nous nous ennuyions. Je parlerai de l’école dans un autre article demain. Elle nous occupait une bonne partie du temps.
        Mais nous avions des nombreux loisirs, mais différents de ceux d’aujourd’hui. Nous avions aussi beaucoup de copains, mais pas de contact par messagerie ou portable, et donc nous nous voyions « en vrai », surtout pour faire du sport ensemble ou quelques balades en campagne, à pied ou à vélo. Eventuellement on s’écrivait, mais les timbres étaient chers, et bien entendu les pointes « bic » n’étaient pas encore inventées; on utilisait des stylos à plume avec des réservoirs, en caoutchouc, comme un compte goutte, avec lequel on aspirait l’encre dans une bouteille pour le remplir.
        L’hiver où il y avait moins de sports, on allait aussi les uns chez les autres, le jeudi après midi, pour le « goûter » et on discutait ou on jouait à des jeux de société.
        Le soir, une fois les devoirs finis, on lisait beaucoup, car les livres étaient notre bien précieux et j’avais la chance que mes parents et grands parents aient une bibliothèque très fournie. On écoutait aussi la radio avec les parents, et c’était eux qui choisissaient les émissions.
        Les rapports enfants-parents étaient un peu différents d’aujourd’hui. Certes les parents aiment toujours autant leurs enfants, mais ils s’occupent moins d’eux, si ce n’est pour les trimballer jusqu’à de multiples occupations extérieures.  Beaucoup plus de femmes travaillent aujourd’hui et ont moins de temps à leur consacrer.
        A l’époque, enfants et parents restaient ensemble et avaient des occupations communes le dimanche : balades s’il faisait beau, travaux à la maison (le bricolage était laborieux car tous les instruments étaient à main : pas de perceuse électrique notamment, mais des          « chignoles » à manivelle), du sport en commun aussi; quelquefois cinéma, ou un concert (classique et jazz). La musique à la maison était correcte à la radio, mais celle des disques était très déformée, mais on aimait quand même.
        Un point très différents : ados, nos parents étaient nos « modèles », et les couples étaient unis au moins en apparence. Aujourd’hui, le modèle à suivre des ados est constitué des autres jeunes, et les parents ne cachent pas leurs amours multiples.
        Il faut dire que l’influence sur les ados des médias, toutes puissantes aujourd’hui, était nulle, et la société de consommation n’existait pas.
       
        Et finalement, malgré le souvenir traumatisant de la guerre, je me demande si nous n’étions pas plus heureux que mes petits enfants, car nous disposions de peu de choses mais nous nous en contentions, nous avions certes des désirs, mais nous n’étions pas pressés de les satisfaire, et nous profitions des petites joies de tous les jours, sans vouloir toujours autre chose que ce que nous avions.
        Etre heureux de son sort, c’est une partie du bonheur

        Demain je vous parlerai de notre travail en classe, il y a 80 ans.

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