• D'où viennent nos idées moutonnières (1) : notre cerveau

    D'où viennent nos idées moutonnières (1) : notre cerveau

        Parmi les jeunes avec lesquels je discutais, il y a une dizaines d'années, j'avais une "muse philosophe" et elle m'avait écrit, un jour, la réflexion suivante :

    <<    Il faut "vivre avec son temps"
    Comment vit-on avec son temps ?
        J'ai longtemps cru que c'était simplement en se fondant dans la masse de ceux qui abdiquent. Qui étudient des choses non par intérêt mais par peur de ne pas s'intégrer au système ; qui se rendent à l'évidence de la folie, pardon, de la logique du monde, et essaient de s'y convertir pour ne pas souffrir leur solitude.
       Ces gens, ceux qui s'adaptent au mieux, sont ceux dont la pensée roupille. Inhibée, l'essentielle part de soi qui fait qu'on est humain ! Ne reste qu'une enveloppe de conformité, de soumission à des choses dont on croit qu'elles sont légitimes, et qu'on n'ose plus penser autrement.
       Est-ce que ça s'appelle vivre ? Est-ce qu'il n'y a pas un appel qui nous pousse à aller plus loin que les simples options intégration-confort-oubli ? 
        Mais "vivre avec", ce n'est pas "se laisser emprisonner dans".....>>

        Je crois que " vivre avec son temps" est un  thème qui nous préoccupe tous. Nous n’aimons pas être un mouton, mais si nous sommes trop originaux, nous risquons de vivre dans une prison de verre dont nous aurons perdu la clé.
        Peut-on penser par soi-même ? Au pays de Descartes et  du siècle des Lumières, cela me paraît presque une évidence. Et pourtant...
        En des temps reculés, le conformisme favorisait la survie. L'être humain ne pouvait subsister qu'au sein d'un groupe et adopter les pratiques et les habitudes de penser du groupe était le plus sûr moyen de s'y faire accepter et d'affronter l’adversité et la nature hostile.
        La sélection naturelle s'est faite dans le sens du groupe.
        Mais aujourd’hui, me direz vous, cet environnement a en partie changé. Notre société moderne et la relative autonomie de l'individu, ont affranchi ce dernier de la loi clanique et chacun se voudrait libre penseur.

        Je pense que ma muse était beaucoup plus forte que moi en philosophie car c’est son domaine d’études et je ne vais pas essayer de me mesurer à elle sur ce terrain; ce serait de la folie. 
        Je vais essayer de me demander quel est le dessous des cartes en allant voir ce que disent les  chercheurs en neurobiologie.

        Ils ont montré que le “noyau accumbens” (dont nous avions vu le rôle dans le domaine de l’apprentissage et du circuit de la récompense),  ainsi que des centres du girus cingulaire (dans le cerveau émotionnel) s’activent quand nous croyons avoir fait une faute intellectuelle et se mettent alors en rapport avec le cortex frontal qui réfléchit, et avec la mémoire et les circuits proches du centre de Broca qui font les calculs.
        Ils appellent cela le “circuit de détection des erreurs “. Un tel circuit s'active, par exemple, lorsqu'un élève donne en classe une réponse, qu'il croit bonne, mais que son professeur lui dit qu’elle est inexacte.

        Une étude de l’équipe de V Kloutcharev de l’Université de Nimègue  a montré que nous avions dans notre cerveau un “senseur de l'idéologie dominante”,  et que ce sont ....les mêmes centres de détection des erreurs !!
        Ces circuits cérébraux s'activent lorsque nous formulons un jugement qui s'écarte de la majorité, et nous conduit à réviser nos opinions pour mieux nous ajuster à l'avis ou au goût dominants.
        Dans des épreuves multiples, où on demande à des personnes de porter des jugements sur des sujets divers pour lesquels existent des clichés “politiquement corrects” (théoriquement les avis du plus grand nombre !), on  leur communique par moment l'avis de la majorité, en même temps qu’un scanner RMN mesure l'activité de leur cerveau et notamment des centres “de détection des erreurs”.
        Tant que l'avis de la personne correspond à celui de la majorité, ces centres sont au repos, mais si un écart apparaît, ces zones cérébrales s'activent.
        Comme l’élève dont je parlais ci dessus les personnes croient que leur avis est correct, jusqu’à ce qu’on leur dise que la majoriité pense autrement et là leur “circuit d’erreur” leur dit qu’ils se sont trompés, les poussant à réviser leur jugement.
        Qu'il s'agisse de la mode, des archétypes féminins, de l’avis des petits copains, ou du discours médiatique, ou de la morale, bref du “politiquement correct", le cerveau humain a sa boussole qui lui indique quand il s’éloigne de la direction du nord et lui demande de revenir à l'étable aux moutons !!
        C’est ce que montrent aussi des études récentes, qui confirment ce que savent bien ceux qui ont eu à diriger une équipe : que les personnes ayant peur d'être rejetées par un groupe adoptent les comportements habituels de ce groupe.
        Nous ne sommes plus au temps de la préhistoire, mais la loi de darwin a forgé en nous un outil de “pensée unique”, le gyrus cingulaire rostral” et le noyau accumbens et le "politiquement correct" a de beaux jours devant lui !

        Finalement ce n’est pas naturel de ne pas vouloir suivre les moutons et s’écarter raisonnablement des idées reçues, d’avoir, même un tout petit peu, d’originalité, alors je vais finir par m’admirer moi même ! Où va t'on ??
        Il est donc temps, je crois, d’arrêter mon article !   LOL
        Demain je me demanderai qui nous apporte ces idée moutonnières.

    Partager via Gmail

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :