• Comment les bactéries se protègent elles contre les virus : CRISPR-CAS9

              Dans mon article du 14 mai 2019, j'avais signalé l'expérience, théoriquement interdite d'un chercheur chinois, qui avait fait naître les premiers enfants modifiés génétiquement.
              Dans mon article, j'avais dit qu'il était facile de modifier un ADN avec des outils tels que CRISPR, sans expliquer ce que c'était et, cela est normal, on me demande ce qu'est ce "ciseau biologique".
              Je vais essayer de vous l'expliquer le plus simplement possible, en 2 articles, mais ce n'est pas très facile et j'espère que je ne vous raserai pas .

              Pour comprendre la méthode mise au point, il faut d'abord que je vous explique comment les bactéries se protègent contre des virus, par une sorte de vaccination. Ce système de protection a été baptisé CRISPR-CAS9 et il est schématisée ci-dessous.

              Pour se défendre contre les virus, la bactérie possède une mémoire et constitue une banque de données des ADN ou ARN des menaces auxquelles elle peut être exposée.
              Lorsqu'une bactérie est en contact avec un virus, elle va isoler des séquences de l'ADN ou l'ARN viral, en les repérant grâce à de petites séquences spécifiques appelées PAM,et va les insérer dans son génome, grâce à des enzymes appelles CAS qui permettent la découpe de cette séquence, dont les gènes sont insérés également dans le génome du virus. De plus, pour être efficaces, ces gènes ont besoin d'une autre séquence du génome, un petit ARN spécifique nommé par les chercheurs « Tract ».
              La banque de données CRISPR des bactéries est donc composée de suites des trois petites séquences Tract, CAS et  l’extrait d’ADN du virus rencontré, et elle regroupe donc le signalement de nombreux virus, qui sont ensuite transmis par réplication, aux descendants de la bactérie, constituant ainsi une sorte de vaccin.
        Cet extrait complémentaire du virus est ce qui permettra ensuite à la bactérie de le reconnaître.

    http://lancien.cowblog.fr/images/SanteBiologie-1/CRISPRCAS.jpg
    Commentaires du schéma :
        1 - La bactérie est infectée par un virus elle découpe, dans l'ADN du virus, une séquence ciblée, qui lui est indiquée par un repère : la séquence PAM.
        2 - Si elle réchappe à l’infection, elle a incorporé dans son génome cette séquence, suivie de deux gènes : le premier est celui d’une protéine CAS et le second celui d’un ARN guide TRACR
        3 - Une nouvelle infection du virus se produit.
        4 - Le gène CAS s’exprime et génère l’enzyme CAS. Le gène de TRACR libère un ARN Tracr, qui se lie à la séquence ciblée du virus. Il va à la rencontre du viruset sert de modèle de référence.
        5 - Grâce à cet assemblage modèle, ce guide reconnait le virus et localise sa séquence PAML suivie du morceau d’ADN à sectionner.
        6 - La protéine CAS a coupé l’ADN du virus en un point précis et il ne peut plus se reproduir

              Quand se produit une infection virale de la bactérie, chaque séquence CAS est alertée, ainsi que la zone adjacente du génome. Une enzyme CAS est alors produite ainsi qu’un petit ARN composé d’une séquence tract et du morceau du génome du virus stocké dans la mémoire génétique CRISPR de la bactérie.
              Ainsi peuvent être formés autant de petits ARN de reconnaissance que la bactérie a stocké de séquences virales dans son génome.
              Ces ARN vont aller à la rencontre du virus infectant, et si celui ci était connu de la bactérie, l’ARN Tract spécifique du génome de ce virus va le reconnaître.
              Lorsqu’il est reconnu, l’enzyme CAS va le couper en un endroit précis, l’empêchant ainsi de se reproduire. La bactérie est ainsi sauvée de l’infection.
              Ce mécanisme est voisin de celui des vaccins humains qui produisent des anticorps, capables de reconnaître le microbe infectant et ensuite de le faire détruire par les lymphocytes
              C’est assez extraordinaire de voir ainsi les bactéries s’immuniser contre les virus quand évidemment elles n’y ont pas succombé à la première infection, et transmettre ainsi cette immunité à leurs descendants.

    Comment appliquer ce mécanisme à d'autres ADN, par exemple humains.

              Les chercheurs qui ont mis en lumière ce mécanisme, ont réalisé que cette enzyme CAS avec son dispositif ARN de reconnaissance d’une séquence d’ARN ou d’ADN constituait un  remarquable outil pour couper la chaîne en un endroit précis et donc pouvoir ensuite la modifier        ;
              C’est évidement une source de manipulations génétiques, mais aussi un très grand espoir de possibilités de soins pour les maladies d’origine génétique, contre lesquelles nous sommes actuellement très démunis.
              C’est ce que j’essaierai de vous expliquer dans l’article de demain.

        Nota : Sans doute vous demandez vous ce que veut dire
              CRISPR:  je n’ai pas voulu vous ennuyer avec cela, mais pour les curieux c’est 
    « Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats » (Courtes répétitions palindromiques groupées et régulièrement espacées); il s’agit de ces répétitions dans le génome de la bactérie qui sont à l’origine du mécanisme de vaccination).

                CAS veut dire « Crispr associated protein » (protéine associée à Crispr). C’est une enzyme spécialisée pour couper l'ADN avec deux zones de coupe actives, une pour chaque brin de la double hélice.
                PAM signifie « Protospacer adjacent motif » (motif de reconnaissance adjacente); il est très court : quelques bases.

        Vous pouvez trouver pas mal de doc sur Google, mais elle est souvent un peu indigeste et la plupart en anglais.


     

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