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Par papynet le 18 Septembre 2022 à 08:16
Je parlais hier des perceptions subliminales. Puisque nous sommes dans les perceptions "bizarres", je voudrais vous raconter comment sont parfois perçues les couleurs.
Les couleurs, en fait, cela n'existe pas, mais c'est une construction de notre cerveau.
Ce sont des sensations produites par l’activité de certains neurones de nos centres d’interprétation de la vue, nous les appelons « couleur » et nous donnons un nom particulier à chacune de ces sensations, sensations et noms que nous apprenons à relier entre eux lorsque nous sommes enfants..
Dans ces centres cérébraux, nous trouvons des neurones particulièrement sensibles aux photons correspondants aux couleurs que nous nommons bleu, vert et rouge, et les objets que nous voyons réfléchissent en des proportions caractéristiques les photons correspondant à ces trois couleurs et le mélange des trois sensations correspondante caractérise une couleur à laquelle nous donnons un nom.
Et plus une personne s'exerce à affiner la mémorisation des diverses proportions RVB (rouge-vert-bleu) de ses sensations, plus elle affine sa perception des couleurs. C'est le cas d'un peintre ou d'un infographiste.
Ma fille, qui a fait une école de métiers d'art, puis de la décoration et de la peinture, voit des différences de nuances de couleurs que je distingue à peine !
Mais il y a bien plus curieux :
William McGeown et ses collègues, de l'Université de Hull, au Rogaume-Uni, ont montré qu' il suffit que le cerveau se déconnecte de ses entrées sensorielles, pour que les perceptions changent.
Ainsi, une personne hypnotisée dont les sensations sont déconnectées de la conscience et de la réflexion, peut parfaitement voir une tomate mûre verte, l'herbe rouge et la neige violette. Si leur hypnotiseur leur suggère, elles pourront voir un même objet, successivement de couleurs différentes. La mémoire n'est plus là pour dire le contraire.
Ces chercheurs ont même montré que certaines personnes très suggestibles n'ont même pas besoin d'hypnose pour imaginer des couleurs. ll suffit qu'elles décident de voir des taches de couleur sur un écran gris, pour les voir pour de bon, et sur instruction de l'expérimentateur, elles voyaient sur l'écran gris, des taches jaunes, vertes, bleues ou rouges et modifiaient donc volontairement les sensations de leurs centres d’interprétation de la vision..
Mac Geown a montré que, lorsque de tels individus se persuadent qu'un écran est rouge alors qu'il est gris, l'activité des neurones « rouges » des zones visuelles situées à l'arrière de leur cerveau et recevant habituellement les informations "rouge" en provenance des yeux, devient importante, et dépasse même très nettement celle d'autres personnes "normales" placées devant un écran coloré en rouge.
Sous l'effet de la volonté, les zones de perception semblent ainsi capables de produire "sur commande" ce que la personne, à la sensibilité particulière, désire voir.
De telles personnes sont très suggestibles et influençables et elles peuvent aussi entrer très rapidement dans un état de transe hypnotique après quelques instructions de l’hypnotiseur.
Cela montre que leurs centres d’interprétation des sensations peuvent plus facilement se déconnecter des organes de nos sens et obéir alors à des impulsions provenant d’autres centres du cerveau, soit par leur propre volonté, soit à la suggestion d’une tierce personne.
Les neurologues appellent cela des « hallucinations sur commande ».
Notre cerveau peut donc confondre ses propres constructions intérieures et les messages issus de la "réalité" et donc nous faire croire à une réalité autre, soit imaginée par nous mêmes, soit suggérée par d’autres.
Au cours de l'histoire humaine, des individus ont prétendu voir des apparitions, des signes célestes, ou des soucoupes volantes. Le cerveau d'une personne très suggestible, lorsqu'il se persuade intensément d'une chose, a le pouvoir de lui donner un caractère de "réalité perceptible" qu'il devient difficile de distinguer de la "réalité vraie".
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Par papynet le 17 Septembre 2022 à 07:58
J'ai déjà fait deux articles sur les perceptions subliminales, mais c'était plutôt sur leurs conséquences ou utilisations. (21/4/2018 et 28/10/2019)
Un lecteur m'a fait remarquer que j'aurais dû avant mieux définir ces perceptions. Il a raison
Je vais donc faire cet article à postériori.Nous sommes conscients d’un certain nombre de perceptions de notre vue ou de notre ouïe. Nos perceptions traversent le thalamus, puis vont dans des centres spécifiques d’interprétation. Le thalamus les rassemble ensuite de façon régulière et en transmet certaines au cortex préfrontal, le chef d’orchestre du cerveau. Il arrive aussi que celui-ci, qui pense, réfléchit et prévoit, demande qu’on lui transmette certaines informations.
Lorsque le cortex frontal reçoit ces informations, nous en sommes alors conscients et nous savons en quoi elles consistent.
Mais pour que cela puisse se faire, il faut que le stimulus de la perception soit supérieur à un certain seuil au dessous duquel le cortex frontal ne les prendra pas en compte.
Cependant les organes d’interprétation des sensations les reçoivent quand même et ces informations restent alors inconscientes on les appelle des « sensations subliminales » (au dessous du seuil).
En matière de vision, ce seuil est variable selon les personne, mais on considère que le seuil de perception minimal est de l’ordre de 20ms., et qu’au dessous de ce temps de passage de l’image, on ne la perçoit plus consciemment.
Mais il ne faut pas croire que toutes les informations au dessus du seuil soient conscientes, bien que perçues et interprétées. On parle alors de « perceptions implicites », c’est à dire d’une perception au dessus du seuil, mais qui reste inconsciente.
Par exemple, quand vous êtes en voiture, vous surveillez de nombreuses choses : le tableau de bord, le bruit du moteur, le paysage environnant et notamment les obstacles éventuels. Vous avez conscience d’une partie de ce que vous voyez ou entendez, mais pas de tout : vous ne voyez pas forcément consciemment les affiches le long des rues, ou du moins leur contenu, le bruit normal du moteur, le bitume de la route à courte distance…
Il m’est même arrivé un jour de congé, de me retrouver sur le chemin de mon travail, parce que je parlais à mon passager et que je ne faisais pas assez attention.
Donc au dessous d’un autre seuil minimal, plus bas, l’environnement ne peut plus être perçu du tout par nos sens, mais au dessus de ce seuil minimal et en dessous du seuil de perception consciente, nos sens perçoivent l’information, mais de façon inconsciente, et on parle de « perception subliminale ».
Et ces informations qu’elles soient implicites ou subliminales, sont toutes stockées provisoi-rement en mémoire, dans la mémoire de travail d’abord et pour une partie d’entre elle, dans la mémoire épisodique, pour une journée environ, jusqu’à ce que la plupart d’entre elles soient éliminées au cours du sommeil.
Le problème est de savoir dans quelle mesure le cerveau les traite quand même et donc si une telle perception subliminale peut néanmoins nous influencer.
Différentes équipes ont montré que l'on perçoit de façon subliminale des objets, des images, des lettres et des nombres. Concernant les mots, il a été établi que le cerveau perçoit leur structure de façon inconsciente, mais on n'était pas certain qu'il déchiffre leur sens.
Cependant, les neurobiologistes Lionel Naccache et Raphaël Gaillard de l'Hôpital de la Pitié Salpêtrière à Paris (unité INSERM 562), ont montré que l'on est également sensible au sens émotionnel d'un mot montré de façon subliminale, et que par conséquent, on en avait compris le sens.
D’autres chercheurs ont également montré que les perceptions subliminales pouvaient servir de déclencheur pour faire remonter en mémoire d’autres souvenirs ou pour aider un raisonnement.
Par exemple, on posait des questions à deux groupes munis d’écouteurs, et l’on avait suggéré aux membres de l’un d’entre eux, de façon subliminale, des éléments voisins des solutions aux questions. Ce groupe avait un taux de bonnes réponse très supérieur au groupe auquel on n’avait rien communiqué.
Diverses expériences ont été faites avec l’inclusion d’images subliminales dans des films ou dans des projections de diapositives, images en général incitatives.
Elles montrent que l’on peut influencer quelqu’un sur des questions sur lesquelles on n’a pas d’idée préconçue, mais qu’on ne modifie guère le opinions que l’on a déjà.
On constate aussi que l’influence dépend de notre situation mentale et physiologique du moment : par exemple des images de boissons subliminales peuvent influencer notre choix, si nous sommes assoiffés alors qu’elles ne le feraient pas en temps normal.
En France comme aux USA, l’utilisation d’images subliminales en publicité est interdit.
Mais dans la vie de tous les jours des images subliminales ou implicites sont utilisées couramment par notre cerveau : par exemple nous nous faisons une idée de ce que ressentent nos interlocuteurs, par un examen inconscient de leur visage et de leurs mimiques.
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Par papynet le 6 Septembre 2022 à 07:50
Aristote le premier a classé nos sensation en cinq sens, ceux dont tout enfant apprend les noms à l’école primaire.
Mais si on appelle sens tout ce que le cerveau appelle sensation, nous pourrions rajouter beaucoup de capacités autres
- d’abord tout ce qui concerne les données musculaires et viscérales : ce que l’on appelle la « somesthésie », qui est le principal système sensoriel. Les centres qui traitent ces données sont essentiellement sur le dessus du crâne.
La somesthésie désigne un ensemble de différentes sensations (pression, chaleur, douleur ...) qui proviennent de plusieurs régions du corps : peau, muscles, tendons, articulations, viscères; des informations fournies par de nombreux récepteurs sensitifs du système « somatosensoriel », situés dans les tissus de l'organisme (récepteurs d’actions mécaniques dans le derme de la peau ou des viscères, fuseaux neuromusculaires des muscles et neurotendineux des tendons, récepteurs de la racine des poils …).
- mais on peut aussi parler du sens de l’équilibre, la sensation étant assurée par les canaux semi-circulaires de l’oreille interne, qui orientés selon trois axes orthonormés, nous renseignent sur la position du corps dans l’espace, un peu comme le ferait des gyroscopes et le cervelet traite ces signaux en même temps que ceux concernant nos membres et nos muscles, et assure ainsi notre équilibre.
- pourquoi également ne pas parler de la sensation de faim et de soif, qui est ressentie au niveau de l’hypothalamus.
- on pourrait aussi détailler et particulariser certains aspects de la somesthésie : par exemple le fait de se sentir respirer ou d’être conscient dans certaines circonstances, des battements de son cœur.
- on peut aussi étudier certaines particularités de la vison comme par exemple la reconnaissance des visages ou des lettres de l’écriture ou certaines reconnaissances des sons spécifiques, comme la parole et le langage.
- et à la limite, certaines sensations sont peu conscientes voire inconscientes, les perceptions « subliminaires » de nos cinq sens, mais d’autres comme le sens du temps passé lié à notre horloge interne, ou les mécanismes qui permettent d’être conscient des sentiments ou des émotions d’une personne, à partir de l’observation de leur visage ou de leurs mouvements..
- alors on peut rêver et se demander si nous n’avons pas des capacités ignorées; serions nous sensibles aux champs électriques et magnétiques sans le savoir. Cela expliquerait que certaines personnes, plus sensible, trouve désagréable la proximité des antennes de relais hertziens notamment des téléphones portables.
Bien sûr la vision sert surtout à voir, l’ouïe à entendre les sons…, mais ce n’est pas aussi exclusif.
D’abord nos sens sont coordonnés entre eux : vison et audition nous alertent sur la venue d’un phénomène, dans le noir vous vous servez du toucher et de l’audition, mais vous êtes à l’affut de toute lueur pour vous guider, et odorat, audition et vue se complètent quand vous faites la cuisine.
La vision collabore avec la synesthésie pour coordonner et régler nos mouvements.
Mais il y a plus singulier : dans la rétine, il n’y a pas que des bâtonnets qui détectent l’intensité lumineuse et des cônes qui détectent au centre de la rétine, détails et couleurs. D’autres cellules sensibles à la lumière, règlent notre horloge interne (voir mes articles, sur l’horloge circadienne).
Ces cellules permettent à un aveugle dont les cônes et bâtonnets sont détruits, de savoir si une pièce est sombre ou éclairée, et une protéine qu’elles contiennent, la mélanopsine, est aussi présente dans la peau d’une grenouille. Mais ces cellules participent à la dilatation des pupilles et à l’orientation des yeux.
Des études sur des aveugles dont le cortex primaire d’interprétation des images était détruit, ont montré qu’ils n’avaient pas de vision, mais contournaient des obstacles, ou pointaient des objets qu’ils ne voyaient pas. Les signaux visuels passaient par d’autres voies, inconsciemment sans liaison avec le cortex préfrontal, (probablement via le thalamus), et permettaient de commander certaines actions.
Certains aveugles arrivent à se promener sans jamais heurter un obstacle et ils arrivent à décrire leur environnement dans une pièce par exemple.
lls émettent de petits claquements de langue dont les sons se réverbèrent sur les objets environnants et leur reviennent, leur cerveau analysant ces informations sur la position, la vitesse et la forme des objets environnants.
Leur cerveau travaille en quelque sorte comme un sonar.
Lorsque Thaler et ses collègues de l'Université de l'Ontario au Canada, ont étudié les performances de deux non-voyants, ils ont constaté que le premier, aveugle depuis l’âge de 13 mois, pouvait effectivement repérer un objet avec une précision parfaite dans son environnement, en décrire la forme et en mesurer la vitesse, uniquement avec des claquements de langue. Le second, devenu aveugle plus tard, à 14 ans, présentait des performance similaires mais moins bonnes.
Les investigations faites en imagerie cérébrale (IRM), ont montré que lorsqu’ils émettaient des claquements de langue et en observaient les sons, ils activaient la zone du cerveau normalement dévolue à l’interprétation de la vision, à l’arrière du crâne.
Les milliards de neurones de leur cortex visuel, n'étant plus utilisés pour traiter les signaux lumineux ont été reconvertis pour participer à l’élaboration de cartes mentales en 3D. Les informations utilisées pour la constitution de ces cartes ne sont plus de nature visuelle mais sonore.
Les performances supérieures du premier aveugle s'expliquent par le fait que les connexions entre l’oreille, le centre de traitement des sons et le cortex visuel ont pu se mettre en place plus tôt et, par conséquent avec plus de précision, le nombre de connexions étant vraisemblablement plus important.
Chez ces aveugles, l'adaptation a eu lieu en quelques années ; grâce à la plasticité cérébrale, les aires visuelles inutilisées ont été reconverties pour traiter les sons de repérage, permettant l’élaboration d’une sorte d’image de l’environnement analogue à celle que nous obtenons habituellement grâce à notre vue.
Des études faites sur la souris en 2010, ont montré que des émissions de sons entraînaient des signaux dans les centres olfactifs. Alors qu’on a le nez bouché, on peut ressentir l’odeur de ce qu’on mange, car les récepteurs du goût transmettent en partie l’information.
Enfin de nombreux animaux ont des cellules sensibles aux champs magnétiques et s’en servent pour se diriger (notamment oiseaux et poissons). Des chercheurs ont découvert que nous avons une protéine dans nos yeux, sensible à la lumière, qui, chez la mouche, est sensible au magnétisme. Peut être somme nous légèrement sensibles sans en être conscient.
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Par papynet le 28 Août 2022 à 07:57
J'ai fait, il y a 3 jours, un article sur les anomalies de l'audition.
Je ne résiste pas à l’envie de résumer un article de Podcast Science, qui a été fait à partir de l’oeuvre du paléontologue américain Stephen Jay Gould (1941-2002), professeur à Harvard, lequel a beaucoup contribué à la vulgarisation des lois de Darwin sur l’évolution et écrivait des articles hebdomadaires dans la revue « Natural History ».
Les articles sur ses réflexions concernant l’histoire naturelle, ont été rassemblés dans un livre « Les huit doigts de la main » et l’un d’entre eux, « un coup de gueule plein les oreilles” », traite de l’évolution qui a abouti aux os de notre oreille actuelle.
Le titre de ce livre est une boutade, car Stephen Jay Gould nous dit que, si nous avions eu huit doigts au lieu de dix, nous compterions aujourd’hui dans un système à base 16, et peut être aurions nous imaginé plus tôt l’informatique.
L’une des grandes idées de Stephen Jay Gould est que, au cours de l’évolution, un organe peut avoir plusieurs fonctions mais également qu’une fonction peut être remplie par plusieurs organes. Ceux-ci se différencient peu à peu.
Revenons aux oreilles, à l’origine, au système auditif des poissons préhistoriques.
Ces premiers poissons n’avaient pas de mâchoires. De cette lignée il reste quelques poissons telle la lamproie, qui fait partie du groupe des poissons « agnathes » (sans mâchoires).
Ces poissons avaient ce que l’on appelle une « ligne latérale », organe sous la forme d'une ligne, continue ou non, parcourant les flancs du poisson, et qui permet la perception des vibrations de l’eau, et ainsi, entre autres, la perception du son.
Sur la photo de la lamproie, on voit les ouvertures des branchies, chacune d’entre elles étant soutenue par deux arêtes en forme de < . De part et d’autre des muscles permettent au poisson de bouger ces arêtes et le tissu qui les entoure, afin de contracter ou de dilater les ouïes des branchies.
C’est à partir de ces arêtes que sont peu à peu apparus les os de la mâchoire.
Chez les poissons, il y a environ 500 millions d’années, une carapace écailleuse est apparue, à l’extérieur du corps, puis des cartilages qui sont devenus os. Ces os ont formé d’abord l’épine dorsale, puis il y a 400 millions d’années, la mâchoire est apparue, s’articulant comme les arêtes des branchies, et les muscles des mâchoires sont organisés comme ceux qui permettent les mouvements des ouïes des branchies.
Un os de consolidation, dérivé des structures de soutien des branchies, a relié les mâchoires aux os du crâne (il porte le nom horrible « d’hyomandibulaire »), qui aide les branchies à se remplir ou se vider de leur eau, en servant d’accrochage aux muscles.
On retrouve cet os, devenu robuste et épais, chez les premiers tétrapodes terrestres, dont on a retrouvé des fossiles datant d’environ 350 millions d’années dans le Groenland, (voir ci dessous la photo d’un « Ichthyostega »). Cet os servait de renfort entre mâchoire et crâne, mais aidait probablement également la respiration. Il devait en outre avoir un rôle dans l’audition.
Par la suite,comme cela s’est produit indépendamment dans plusieurs lignées de vertébrés terrestres, la mâchoire supérieure s’est fermement soudée à la boîte crânienne. L’hyomandibulaire n’ayant alors plus d’utilité pour lier la mâchoire au crâne, il a alors pu se perfectionner dans son rôle auditif. C’est lui qui est devenu « l’étrier » de l’oreille interne (son nom médical est le stapes).
Comme je l’ai décrit dans un précédent article, il y a trois os dans l’oreille interne : le « marteau » (nom biologique le «malleus), « l’enclume » (« l’incus ») et l’étrier (le stapes).
Le marteau et l’enclume, faisaient partie des mâchoires chez les premiers vertébrés, où Ils jouaient un rôle dans leur articulation, et c’est toujours leur fonction chez les amphibiens, les reptiles et les oiseaux actuels. (on les appelle os carré et os articulaire).Les oiseaux n’ont en effet pour leur audition qu’un seul os, un « stapes » (ou étrier), issu de l’ancien os hyomandibulaire.
Ce qui est assez extraordinaire, c’est que au cours de la formation embryonnaire d’un vertébré, les différents organes se différencient et cette différenciation se fait de façon analogue à celle subie au cours de l’évolution. On peut ainsi montrer que l’étrier est issu des mêmes tissus qui donnaient naissance chez les poissons à l’hiomandibulaire, et que la mâchoire inférieure provient d’un cartilage, qui se différencie en donnant également le marteau, alors que l’enclume dérive du même cartilage que la mâchoire supérieure.
Et chez les kangourous, le bébé initial encore proche de l’embryon qui va vivre quelques temps dans la poche ventrale de sa mère, a encore des osselets auditifs soudés aux mâchoires et ils ne se séparent qu’au cours du développement dans la poche maternelle.
On a trouvé aussi quelques fossiles ayant en fait une double articulation dans les mâchoires, à la fois entre os carré et os articulaire, et entre les os actuels de la mâchoire (os dentaire et os squamosal). Ce doublon ne pouvait pas subsister et ces mammifères ont disparu, les os carré et articulaire évoluant vers leur spécialisation actuelle de marteau et d’enclume. Ce double emploi a été constaté chez des animaux aux doux noms de Morganucodon, et de Megazostrodon, dont les photos sont ci dessous.
Ces animaux vivaient, il y a 200 millions d’années.
Les premiers mammifères avec une oreille interne munie des trois osselets sont apparus, il y a 150 millions d’années.
Un petit mot des serpents : ils n’ont ni oreille externe, ni tympan, si bien que de façon un peu anthropocentrique, on a longtemps cru qu’ils étaient sourds. En réalité, la majeure partie de leur corps est sensible aux vibrations sonores, et celles-ci semblent être transmises à l’oreille interne par l’intermédiaire de leurs poumons (de grandes dimensions) mais également grâce à leur mâchoire inférieure en passant par le carré, puis le stapes.
D’autres expériences directes sur plusieurs espèces de lézards avaient également montré que les sons étaient transmis au cerveau par cette voie.
J’ai toujours été fasciné par l’évolution qui est un processus extraordinaire, où l’on voit les organes évoluer, remplir une nouvelle fonction en même temps que l’ancienne, se perfectionner et se dédoubler, puis se différencier pour ne pas faire double emploi, mais se perfectionner dans cette autre fonction. C’est ce qui est arrivé à certaines des arêtes des branchies des poissons, devenus os de la mâchoire, avant de se différencier pour devenir les os de l’oreille interne des mammifères.
Mais il ne faut oas être pressé, il faut pour cela des millions d’années.
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Par papynet le 25 Août 2022 à 08:31
J'ai fait les 15 et 16/06/2018 deux articles sur la physiologie de notre oreille et l'interprétation de ce que nous entendons par les centres de l'ouïe. Je vous renvoie à ces articles avant d'aborder aujourd'hui, des anomalies de l'audition.
Une première sorte de perturbation concerne l’oreille externe.
Le conduit auditif du pavillon peut être bouché par des sécrétions naturelles graisseuses de glandes, appelées « sébum », qui recueilles des débris morts de peau et s’oxydent à l’air, formant le « cérumen », dont le rôle est de protéger les parois du conduit de l’eau qui pourrait y pénétrer et de piéger les corps étrangers, les poussières, et les bactéries, qui sont ensuite éliminés grâce aux propriétés anti-bactériennes du cérumen.
L’usage répété de cotons-tiges tasse le cérumen ou l’usage de prothèses auditives ou de bouchons d’oreille, en stimule la production, la présence d’eau (baignade), freine son expulsion, de même que la présence de poils.
Le bouchon peut obstruer le conduit, et durcir en s’oxydant ou bien bloquer la vibration du tympan. Cela entraîne une baisse d’audition, voire des bourdonnement ou même des vertiges.
Le tympan peut être irrité par des corps étrangers ou des microbes, entraînant une otite douloureuse, et des problèmes d’audition. Il peut même dans certains cas, se rétracter ou se perforer.
Il faut alors aller consulter un oto-rhino.
Le deuxième type de perturbation concerne l’oreille interne.
Je ne parlerai pas des troubles concernant les canaux semi-circulaires, qui se manifestent sous forme de perturbation des repères spatiaux, de l’équilibre et de vertiges.
Des problèmes peuvent concerner les os entre le tympan et la colchée : inflammation, dégradation, éventuellement félure ou cassure, qui perturbent la transmission de la vibration du tympan à la colchée.
Mais la principale difficulté est celle du vieillissement et des ruptures des cils de la colchée, soit avec l’âge, soit par suite d’audition de sons trop intenses : baladeurs ou salles de concert.
Comme le montre le graphique ci dessus, tiré d'un livre médical, on constate que cette perte de sensibilité avec l’âge, atteint en particulier la partie « haute » (aigus) du spectre audible, celle qui correspond à l'intelligibilité du langage. La partie « grave » reste indemne. Mais elle ne participe pratiquement pas à la communication verbale, et partiellement à l'esthétique musicale
Notre cerveau s'accoutume de ces pertes de sensibilité et les compense partiellement, ce qui fait que globalement on ne réalise pas vraiment cette dégradation de l'audition mais plus fréquemment une perte au niveau de l'intelligibilité de la parole, en particulier dans les milieux bruyants, de conversations multiples ou de bruits ambiants divers ou quand on vous parle d’une autre pièce par exemple. Les personnes âgées constatent souvent cette mauvaise compréhension du langage en écoutant des dialogues à la télévision ou la radio.
Une étude faite sur des souris, par Christine Petit, professeur au Collège de France, qui semble extrapolable à l’homme, montre qu’une atteinte de la perception de la parole n’est pas forcément accompagnée d’une forte diminution de l’acuité aux sons aigus, mais qu’elle serait due alors à une difficulté pour la colchée de discriminer deux sons de fréquence voisines. Cette difficulté serait surtout importante pour coder des sons aigus dans une ambiance de sons graves (cocktail typique d'une ambiance bruyante mais aussi d'une voix masculine).
Des méthodes de mesure ont été mises au point, permettant de mieux adapter les prothèses auditives.
On constate que lorsque les cils vibratiles sont soumis à de forte pressions, ils fatiguent, voire se cassent.
Le seuil dépend du niveau sonore et du temps pendant lequel on le subit car l'oreille récupère en partie pendant les silences.
Ainsi une pression acoustique de 120 dB pendant 1 seconde ne laissera généralement aucune trace, une pression acoustique de 100 dB, (c'est à dire une pression acoustique 10 fois moins importante) pendant une heure sera préjudiciable à une écoute fine le reste de la journée.
SI on trace un diagramme analogue au précédent, après avoir été soumis à un niveau sonore de 110 db pendant 10 minutes, et cela après 1 minute de repos, puis 15 minutes, une heure, un jour après on constate de très fortes détériorations qui s'atténuent peu à peu, mais qui peuvent ne pas revenir complètement à la normale.
Au sortir d'un concert qui peut dans de nombreux cas atteindre les 110 db, vous avez une audition aussi dégradée que la mienne à 90 ans !!
Evidemment c'est vrai également pour toute personne travaillant dans un milieu sonore très élevé de machines (par exemple un marteau piqueur, un chaudronnier....mais aussi certaines motos et tondeuses à gazon).
Toute personne qui, à la suite d'un concert bruyant a souffert de sifflements d'oreilles ou de bourdonnements (on appelle cela des acouphènes), est une personne dont les qualités auditives ont été atteintes pour quelques heures ou définitivement.
Lorsque l'on souffre de tels désagréments, il est déjà trop souvent trop tard, le mal est fait, et même si cela n'est pas immédiatement perceptible, c'est généralement irrémédiable.
Dans un pareil cas, vous avez moins de 24 heures (limite extrême, 72 heures) pour trouver un ORL, spécialiste de ce genre d'accident, et vous faire traiter dans l'urgence. Après c'est trop tard !
On trouve très peu d’articles sur les perturbations de l’interprétation des sons par le cerveau et les maladies correspondantes.
Les fibres nerveuses sont lésées lorsqu’il existe une tumeur locale, une infection (méningite) ou un accident vasculaire cérébral.
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