• Comment fonctionne notre attention ?

          Beaucoup de personnes, aujourd'hui, se plaignent d’avoir beaucoup de mal à fixer leur attention sur un sujet qu’ils doivent traiter et se demandent comment faire pour cela, et également comment leur cerveau peut « faire attention à ».
         Je vais essayer de répondre en deux articles.

        Voyons d’abord comment le cerveau réagit pour fixer notre attention sur un objet.

        Les yeux captent en permanence des images de l’environnement qui sont transmises via le thalamus, aux centres d’interprétation de la vision en arrière du crâne.
        Mais ces images interprétées ont une durée très courte si elles n’ont rien de particulier, et elles s’effacent d’elles mêmes.
        Deux cas particuliers peuvent se produire :


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            - pour des raisons diverses, nous voulons volontairement faire attention à un objet, dont par exemple nous ne connaissons pas la nature. Notre cerveau doit alors prolonger le temps pendant lequel l’image interprétée peut être « observée ».
        Notre cortex préfrontal amplifie alors l’activité des neurones du centre d’interprétation concernés par cet objet, et il met en connexion avec un autre centre du gyrus fusiforme (voir schéma ci-contre), qui va pouvoir conserver un peu plus longtemps la perception correspondante. Ce centre identifie les objets : c’est le « quoi » dont j’ai parlé dans certains articles sur la vision.

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            - quelque chose d’inquiétant arrive, qui pourrait menacer votre sécurité. Or les images sont toujours transmises en parallèle avec le thalamus, aux centres amygdaliens. Si ceux ci décèlent une anomalie, ils alertent alors aussitôt le cortex préfrontal, en même temps qu’ils obligent la vision et son interprétation à se concentrer sur cet objet ou phénomène insolite, en agissant notamment sur les centres moteurs qui orientent l’œil (voir 2 et 3 sur le schéma). Le cortex préfrontal prend ensuite la direction des opérations (1 sur le schéma).
        Quand l’attention est ainsi focalisée, les yeux et l’interprétation de ce qu’ils voient, sont fixés sur la tâche en cours et peuvent ne pas remarquer d’autres événement : ainsi le psychologue américain D Simons, avait demandé à des joueurs de baskett de compter pendant quelques minutes en jouant, le nombre de rebond et de passe de chacun, et il avait fait traverser le terrain par une personne déguisée en gorille. Aucun joueur ne l’a remarquée!
        L’attention peut être ainsi focalisée sur un sujet imposé volontairement par le cortex préfrontal, ou bien attirée tout à coup par un phénomène insolite.

         C’est en général une perception anormale : image, couleur, son, odeur…. Si le gorille dont on vient de parler avait été rouge, ou avait rugi bruyamment, peut être les joueurs l’auraient ils vu.
        Ce qui est certain c’est qu’il faut que la perception soit nettement perçue. On verra mieux des objets aux formes précises, de couleur vive…. et il faut en outre que ce ne soient pas des perceptions qui arrivent souvent, auxquelles notre cerveau est habitué.
        Par contre, dans ce domaine, il peut y avoir des perceptions particulières auxquelles est attachée une alerte : par exemple lorsque vous conduisez un feux qui passe du vert à l’orange ou au rouge.
        L’attention est donc en permanence sous le contrôle de ce qui se passe autour de nous et notre système de perception peut ainsi être concentré sur les phénomènes qui peuvent interagir avec nous.
        Lorsque le cortex préfrontal veut imposer de faire attention à une tâche donné, il force les perceptions à s’orienter volontairement vers les objets concernés, en mobilisant les aires d’interprétation, le dialogue avec le thalamus et les centres amygdaliens, la commande des mouvements des yeux, et l’hippocampe et notre mémoire, qui nous lient aux connaissances passées. Ainsi, si nous cherchons un  livre dans notre bibliothèque, le regard va s’orienter vers les étagères, la mémoire va essayer de se rappeler où était le livre, le cortex préfrontal va ordonner à la vue de se concentrer sur les titres et aux centres du langage de les lire et de reconnaître le titre recherché.

        En fait il y a un équilibre permanent entre l’attention volontaire commandée par le cortex préfrontal et celle d’alerte déclenchée principalement par les centres amygdaliens, avec dans les deux cas le soutien de la mémoire.
        Ainsi, si vous avez perdu un bracelet sur la plage, vous examinerez attentivement le sable dans un  périmètre donné, mais si tout à coup, un crabe sort du sable, votre attention se portera un instant sur lui, jusqu’à ce que vous compreniez que c’est un événement sans importance et sans rapport avec votre recherche.
        Dans le quotidien de nos actions, nous avons ainsi des tâches à accomplir volontairement, mais elles sont aussi sous l’influence de facteurs extérieurs qui les perturbent
        C’est ce que je développerai dans le prochain article.

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  •              J‘ai souvent dit dans mes articles que le cerveau continuait à se former au cours de l’adolescence notamment au niveau du cortex préfrontal, qui est le chef d’orchestre du cerveau, le siège de la réflexion, de la prévision, de l’organisation et de la conduite de l’action. Cette maturation est à la fois physiologique, mais aussi due à l’apprentissage, notamment engendré par la vie et l’instruction.
                C’est la raison pour laquelle les adolescents ne savent pas bien prévoir les conséquences de leurs actes et se prémunir contre les dangers, surtout si les actes correspondants sont source de plaisir.

                L’IRM, qui permettait de voir si certains centres du cerveau étaient actifs ou non, permet maintenant de mesurer l’importance des connexions entre deux centres. Par ailleurs, de même qu’on applique la théorie des graphes pour résoudre des problèmes de communication, on peut l’appliquer aux connexions entre centres cérébraux.
                De récentes études mettent en lumière de nouveaux résultats, qui montrent d’une part l’étonnante plasticité du cerveau humain, mais aussi que celui ci évolue favorablement encore longtemps après l’adolescence.
                On croyait en effet que les performances cérébrales diminuaient à partir de 25 ans, ce qui n’empêchait pas de continuer à accroître ses connaissances et son expérience. Cela tenait du fait que les neurones ne se reproduisent pas et que donc leur nombre diminuera tout au long de notre vie ? On pensait donc que la performance du cerveau baissait en même temps que le nombre de neurones.
                Il reste exact que les aires cérébrales notamment frontales, croissent encore à l’adolescence et que le nombre de neurone diminue ensuite avec l’âge. Mais ce n’est pas l’évolution la plus importante.
                 Les récentes recherches ont montré que les communications entre groupes de neurones s’intensifiaient surtout entre 12 et 30 ans. Comme le montre la figure ci dessous, empruntée au magazine « Pour la Science », les connexions entre certains groupes de neurones s’intensifient (lignes noires qui s’épaississent sur le schéma), et certaines zones deviennent davantage interconnectées  entre leurs propres neurones (cercles verts qui s’agrandissent sur le schéma) et ceci non seulement dans le cerveau frontal, mais aussi au niveau du cerveau émotionnel.
                Ces renforcements permettent à l’individu de s’adapter en se spécialisant, aux tâches auxquelles il est confronté, non seulement celles intellectuelles et de réflexion, mais aussi dans la vie relationnelle en société, ainsi qu’aux problèmes psychiques qui lui sont propres.

    La plasticité du cerveau des jeunes.


                Le renforcement des connexions se réalise de plusieurs façons : d’une part il y a augmentation des connexions dendrites-axones, mais aussi un renforcement des connexions privilégiées entre deux neurones par augmentation de la quantité de neurotransmetteur disponible et abaissement du seuil de déclenchement de l’influx nerveux.
                Mais globalement on constate une augmentation de la matière « blanche ». C’est le résultat d’une myélinisation des fibres nerveuses : la myéline est une substance graisseuse, constituée à partir de cellules astrocytes, et qui entoure les axones, les isolant au plan électrique. Elle permet d’augmenter la vitesse de l’influx nerveux d’un facteur 10 à 100. L’information circule plus vite de ce fait entre neurones et donc un centre peut recevoir davantage d’information.
                Il semble qu’il y ait un ajustement particulièrement précis des temps de parcours entre neurones connectés, car un neurone recevant des influx de plusieurs autres ne donnera lui même un signal que si la somme des influx entrants est supérieure à un certain seuil, mais ceci pendant un laps de temps très court. Comme les influx entrants viennent de neurones à des distances différentes, la synchronisation exige que les temps de parcours soient adaptés pour que les signaux arrivent au même moment.
               Et si les connexions qui servent souvent sont renforcées et optimisées, celles qui ne servent pas sont supprimées.
               Notre cerveau se modifie donc toute notre vie, mais il évolue beaucoup d’abord dans la prime enfance par apprentissage de l’environnement et de son propre corps, avec une augmentation de la matière grise, puis à l’adolescence mais cette fois avec une diminution de la matière grise (élimination) et une augmentation de la matière blanche (myélinisation).
              La quantité de matière grise culmine au début de l’adolescence pour les centres des sensations, mais elle ne sera maximale pour le cortex frontal qu’en fin d’adolescence

               En fait le cerveau d’un adolescent s’adapte énormément à l’environnement et à son devenir. C’est pourquoi il est très préjudiciable si les apprentissages qui devraient le former n’ont pas suffisamment lieu, que ce soit éducation ou instruction.
              De même les perturbations physiologiques : tabac, cannabis, drogues, alcool, sont davantage préjudiciables, car elles entravent la formation du cerveau.

              Enfin un problème important perturbe l’adolescence et notamment empêche les adolescents de mesurer les risques qu’ils prennent.
              Leur cerveau émotionnel évolue en premier alors que leur cortex préfrontal n’a pas encore suffisamment évolué.  C’est comme si, à un moment donné leurs émotions étaient en avance pour ler âge, alors que leur raisonnement était en retard.
             Ce phénomène est schématisé ci dessous (le schéma étant aussi emprunté à « Pour la Science ») .

    La plasticité du cerveau des jeunes.

              Un autre problème apparaît de nos jours : les adolescents actuels passent beaucoup de temps sur les moyens multimédias et sont donc confrontés à un nombre énorme d’informations, certaines bénéfique, mais de nombreuses non pertinentes ou inutiles et certaine même nuisibles. Le problème est que ces informations sont susceptibles de provoquer chez eux des émotions, mais que leur cortex préfrontal a des difficultés pour en faire le tri.  Les adolescents sont donc plus exposés qu’autrefois aux dangers de l’environ-nement et cela d’autant plus que l’influence éducative des parents a considérablement diminué et que l'école ne leur apprend pas encore assez à se servir intelligemment d'internet.

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  • Bébé évolue : la "théorie de l'esprit".


        Les psychologues ont une dénomination que je trouve bizarre et peu explicite : « la théorie de l’esprit ». Qu’est ce ?
        C’est le fait de pouvoir expliquer les actes d’autrui (et éventuellement de soi même) et de les prévoir, grâce à l’observation d’états mentaux, souvent d’ailleurs perçus intuitivement et inconsciemment.
        Ce n’est pas quelque chose d’évident et cela fait partie du développement des enfants, sujet qui me tient à cœur.
        Jusqu’à 4 à 5 ans l’enfant n’a pas cette capacité qu’il acquiert progressivement à partir de 18 mois environ (en fait à partir du moment ou il commence à comprendre le langage).
        Lire et écrire le conforteront car cela développera ses moyens d’expression.

       
        Le bébé considère que les autres et notamment sa famille, sont le reflet de lui même et ont les mêmes pensées et il compte sur eux pour satisfaire ses désirs.
        La première étape, vers un an à 18 mois, est de se rendre compte que les autres peuvent voir le monde autrement que lui. L’enfant n’explore plus le mo,nde seul mais avec les autres, il regarde là où les autres regardent, il leur montre des objets, il réclame des actions : il découvre qu’on peut partager des pensées.
        Mais, à ce stade, il ne sait pas dans quelle mesure la pensée d’autrui peut être différente de la sienne, et il est incapable de comprendre le mensonge ou la plaisanterie.
        A 18 mois l’enfant coopère à des actions : quand je revenais de faire des courses avec deux cabas dans les deux mains, mon fils de 19 mois poussait devant moi la porte de la cuisine fermée, pour que je puisse passer.
        Mais la réalité était parfois difficile à comprendre : il y avait un interphone de surveillance entre la chambre des enfants et la nôtre et les jeunes enfants avaient du mal à comprendre qu’on pouvait leur parler sans être dans la pièce.

        A cet âge l’enfant croit que les autres ont le même savoir que lui. Quand on changeait devant mon fils la place de la balle du chien dans la pièce, alors que le chien n’était pas là, il ne comprenait pas que le chien aille la rechercher d’abord à son ancienne place : puisque lui savait où elle était, le chien aurait dû le savoir aussi ! Le savoir de l’enfant, c’est la réalité pratique et visible.
        L’enfant ne s’apercevra vraiment que les autres ne pensent pas comme lui que lorsque le langage lui permettra de communiquer de façon suffisante pour comprendre la pensée d’autrui.

        Le stade suivant est pour l’enfant de s’apercevoir que quelqu’un peut avoir une opinion sur un sujet, qui pour lui est fausse et non conforme à la réalité, et notamment que quelqu’un peut volontairement mentir.
        Le premier pas est de se rendre compte qu’une réalité peut être vraie pour l’un et fausse pour l’autre.
        Habituellement les gâteaux du goûter étaient rangés dans un placard bas de la cuisine. Devant mes deux fils je mettais le paquet de gâteaux dans le frigo (ce qui est idiot!), puis je leur demandais « Où votre sœur va t’elle chercher le paquet de gâteaux.
        Mon deuxième fils, qui avait 3 ans répondait « dans le frigo », car c’était ce qu’il savait de la réalité. Mon fils aîné qui avait 5 ans, comprenait que sa sœur n’étant pas là, ne pouvait connaître ce nouvel emplacement et répondait logiquement « dans le placard ». Il savait que quelqu’un pouvait avoir une représentation de la réalité différente de la sienne, mais cela de façon logique et sincère.
        Par contre, même à 5 ans, l’enfant prend en général assez mal une plaisanterie, car il ne s’imagine pas sur le moment que ce n’est pas la vérité et cela le vexe de s’être fait berner.

        Le deuxième stade est en effet de s’apercevoir qu’autrui peut volontairement penser quelque chose de faux, en sachant que ce n’est pas conforme à la réalité.
        Au départ l’enfant pense que la personne est sincère et ignore que ce qu’elle dit est faux, et cela même vers 4 ou 5 ans. Pour repérer plaisanterie et mensonge, il faut comprendre que l’autre sait pertinemment que ce qu’il dit est faux et qu’il le fait volontairement dans un but donné.
        C’est effectivement là une situation où l’enfant doit se mettre à la place de l’autre et essayer de penser comme lui, pour comprendre son comportement
        Si mon fils me disait « je vais aller jouer, j’ai fini d’apprendre mes leçons » en pensant que je vais le croire, c’est un mensonge. S’il dit la même chose juste en rentrant de classe, sachant très bien que je sais que c’est faux et que je ne le croirai pas, c’est une plaisanterie.
        C’est très difficile pour un enfant de moins de 6 à 7 ans de différencier les deux et surtout de savoir manier ces concepts.

        En effet le troisième stade, c’est d’imaginer comment on pourrait agir sur la pensée d’autrui, et donc de mener dans ce sens, son propre comportement.
        C’est apprendre à mentir de façon vraisemblable, pour en tirer un avantage ou manipuler autrui, ou à faire une plaisanterie pour amuser les autres.
        Il est rare qu’un enfant sache faire cela avant 7 ans.

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  • http://lancien.cowblog.fr/images/Images3/imageaxd.jpg

         Dans mes articles sur le cerveau, j'ai souvent parlé de la difficulté à faire du multitâche j’ai reçu un mail de  jeunes lecteurs de mon blog, qui m’affirment qu’ils n’ont aucun mal à faire leurs devoirs, en même temps qu’ils surfent sur internet, répondent à un SMS ou mettent une remarque sur le facebook d’un ami.
        Ces jeunes oublient de me dire si leurs devoirs ont eu de bonnes notes, et pour eux, on peut à la fois travaiuller et s’amuser en même temps.
        Bien sûr je ne suis pas un « mutant », né avec un smartphone et une tablette dans les mains, mais pendant toute ma vie j’ai eu une multitude de tâches devant moi, et j’ai un microordinateur depuis 1980, j’ai une tablette (qui m’horripile car elle me semble faite, non pas pour des gens intelligents, mais pour des idiots désordonnés; elle fait tout à votre place et ne vous laisse aucune initiative) et un téléphone (mais je fais très peu de sms, car je trouve que, si on veut effectivement dire suffisamment de choses, cela va beaucoup plus vite par la messagerie à partir d’un clavier, et puis les 27 pouces de mon vieux Mac et les 40 pouces de mon "mini Mac", sont quand même plus agréables et confortables que les 4 pouces du téléphone, surtout pour les photos. ( Mais j'ai vu des jeunes regarder une partie de tennis sur leur smartphone. Voyaient ils la balle ?).
        Et j’ai toujours constaté que je pouvais faire plusieurs choses à la fois, mais déjà deux choses à la fois dégradaient fortement la qualité et la vitesse de ce que je faisais et plus entraînait beaucoup d’erreurs. Et pour moi, le travail et le jeu n’ont jamais fait bon ménage. Ils sont tous deux nécessaires, mais séparément.

        En fait le cerveau, comme votre ordinateur ne fait jamais plusieurs tâches en même temps, même sur un même travail : il décompose en micro-tâches qui sont effectuées successivement.
        Alors pour l’ordinateur, comme il ne lui faut que quelques microsecondes voire moins, pour accéder à des données ou faire une micro-tâche, alors il en fait un très grand nombre pendant le temps qu’il vous faut pour voir ce qui se passe sur votre écran (au mieux 50 millisecondes), et vous avez l’impression que votre ordinateur exécute les tâches simultanément.
        Mais dans votre cerveau ce n’est pas pareil : une information met en général une centaine de millisecondes pour être transmise au cortex central et il lui faut plusieurs secondes pour réfléchir et décider d’une action. Par ailleurs pour sortir des données de la mémoire, il faut encore quelques dixièmes de seconde et la mémoire tampon de stockage des informations transitoires est limitée à 6 ou 7 items. 
        Si donc nous faisons plusieurs tâches à la fois, le ralentissement de chacune d’elle est considérable, même si nous faisons attention à chacune. De plus, si les tâches sont voisines, on a un risque de mélange de données. Et le cerveau doit partager son énergie entre les deux tâches.
        Un point cependant : ce que j’appelle une tâche, c’est un comportement maîtrisé et intentionnel, c’est-à-dire qu’au moment d’exécuter la tâche, le sujet doit déjà avoir en tête l’objectif de son geste.  Des actions sans objectif précis et voulu et coordonné par le cerveau, ne sont pas des tâches pour l’objet de cet article. (des automatismes par exemple). L’écriture d’un texte est une tâche unique, car la tâche intelligente est la réflexion sur ce qu’on va écrire, car pour une personne entraînée (mais pas pour un  enfant qui apprend à écrire), l’écriture elle même est ensuite automatique. De même la lecture est automatique, la tâche intelligente étant la compréhension du texte.

        Mais ce n’est pas le seul inconvénient : si les tâches sont trop différentes, comme faire un devoir et consulter facebook, notre attention se relâche, saute de l’une à l’autre, ou risque d’être focalisée sur la plus simple, la plus facile (et ce n’est pas le devoir).
    Ecrire un SMS et consulter Facebook à la fois, serait déjà pénalisant en matière de rapidité, mais les deux tâches n’ayant besoin ni d’une grande réflexion, ni d’une grande précision, cela sera possible. Par contre faire une opération facile, en même temps qu’une difficile, se fera forcément au détriment de la rapidité et de la qualité de cette dernière. Si c’est une opération demandant réflexion et créativité, ce sera même mission impossible.


        Autre problème, des études ont montré que si on effectuait plusieurs tâches, ou même si l’on saturait  le travail de mémorisation, le cerveau ne conservait plus ses capacité de jugement et pouvait plus facilement être influencé.
        En cas de saturation de la mémoire, on conserve mieux les premières notions mémorisées que les dernières. Nos éléments de réflexion et de décision sont donc faussés. 
        Les chercheurs ont par ailleurs montré que lorsque nous sommes distraits, ce ne sont pas nos attitudes qui sont modifiées, mais nos capacités de réflexion, de compréhension et de jugement qui sont fortement amoindries.

        Le laboratoire de neurosciences de l’INSERM à l’Ecole Normale Supérieure de Paris a montré par IRM, que lorsque nous effectuons une tâche unique, les deux hémisphères cérébraux collaborent en communiquant par le « corps calleux », faisceau de millions d’axones reliant les deux hémisphères. Par ailleurs une partie du lobe frontal traite la tâche et une autre le but 
        Quand le cerveau effectue deux tâches à la fois, il essaie de les exécuter dans chaque hémisphère, notamment au niveau du cortex préfrontal, chaque hémisphère traitant l’objectif et l’exécution. Mais une troisième zone du cerveau préfrontal est obligé de coordonner les deux tâches, car les ressources ne sont pas infinies, et par ailleurs certains centres sont spécialisés, notamment ceux du langage. Cette troisième zone assure en particulier, pendant qu’un hémisphère travaille sur la tâche 1, la conservation des données qui seront ensuite utilisées par l’autre hémisphère pour la tâche 2.
        Il est évident que si on veut mener 3 tâches, il n’y a pas 3 hémisspères cérébraux, et le travail va devenir très difficile, entraînant de nombreuses erreurs et une grande lenteur.

        Finalement lorsque nous utilisons un ordinateur, une tablette, un téléphone portable, internet ou un logiciel, ce ne sont que des outils et c’est notre cerveau qui est aux commandes. Ces outils peuvent sembler, grâce à leur rapidité et leur capacité de stockage intermédiaire, faire plusieurs tâches à la fois. Mais notre cerveau ne le peut pas et c’est lui qui limite l’opération. Par contre il est intelligent et innovant pour traiter un problème, à condition d’y être attentif, alors que les moyens informatisés sont idiots et ne font qu’appliquer un processus préprogrammé (sauf maintenant; en partie, avec l'intelligence artificielle).
        La « capacité multitâche » du cerveau est donc un mythe et le sentiment de puissance que nous donnent les moyens multimédias est totalement illusoire. Le multimédia ne nous rendra pas intelligent, mais risque de nous rendre plus paresseux, alors que notre cerveau à un énorme potentiel à notre naissance, mais l’intelligence ne s’acquiert que par le travail, l’apprentissage répétitif et la mémorisation..
        Si l'on veut faire plusieurs tâches le plus vite possible et surtout avec le moins d'erreurs possibles, il faut les faire les unes après les autres, et une seule à la fois.

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  • Libérer sa créativité

          J’ai cité, dans un article du premier juin 2023, 10 façons d’améliorer le fonctionnement de son cerveau, qui étaient exposées dans le numéro de mars de la revue « Cerveau et Psycho » et j’avais dit que j’examinerai l’une après l’autre ces recommandations,
          Aujourd’hui je traiterai de la cinquième action :.
                         - Libérer sa créativité.
          C’est un résumé de l’article correspondant de la revue.

          La créativité est la capacité à produire quelque chose (objet, idée, méthode etc…) d’original, adapté à un certain contexte et respectant des règles et contraintes fixées à l’avance. C’est trouver des solutions nouvelles, résoudre des problèmes nouveaux, s’adapter au changement.
          Mais la créativiié n’est pas créer ex nihilo. C’est, sauf rares exceptions, se servir d’idées, d’objets, de recettes existants, mais en les assemblant d’une façon originale, à laquelle personne n’avait pensé. L’innovation c’est traiter de façon nouvelle des choses existant déjà.

          En ce qui concerne le cerveau, trois réseaux semblent principalement concernés.
          Dans la partie médiale du cortex préfrontal, un centre est à l’origine d’associations d’idées,  de génération de nouveauté, de remue-ménage d’idées spontanées. On l’appelle du nom barbare de « réseau de mode par défaut ».
          Dans la partie latérale gauche du cortex préfrontal, le « réseau de contrôle » va combiner les idées, poser des conditions, trier les idées en éliminant certaines et en retenant d’autres, en fonction de l’adéquation au but recherché.
          Enfin un troisième réseau, le « réseau de saillance » va orienter les deux précédents en attirant leur attention sur certaines idées ou voies de recherche.

          Des études sous IRM et celle de malades ont permis de confirmer ces données. On peut exciter électriquement ces  zones ou essayer de contrôler leur fonctionnement en le suivant par électro-encéphalographie.

          Il est possible d’agir sur la créativité en entraînant ces trois processus d’association de contrôle et d’attention orientée.. On peut aussi examiner comment notre cerveau procède, et quelles sont ses diverses étapes, afin d’améliorer son processus.

    L’auteur de l’article suggère trois clés pour stimuler sa créativité :
              - Laisser reposer le problème après l’avoir étudié. Se reposer et même dormir. Le cerveau décante les données et des idées souvent surgissent ensuite.
             - Etre dans un contexte social motivant, motivation, collaboration en équipe. Chacun émet des idées que l’autre fait évoluer.
              - S’intéresser à ce qui se passe en soi, lorsque l’on crée, lorsque surgissent des images mentales, puis lorsqu’on contrôle ces idées, lorsqu’on repère les impasses ou au contraire les voies promet-teuses. Essayer d’améliorer, d’intensifier les processus.


          Cet article m’a paru intéressant mais je regrette qu’il n’ait pas attiré l’attention sur le point suivant qui me paraît très important.
          Comme je l’ai souvent dit, on n’invente pas à partir de rien, (ex nihilo »; quelque chose d’absolument inédit dont personne n’a jamais entendu parler. On associe d’une façon originale et inédite des idées et données que l’on avait en mémoire et que l’on a donc recueillies précédemment.
          Il en résulte une condition : pour avoir de telles associations il faut brasser beaucoup d’idées pertinentes avant de penser à les associer et donc, pour innover sur un sujet donné, il faut très bien connaître le domaine, ce qui est aussi vrai pour en contrôler l’adéquation au sujet traité.  On a très peu de chances d’innover dans un domaine qu’on ne connaît pas. Certes un oeil neuf peut avoir des idées intéressantes, mais cela nécessite quand même un minimum de connaissance du domaine concerné.
         On peut être un expert et ne pas avoir d’idées nouvelles mais il semble exclu qu’un ignorant en ait.
          C’est d’ailleurs l’intérêt du travail de groupe qui associe des experts et des personnes créatives, qui auraient une moins bonne connaissance du domaine, mais cependant minimale.

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