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Cas de conscience.
J'avais décrit, les 4, 5 et 6 novembres 2019 les expériences de Migram et une émission de télévision qui les avait reprises dans un "jeu télévisé", sur les réactions de personnes soumises à une autorité et qui ne se sentaient plus suffisamment responsables pour refuser de torturer un (faux, mais elles ne le savaient pas) patient au moyen de décharges électriques.
J'ai reçu plusieurs mails avec des remarques très diverses, mais on m'a demandé s'il existaient d'autres expériences analogues.
Je n'en connais pas, mais j'ai lu des compte-rendus d'expériences sur des décisions difficiles proposées à des "cobayes" et notamment un compte-rendu d’études d’Antonio Damasio, neurobiologiste italien connu, qui travaille à l’université d’Iowa, sur un “cas de conscience théorique” qu’il proposait à des personnes volontaires.
« Vous êtes avec quelqu'un que vous ne connaissez pas au-dessus d'un pont qui enjambe une voie ferrée. Derrière un tournant de la voie ferrée, vous apercevez une voiture bloquée sur la voie, avec plusieurs occupants a son bord et vous voyez le train approcher. Vous avez une seule solution pour forcer le train a s'arrêter : pousser votre voisin par dessus la barrière du pont et créer un accident qui bloquera la circulation.Que faites-vous? »
Certes la situation est peu vraisemblable et je ne suis pas certain que la solution serait efficace.
Mais supposons comme le demande Damiano qu’elle le soit.
Doit-on sacrifier la vie d'un innocent pour en sauver plusieurs autres ?
Voilà le type de questions auxquelles on soumet les sujets quand on veut étudier comment ils réagissent face à des dilemmes moraux.
La plupart des sujets interrogés sont incapables de sacrifier la personne présente à leur coté.
Dans une variante de ce dilemme, ils ont la possibilité de détourner le train, en actionnant un aiguillage, vers une voie de garage., mais, sur cette voie, se trouve précisément la personne qui, dans I'autre version, était à coté d'eux sur le pont.
Dans ce cas, la plupart acceptent d'actionner I'aiguillage.
Dans les deux cas le point de vue proposé est le même : plusieurs vies valent mieux qu'une, et toutes les personnes en cause nous sont inconnues
Cette expérience montre que nous pouvons faire le choix moral de sacrifier une personne au profit de plusieurs autres, tant que I'on reste dans une approche rationnelle, une logique froide, presque instrumentale où l’empathie n’intervient pas, mais où on “applique une règle”.
Mais la présence réelle d’une personne, d’une logique « chaude» et donc une approche émotionnelle rend impossible cette façon d'envisager la situation, et les volontaires sont incapables de précipiter leur voisin sur la voie, même en pensant que sinon, ce sont plusieurs personnes qui seront sacrifiées.
Damasio a également montré que, chez des personnes dont une zone du cortex préfrontal est lésée a cause de la rupture d'un vaisseau sanguin, zone qui relie les émotions ressenties aux choix que l' on fait, cette zone, n'étant plus active, seule I'approche “froide” est envisagée.
Cette expérience met en lumière l’influence de nos émotions sur nos choix et notamment le lien émotionnel avec d’autres personnes analogues à nous.Mais ce genre de situation est heureusement peu fréquente, mais elle peut se présenter autrement : c'est le cas pour les programmeurs des projets de voiture à conduite automatique. Si la voiture se trouve devant un piéton qu'elle va écraser et si elle veut l'éviter va se trouver face à une voiture venant en sens inverse, qu'elle percutera : que doit dire de faire à la voiture le programmeur ?
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